Exposition Jean Bedez - Mathieu Dufois

Crac jusqu'au 30 janvier 2011

Le Centre régional d'art contemporain de Languedoc-Roussillon, situé à Sète, au bord du Canal Royal, invite deux jeunes artistes français, Jean Bedez et Mathieu Dufois.

Le dessin à l'honneur. C'est ainsi que pourrait s'intituler le « Dialogue » de Jean Bedez, âgé de 34 ans, et Mathieu Dufois, 27 ans. A dialogue, je préfèrerais « mano a mano » qui implique une notion de compétition. La manière de chacun est aux antipodes, mais la maîtrise du coup de crayon les rapproche.


Jean Bedez, entre modernité et spiritualité

La Cène - Jean Bedez

Les préoccupations de Jean Bedez sont plus politiques et spirituelles. Les têtes pensantes de notre monde, représentations du G 20 et G 8, disparaissent sous un logo de la grande distribution, les corps sont engoncés et gauches dans leurs habits du dimanche, uniforme universel du technocrate. En revanche, si sa Cène reproduit fidèlement celle de Léonard de Vinci, les visages sont masqués par une auréole, et les corps ont un présence et une vie réelle, Jean Bedez adaptant au dessin la technique du sfumato (évanescent, enfumé, effet vaporeux obtenu par la superposition de plusieurs couches de peinture très délicates, qui donne au sujet des contours imprécis) mise au point par le maître de la Renaissance.

Ses études, travail préparatoire pour un polyptique, ont un trait plus vigoureux, trois essais, trois manières, mais on retrouve la patte de Jean Bedez. Son homme décapité, exposant son corps torturé drapé dans un linceul, sa joueuse de tennis, Francesca Schiavone, se prosternant après sa victoire à Roland Garos, dont la tête se métamorphose en dieu Pan, et, pour finir, un paysage noir aux ruines très romantiques qui tranche avec la manière claire obscure des précédents dessins sont les moments les plus forts de sa part du « Dialogue ». Je ne suis convaincue ni par son «Apocalypse» de Dürer sur draps de bain. Rappelons, pour mémoire, que l'«Apocalypse» d'Albert Dürer est le premier livre conçu et dessiné par un artiste, avec des gravures pleine page. Les gravures ont été réalisées entre 1496 et 1498. Ni par son « Ange bleu » sans visage. Jean Bedez a flouté tous les visages. Travail de romain qui me semble vain. Comment peut-on faire l'économie du visage sévère au-delà du raisonnable du professeur, de la lézarde de son âme et de sa chute aux enfers qui bouleversent et ravagent ce vieux visage qui retrouve de l'humanité dans le malheur.


Mathieu Dufois, un cinéphile noir et inventif

Mathieu Dufois, malgré son jeune âge, est un cinéphile averti et revisite les scènes cultes du cinéma depuis les origines, avec une manière noire réjouissante. Il tue nos héros sans hésiter. Marylin Monroë, morte dans sa jolie robe blanche, repliée, tel un papillon qui n'aurait pas encore pris son envol, sur la grille d'aération de « Sept ans de réflexion », Charlot, mort sur la route de toutes ses illusions, melon et canne à portée de main, douze dessins saisissants, qui s'inscrivent dans le travail préparatoire à un film d'animation « Memento Mori ».

Memento mori - Mathieu Dufois


Ces dessins sont réalisés à la mine de plomb et à la pierre noire. L'homme de dos, dont le mouvement est décomposé quasiment à l'infini, est plus fastidieux. Est-il nécessaire de connaître tous les secrets de fabrication ? Je ne le crois pas.

En revanche, Mathieu Dufois propose un film d'animation de 47“ qui est un bijou. Dans un premier temps, il a construit en papier la maquette de la chambre où Franck Sinatra se fait enfermer dans « L'Homme au bras d'or » d'Otto Preminger, afin d'échapper à son vieux démon, l'héroïne. Puis l'artiste exécute 102 dessins d'un corps fantomatique, projette l'animation qui en résulte sur la maquette, tout en filmant en trois D. ce petit spectre se cognant contre une porte obstinément fermée et des murs aveugles. Cela donne une vision saisissante de la douleur du héros aux prises avec les affres du manque. Le traitement en noir et blanc, au grain suffisamment gros, donne une impression vieillie, indatable. Cette animation muette renforce le clin d'œ,il vers le cinéma d'un autre âge.

Ces deux garçons invitent, à leur manière, à revisiter l'art contemporain. Jean Bedez et sa quête de spiritualité ouvrent peut-être une ère nouvelle dans ce monde qui en est tellement dépourvu, avec un regard derrière l'épaule, un autre loin devant. Quant à Mathieu Dufois, son voyage initiatique au cœ,ur du cinéma est une sollicitation à comprendre les imbrications entre le dessin, le cinéma et la vidéo. Les héros du passé sont morts, mais le cinéma, le dessin, la vidéo les rendent éternels.


- CRAC Languedoc-Roussillon - Sète
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- Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 12h30 à 19h00.
- le week-end de 15h00 à 20h00.
- Entrée libre - visites gratuites accompagnées d'un médiateur, les vendredi, samedi et dimanche à 16h00.



Par Marie Catherine Chevrier

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