Femmes du Mali - Femmes Afrique

Portrait de deux femmes du Mali qui chacune à sa façon prennent en charge les femmes de leur pays. Kadidia Sidibé-Aoudou se bat contre la pratique de l'excision. La chanteuse malienne Oumou Sangaré a choisit pour combat la lutte contre les mariages forcés.

Ces témoignages sont recueillis par Michèle Decaster et Emmanuelle Barbaras. Ils sont publiés dans 'Femmes d'Afrique, bâtisseuses d'avenir', aux éditions Tirésias.





Kadidia Sidibé-Aoudou, lutter contre l'excision

Kadidia Sidibé-Aoudou, 66 ans, fondatrice et directrice de l'Association malienne pour le suivi et l'orientation des pratiques traditionnelles (AMSOPT)

Aller à l'école a coûté à Kadidia Sidibé-Aoudou un mari mais lui a offert la possibilité de réussir sa vie. Comme beaucoup de petites Africaines, elle est promise en mariage, dès avant sa naissance. Mais comme son père avait aussi décidé de l'envoyer à l'école, au moment de son mariage, à 18 ans, son futur époux déclare ne plus pouvoir l'épouser « car j'étais trop instruite pour lui ». Elle devient enseignante d'anglais et se lance dans la bataille contre l'excision.

« J'ai pris conscience du problème de l'excision à 26 ans quand une de mes élèves
a été rejetée par sa famille, car soupçonnée d'être enceinte », explique Kadidia Sidibé-Aoudou. En réalité, la jeune fille est victime d'une septicémie consécutive à une excision dont elle finit par mourir. « C'était mon premier contact avec cette pratique que j'ignorais totalement en tant que Malienne du nord. J'ai appris par la suite que différentes cultures existent au Mali. Il me fallait les découvrir, les comprendre pour expliquer ce décès. Mon contact avec ces différentes cultures a beaucoup influencé ma réflexion ».

Toute musulmane pratiquante qu'elle est, Kadidia Sidibé-Aoudou rejette la relation entre Coran et excision. Et elle s'interroge : « Comment l'excision, pratiquée par des femmes et sur des femmes, a-t-elle été maintenue pendant des siècles ? » (...) Par expérience je sais maintenant que les gens ont souvent une méconnaissance totale du rôle et des fonctions des organes génitaux. L'influence socioculturelle religieuse a modelé les individus au point de bloquer tout esprit critique et d'analyse chez eux ».

A la fin des années 1990, Kadidia Sidibé-Aoudou créé l'AMSOPT et travaille dans les villages au sud de Bamako et dans la région de Kayes, au sud-ouest du pays. « Nous montrons concrètement, à l'aide d'un mannequin très réaliste composé d'éléments mobiles tel un lego, ce qu'est un sexe normal et un sexe excisé ou infibulé ». Ce travail n'est pas sans efficacité : un certain nombre de villages ont décidé d'abandonner l'excision. D'autant que l'association s'est occupée de trouver des activités rémunérées pour les anciennes exciseuses qui, maintenant font de la sensibilisation contre cette pratique.


Oumou Sangaré, 42 ans, chanteuse,
prix de la musique de l'Unesco en 2002

La diva malienne est née à Bamako dans une famille peule et a fait de la musique l'arme de son combat. Lorsqu'elle a deux ans, son père polygame abandonne sa mère qui se retrouve seule et sans emploi avec 2 filles et 4 garçons. Dès ses 10 ans, Oumou Sangaré est « la petite maman de la maison ». « Pour rapporter quelques pièces je vendais des petits sachets d'eau ou des épis de maïs dans la rue , je chantais également », se souvient-elle.

Elle connaît ses premiers succès en raison de sa voix mais aussi du contenu des chansons qu'elle écrit, notamment contre les mariages forcés. « La musique est une arme puissante qui ne verse pas le sang, qui ne tue pas, mais qui fait réfléchir les gens (...) les femmes sont très réceptives lorsque j'évoque la polygamie ou la maltraitance », dit-elle.

Oumou Sangaré estime que la situation des femmes au Mali s'améliore. « Le monde évolue, les filles de 20 ans ont une meilleure vie que celles de la génération précédente. Elles n'acceptent pas ce que leurs mères ont accepté et leurs filles n'accepteront pas ce qu'elles tolèrent aujourd'hui », analyse-t-elle.

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-Femmes d'Afrique, bâtisseuses d'avenir.
-Ed. Tirésias
-21 rue Letort - 75018-Paris
-Prix : 25€



Par Françoise Merteuil

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