Mélanie Doutey, une brune qui ne compte pas pour des prunes

Mélanie est à l’affiche du film Entre amis (sortie le 22 avril) aux côtés de Zabou Breitman, Isabelle Gélinas, François Berléand et Gérard Jugnot. Elle incarne Daphné, la nouvelle compagne de Daniel Auteuil. Son arrivée va surprendre, bousculer ou agacer par sa jeunesse, ses meilleurs potes et leurs épouses, invités sur son voilier. La traversée va être mouvementée autant sur l’eau que dans le bateau ! La comédienne incarne aussi la conteuse dans le spectacle musical Haïm à la lumière d’un violon en tournée en France.

Melanie doutey

Entre amis de Olivier Baroux, Haïm à la lumière d’un violon, de Gérald Garutti

Mélanie Doutey : une brune qui ne compte pas pour des prunes

« J’essaye d’être dans le positif mais je ne suis pas naïve»

La première chose qu’on remarque quand Mélanie entre dans un café de la typiquement parisienne rue Mouffetard, ce sont ses grands yeux noirs. Suivent une poignée de main franche et un sourire radieux qui éclaire cette après-midi grise où les giboulées s’enchainent. Pas de chichis chez la comédienne de 36 ans à la voix grâve qui parle franc et érige en mode de vie de voir le côté positif des choses. Rencontre à l’occasion de la sortie du film Entre amis, avec une jeune femme discrète mais pas lisse, épicurienne et passionnée par son métier qui monte comme vous et moi avec difficultés des meubles d’un certain magasin suédois en ruinant sa manucure toute fraîche.

Dans le film, vous êtes la jeune compagne de Daniel Auteuil qui « dérange », est-ce que le tournage s’est passé « entre amis » ?

film entre amis

J’étais flattée de jouer la compagne de Daniel Auteuil. Je connaissais déjà Gérard Jugnot et François Berléand, un amour, avec qui j’avais déjà travaillé, Zabou que j’admire beaucoup et j’ai découvert Isabelle Gélinas, un bonbon. C'était un tournage très sympathique, joyeux et bon enfant. Le film est centré sur ces trois hommes qui sont amis de longue date mais où les nanas ont leur place. Mon personnage est une pièce rapportée qui essaie de se faire accepter. Ce qu’elle représente, sa différence d’âge avec le personnage de Daniel Auteuil, dérange. C’est drôle on dit cougar pour les femmes mais il n’y a pas de nom pour les hommes qui sortent avec des femmes plus jeunes qu’eux.

Après un accueil froid de la part de Zabou, elle compense pour essayer de plaire aux copains et de les charmer en étant d’une bonne humeur absolue. Ca crée des moments d'électricité. Personnellement quand je suis nouvelle dans un groupe, je ris bêtement ou je fais rire. L’humour est une bonne façon de se faire accepter.

Est-ce que votre vie est peuplée de beaucoup d’amis, hommes et femmes ?

Il y a plus de femmes que d'hommes mêmes si je crois aussi qu'on peut avoir des amitiés avec eux. J’ai gardé avec le père de ma fille Ava (Gilles Lellouche) de très bons rapports. C’est quelqu’un que j’admire beaucoup. J'ai peu d'amis mais des amitiés très, très fortes, qui comptent beaucoup, beaucoup pour moi et de plus en plus. Ce sont des femmes que j'admire et que j'aime. J'aime les femmes dans leur ensemble tout sans filtre ! Elles m’accompagnent dans des moments joyeux et aussi les moments plus fragiles. C’est un sentiment que je découvre avec le temps. Etre ami c'est savoir conseiller et être à l'écoute et aussi se confier, c'est un échange. Ce n’est pas unilatéral sinon on parle à un psy. Il n’est pas facile de faire des confidences, c’est sûrement pour ça que j’ai très peu d’amis. Et si j’ai l’impression de m’être trop confiée à certaines personnes, tant pis. De toute façon, j'évite d'avoir des regrets.

Vous donnez une certaine image de jeunesse et de légèreté, avez-vous envie de rôles plus mâtures ?

Oui ! Je me dis que chaque chose vient en son temps. C’est une certaine philosophie de vie que je m'impose. J'ai été gâtée très vite. Dans le film de Pierre Jolivet, « Le frère du Guerrier », je tenais le rôle principal alors que je n'avais encore rien fait, j’ai été choisie par Chabrol…J’ai eu beaucoup de chance. J’ai tourné beaucoup de comédies romantiques mais à 36 ans, cela ne correspond plus à mes préoccupations, j’ai envie de passer à autre chose et d’être plus en accord avec moi-même. Mais en même temps, je suis comme je suis, je ne vais pas me vieillir non plus. Je ne suis pas quelqu'un d’aigri mais ce n'est pas pour ça que je n'ai pas envie de plus. Ce n’est pas un rôle particulier dont j’ai envie mais de rencontres : avec un personnage, une histoire et aussi un réalisateur, c'est un ensemble. Il m’est arrivé de dire à des des metteurs en scène que j'ai aimé leur travail, une façon détournée de les solliciter mais je trouve que les gens ne se félicitent pas assez et sont peu curieux du travail des autres. S’il est agréable de recevoir des compliments, c’est sympa aussi d’en faire.

Ce côté positif, souriant, un peu en retrait, ne vous dessert pas pour passer justement à autre chose ?

Certainement. C’est possible. On peut ne voir en moi que ce coté là, par manque d’imagination. Mais je n'ai pas envie d’arriver à un rendez-vous avec les cheveux crades en faisant la gueule pour donner une autre image…Ca m'ennuie profondément les gens qui râlent. J'ai la même vie que les gens normaux. J'essaye d'être dans le positif et de voir les choses de façon favorable. C'est une politesse, une gymnastique que je m'impose et aussi une rigueur que j'essaie modestement de transmettre aux autres. Mais je n'ai pas de naïveté et je ne m’émerveille pas de tout comme le ravi de la crèche et je ne crois pas que tout soit parfait. Il m'arrive comme tout le monde de m’énerver par exemple, au volant. La médiocrité et la paresse me rendent folle. Je peux taper, devenir un petit roquet et mordre quand je vois des gens par exemple qui ont des millions d’euros dans les mains pour faire un film et qui ne travaillent pas assez. Mais je peux m’auto-taper aussi car je suis plutôt contemplative et la limite entre les deux états est assez mince.

Vos parents sont comédiens, votre « petit » frère, dramaturge, vous êtes tombée, enfant, dans la marmite de la comédie, est-ce que vous vous imaginiez faire autre chose de moins précaire ?

La précarité du métier ne m’inquiète pas, c’est le manque qui m’inquiéterait. J'ai grandi dans ce milieu et j'ai l'habitude d’un temps où ça marche et un autre où cela va moins bien. L’interprétation, ne plus pouvoir exercer mon métier me manquerait car jouer est mon moyen d'expression. Je l’aime passionnément. Même passer des essais ne me dérange pas. C’est une façon de se retrouver, de se rencontrer autour d'un travail, de voir comment ça va se passer, si ça va « matcher » entre nous. Ca fait partie du boulot. J’essaye de garder l’équilibre entre cinéma et la scène. Le théâtre, c’est très important pour moi. C’est la trouille tous les soirs et je suis très, très traqueuse. Il y a une remise en cause permanente, un retour à l’essentiel, qui me rappelle à la nécessité qu’on a d’exprimer quelque chose. Qu’est-ce que je vais raconter ? En ce moment je participe à ce spectacle musical que j’aime beaucoup qui est sur l’histoire d’un homme, le musicien Haïm Lipsky où je dois trouver ma place au milieu des musiciens. Au cinéma, on est dans l’éphémère et il faut être juste et dans le vrai tout de suite, on est dans l’intensité et aussi dans l'abstraction puisqu’il faut oublier tout ce qui vous entoure. J’y ressens une certaine excitation et il y a quelque chose qui me touche dans la création de cette illusion et de toutes ces choses qui nous échappent de cet art qui est encore récent. 

Est-ce que vous sortez facilement d’un personnage et vous vous intéressez à d’autres choses qu’à la comédie ?

Si je joue un personnage difficile comme dans Post-partum , j'ai besoin de mettre de la distance. Nous tournions en province et en rentrant chez moi après des scènes très dures, je ressentais le besoin de décompresser. Je lisais. J’ai toujours beaucoup aimé lire sauf les polars ou la science fiction. La princesse Leia avec ses macarons, ce n’est pas pour moi ! Mes parents nous ont transmis la passion du mot. Lire en dégustant un verre de vin est une belle échappatoire. C’est Claude Chabrol qui m'a donné et appris l’amour du vin et ça je l’ai bien gardé ! Je suis épicurienne et pour tenir la ligne, je suis comme tout le monde, je me suis mise au sport et je fais attention le soir mais j'ai aussi des moments de lâchage. En dehors de mon métier de comédienne, j’ai été créatrice pour revisiter le sac 24h de Gérard Darel. Je n’avais jamais fait ça de ma vie et je ne suis pas passionnée par la mode mais j'ai aimé rencontrer tous ces corps de métiers, découvrir les ouvrières qui travaillent le cuir, pensent le design du sac en tenant compte de la commodité pour une femme active,… surtout que j’ai un énorme sac à main avec lequel j’ai un rapport un peu doudou. On y trouve plein de choses et je garde des tickets de métro deux ans, de cinéma, j’aime bien les sentir là…J’ai du mal à prendre des petits sacs.

Qu’est-ce qui vous rassure, les compliments, votre parfum préféré?

Je me méfie des compliments. Quand je travaille, je mets toujours Allure de Chanel mais dans la vie, enfin au quotidien, je suis entrain de changer de parfum. Ce qui me donne confiance c’est le sourire de ma fille quand elle me dit qu’elle va bien. Je me dis que je ne me suis pas trop trompée.

Qu'aimeriez-vous qu'un metteur en scène découvre de vous ?

Une certaine noirceur mais c'est un peu bateau. Peut-être mon côté plus autoritaire qu’on ne pense mais en même temps je n'ai pas le sentiment que je le cache. Je ne suis plus une petite souris. C'est la vie qui m'a appris à être plus aguerrie et je suis ravie de ça. Je referais tout pareil. Je suis ravie de continuer à apprendre.

Interview réalisée par Véronique GUICHARD

 

 

 

 

 

 

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