Exposition Paul Klee au Centre Pompidou

Artiste aux multiples talents, musicien, caricaturiste, peintre, Paul Klee a nourri son art de sa vie et de son temps. Né allemand, réfugié en Suisse, il laisse une production sincère, fine, humaine que le Centre Pompidou offre de redécouvrir jusqu'au 1er août 2016 sous un titre aguichant : "l'ironie à l'oeuvre". 

Comment regarder ce moderne Paul Klee?

Derrière chaque image, se souvenir que se cache l’humanité et combien chacune fait prendre la mesure d’une vie d’homme, celle de l'artiste Paul Klee et celle de ses contemporains. La rétrospective que lui consacre actuellement le Centre Pompidou expose de petits formats, en majeure partie,  des petites sculptures, des dessins, des gravures, des aquarelles, mais aussi des huiles sur toile, plus importantes, mais jamais immenses. 

Présentation du miracle, 1916 - The Museum of Modern Art, New York -
 Exposition Pau Klee au Centre Pompidou - Toutpourlesfemmes

Son art reste du début à la fin, connecté à l’esthétique des arts graphiques qui allie délicatesse de trait et finesse de teinte. Violoniste, peintre, dessinateur, Paul Klee crée des ponts entre les arts et son oeuvre se révèle d’une extraordinaire sincérité. Elle traduit, pas à pas, le cheminement de sa pensée et celui de ses émotions qu’il pare de signes et de couleurs,  en plus de titres évocateurs. Remarquable.

Une conscience de l'humain

On a coutume de célébrer son style enfantin quand simultanément ses œuvres n’évitent pas la conscience de l'humain, ni le sacré. Il s’engage violemment dans les impasses de la peur comme trace des horizons vers la lumière, et c’est là, ce que vous découvrirez dans cette exposition.

 Explosion de peur III, 1939 -  Exposition Pau Klee au Centre Pompidou - Toutpourlesfemmes

Sa façon de dire les choses est sans violence tapageuse, humble mais sans naïveté. Une façon de forcer le mur du silence...

Paul Klee, un artiste dégénéré?

L'homme est né en Suisse dans une famille de musiciens. Dès 1933, Klee, qui est de nationalité allemande, fait face à Hitler et à la monté du nazisme. Caricaturiste, il est considéré comme un artiste dégénéré « rayé de la liste », dit-il. Les croix gammées sont sur ses toiles et il part en Suisse se réfugier.

 Couple mauvais genre, 1905 -  Exposition Pau Klee au Centre Pompidou - Toutpourlesfemmes

Dans la définition du mot caricature, on trouve les notions de vision satirique, grotesque, outrée, humoristique.  Une liberté d'expression qu'il manifeste aussi dans un goût prononcé pour les voyages vers l’Italie, la France, la Tunisie, l’Egypte, la Suisse…et qui se traduisent par des rencontres qui marquent son travail : l’Antiquité en Italie, Picasso à Paris, les paysages et la lumière en Tunisie, le signe et le hiéroglyphe en Egypte... Tous ces voyages nourrissent son regard et le rend plus agile pour inventer des règles du jeu et créer des espaces colorés.

Not by Picasso, but...

En 1945, le Daily Mail de Londres annonce une exposition de Paul Klee en intitulant son article « Not by Picasso, but – ». Mais de Klee ou de Picasso, qui influence qui ? Une section de l’exposition est dédiée à ce sujet.

La Belle jardinière, 1939 - Exposition Pau Klee au Centre Pompidou - Toutpourlesfemmes

L’œuvre est de grand format comme celles de Picasso. L’exposition montre combien Klee sera influencé par Picasso. Il serait intéressant de voir comment Picasso l’a été par lui.

Ile douce amère, son chef d'oeuvre

Revenons à Paul Klee et à son chef d'oeuvre, Insula dulcamara, qu'il réalise en 1938. Le titre en latin signifie « Ile douce amère ». Le fond de la toile évoque un paysage abstrait composé d’une suite de gaz colorés comme en suspension. Les teintes  bleu, rose, vert, tendres et printanières, rappellent le ciel , l’herbe, les fleurs naissantes. Ce damier coloré redit le motif de la grille que l’artiste découvre tôt dans sa carrière vers 1911 à travers le cubisme  puis chez Picasso qui invente un vocabulaire prismatique.

Paul Klee - Insula dulcamara, 1938 - Exposition Pau Klee au Centre Pompidou - Toutpourlesfemmes

Tel un bruit des bottes sur le pavé, la ligne noire dessinant une calligraphie inquiète le regard. On décode le visage d’Hitler avec une moustache. Se rappeler, qu’à l’issue de ses études à Munich et d’un voyage en Italie en 1901-1902, Klee avait adopté la satire et un trait acéré pour s’exprimer. Ce trait, il l’a aussi théorisé quand il fut professeur au Bauhaus, une école d'art avant-gardiste, en développant l’idée de « ligne active » et la concevant comme « un point en mouvement » évoluant librement sans but particulier.

« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » Paul Klee

Les signes hermétiques que forment les lignes sont un  vif rappel à ses voyages et à l’art du passé, à la préhistoire notamment. L’artiste est retiré en Suisse loin de la terreur quand il peint cette œuvre et pose à travers elle, son point de vue critique sur l’état du monde. Il la parsème aussi de baies rouges et des feuilles. A cette date, Paul Klee est profondément atteint par sa sclérodermie. Ces motifs se réfèrent à la plante solanum dulcamara qu’il utilisait pour soigner sa maladie qui raidit son trait mais ne l’empêche pas de créer.  Il est étonnant de percevoir à quel point cette oeuvre synthétise  de façon magistrale un parcours d'art et de vie.

Caroline Benzaria

Informations pratiques :
Paul Klee : L’ironie à l’œuvre du 6 avril au 1er août 2016 au Centre Pompidou
Les oeuvres étant fragiles, l’exposition ne sera pas itinérante.


A savoir
 : Pour mieux connaître son oeuvre, visitez à Bern en Suisse, le Zentrum Paul Klee, dans un bâtiment conçu par l’architecte Renzo Piano.

@2016 Digital Image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence ; Zentrum Paul Klee, Berne
 

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