Les Salines au patrimoine mondial de l'humanité

Vingt et un kilomètres seulement séparent la petite ville de Salins-les-Bains et la Saline royale d'Arc-et-Senans (Doubs) qui a apporté la richesse à cette région. L'Unesco a classé tout d'abord la Saline Royale, puis par extension Salins-les-Bains, en 2009. Itinéraire historique autour de l'exploitation du sel.

Au Moyen-Age, les routes du sel étaient les routes de l'or blanc. Sel de mer, sel issu de nappes phréatiques, sel de carrières, autant de richesses potentielles. En effet, le sel était le seul moyen de conservation connu des aliments, entre autres. Rien n'échappant aux autorités, elles avaient taxé fortement l'or blanc avec la gabelle, impôt sur le sel. Ceux qui avaient le sel étaient riches.

Salins les Bains, au Moyen-Age, puis Arc et Senans au XVIIIe siècle ont contribué à enrichir et développer ce petit bout de Franche-Comté. Le lieu le plus connu est bien sûr la Saline royale d'Arc et Senans, rêve éveillé de Nicolas Ledoux. En 1982, l'Unesco l'a inscrite au patrimoine mondial de l'humanité. En 2009, les Salines de Salins-les-Bains sont reconnues à leur tour patrimoine de l'humanité en extension de celle d'Arc-et-Senans. Ce classement est une renaissance culturelle et économique pour cet axe de 21 Km et une reconnaissance d'un patrimoine industriel et industrieux.

Au premier plan, le casino, la saline en arrière plan

Le commencement de l'histoire du sel dans la région se situe à Salins-les-Bains. Dès le IVe siècle avant J.-C., on a connaissance de l'exploitation de sources salées. Durant tout le haut Moyen-Age, la petite et la grande salines se développent, ville fortifiée dans la ville fortifiée. Au XVe siècle, la Grande Saline est reconstruite intégralement en pierre. Des moines cisterciens, venus de Suisse, ont été appelés en renfort pour concevoir la cathédrale souterraine qu'est la grande saline. En effet les sources salées sont exploitées en sous-sol, la saumure, nom donné à l'eau salée, remontée par des puisards, circulant dans un entrelacs de canaux, dont chacun a son utilité, est remonté à la surface où le traitement se fait dans de grands chaudrons appelés poêles dans lesquelles est chauffée la saumure afin d'obtenir la cristallisation du sel par évaporation de l'eau. Des hommes, les sauniers, maniaient des râbles, longs râteaux troués afin de récupérer le précieux condiment. En 1962, l'exploitation de la saline a définitivement cessé.

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Il est intéressant de voir l'imbrication de la grande histoire avec l'histoire d'une petite ville qui fut tellement riche au Moyen-Age, qu'elle était la deuxième ville de Franche-Comté, devant Dôle. Lorsque la province -pour mémoire, la Franche-Comté appartenait à l'empire des Habsbourg- tomba dans l'escarcelle de Louis XIV, il n'eut aucun état d'âme et les salines tombèrent dans le domaine royal. Le fidèle Vauban, sur ordre de son royal patron, aménagea et restaura deux forts, qui se font face, de chaque côté de la Furieuse, au sommet de la montagne. Il était possible ainsi de surveiller les entrées et les sorties de la ville, et tout mouvement suspect qui aurait pu faire penser à une activité de contre-bande. Le gabelou, qui tire son nom de la gabelle, impôt sur le sel, est un douanier qui ne chôme pas. Il faut croire que l'investissement était rentable. Aujourd'hui, un de ces forts, le fort Saint-André, est reconverti en chambres d'hôtes, lieu de séminaire ou de fête. De là haut, bien que Salins-les-Bains ait brûlé au deux tiers au XIXe siècle, on voit remarquablement l'implantation de la ville et sa première enceinte , les salines, le long de La Furieuse, et leur deuxième enceinte, ville dans la ville.

Vue aérienne de la Saline royale

Cette exploitation du sel, si elle apportait la richesse, elle apportait aussi un inconvénient majeur, la déforestation. Après des siècles d'exploitation, le bois alentour se raréfiait. C'est à ce moment-là que fut décidé la création ex-nihilo de la Saline d'Arc-et-Senans. Le choix n'a pas été fait au hasard. Il a été fait en fonction de la proximité de la forêt de Chaux. Ensuite il a fallu construire une conduite souterraine de Salins à Arc pour amener la saumure. Elle est longue de 21 KM, est en bois et est soumise à une surveillance constante, car là aussi le contrebandier peut sévir.

Le roi Louis XVI demande à Nicolas Ledoux, l'enfant du pays, de concevoir la Saline. Cet architecte, pétri des idées du siècle des lumières, franc maçon à la recherche de l'harmonie absolue, fait une proposition qui relève de la chimère , il soumet un plan pour la construction d'un ensemble qui permettrait à l'ouvrier et à sa famille de vivre de la naissance à la mort. Louis XVI donne son accord pour la réalisation de la moitié du projet qui, en l'état, est déjà un progrès social immense. Chaque famille a une pièce à vivre et un potager qui lui permet de cultiver des légumes. Les ouvriers peuvent vivre décemment, le jardin potager, attenant à leur demeure, leur permet de se nourrir. Aujourd'hui, ces jardins continuent de vivre. Chaque année est organisé un festival des Jardins.

Un potager à la Saline royale

Le rêve fou de Nicolas Ledoux qui avait même pensé à une maison de retraite pour les vieux ouvriers a donc été étouffé dans l'œ,uf. Mais dans une exposition de maquettes, on peut prendre la mesure de l'ampleur du projet. On peut voir aussi les maquettes du théâtre de Besançon, conçu par l'architecte, qui a malheureusement brûlé, et de ses ouvrages parisiens, le plus connu étant la Rotonde au métro La Chapelle. C'est un témoignage précis du siècle des Lumières.

Avec les beaux jours qui arrivent, des envies de vacances ou de week-end prolongé, la route du sel de Franche-Comté vous attend.

Par Marie Catherine Chevrier

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