Jean-Pierre Pincemin, rétrospective à Céret

Le musée d'art moderne de Céret, en collaboration avec la Piscine Musée d'Art et d'Industrie André Diligent et le musée d'Angers, organise une grande exposition à caractère rétrospectif sur Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) jusqu'au 10 octobre 2010. C'est l'évènement de la plus grande envergure dédiée à cet artiste.





JEAN-PIERRE PINCEMIN (1944, PARIS -2005, ARCUEIL)

Artiste autodidacte, Jean-Pierre Pincemin avait commencé sa carrière professionnelle comme
tourneur en usine. Passionné de jazz, d'art et de cinéma, il fréquente le musée du Louvre et les
galeries d'art parisiennes. C'est ainsi qu'il rencontre le galeriste Jean Fournier qui l'incite à devenir
peintre en lui affirmant qu' « être artiste relève avant tout d'une décision, non d'un apprentissage ou
d'un savoir faire».

En 1967-68, lancé dans sa carrière de peintre, Pincemin se fait remarquer avec des empreintes de
planches, de tôles ondulées, de grillages trouvés dans les décharges qu'il effectue sur des draps. Ce
travail qui affirme des principes de série est une étape fondamentale de la construction de sa peinture
et le rapproche des questions du groupe supports/surfaces auquel il participe entre 1969 et 1971. Sa
réflexion sur le statut même de la peinture le conduit à expérimenter différentes propositions jouant
notamment sur la couleur, en organisant la surface de l'oeuvre en damiers ou en bandes. Patiemment,
après les toiles libres, les découpages et les collages, il revient au tableau dans des compositions très
architecturales que sont les séries des portraits et des palissades, souvent dans des formats
grandioses, à l'américaine, et construits avec de très subtils jeux d'à-plats.

À partir du milieu des années 1980, l'artiste renoue avec l'image et le sujet. Sa série de l'Année de
l'Inde, en 1986, surprend alors la scène artistique vouée à l'abstraction. Même si le sujet, s'inspirant
de miniatures indiennes ou d'enluminures médiévales, d'estampes japonaises ou de xylographies
populaires, évitent de créer des images trop évidentes, ces toiles s'inscrivent à l'évidence dans la
tradition picturale.

Parallèlement à cette oeuvre de peinture, Pincemin s'est toujours intéressé à la question du volume et
de la sculpture. L'évolution de sa conception de l'espace représenté sur la toile l'amène notamment à
construire des sculptures en pâte à modeler ou en assemblages de pièces de bois, agrafées comme
les éléments d'armures orientales. Ses expériences techniques le conduisent aussi vers la gravure
dont il explore de nombreux territoires, notamment l'aquatinte au sucre.
Trois musées se sont unis pour rendre hommage à l'artiste et pour insister sur sa place essentielle
dans la scène artistique française à partir des années 1960. Le musée d'art moderne de Céret, le
musée des beaux-arts d'Angers présentent un choix très ouvert d'oeuvres empruntées à de grandes
collections publiques ou privées, en France et à l'étranger. A Céret, le musée présente 140
oeuvres :dessins, peintures, sculptures. Le musée La Piscine à Roubaix a présenté l'exposition du 3
avril au 13 juin 2010.




L'explorateur de la peinture

À la fin des années 1960, lorsque émerge une nouvelle génération
d'artistes, se pose en France la question de la peinture. Mal à
l'aise devant la tentation décorative de l'École de Paris qui avait
point à la fin de l'occupation allemande et s'était ensuite imposée
comme une alternative à l'omniprésence de l'art américain, et plus
encore étrangers à l'imagerie politique qui peinait à s'affirmer
comme une version française du Pop Art, de jeunes plasticiens
tentent alors une autre voie entre une tradition assumée de la
peinture et une compréhension décomplexée des grandes figures
héroïques de l'École de New York. En renonçant à la cérémonie
du tableau pour revenir aux gestes et aux outils du peintre, sans
jamais cependant renier un vrai plaisir rétinien dans l'élaboration
puis le spectacle de l'oeuvre, la nébuleuse Supports/Surfaces
apportait assurément une vraie réponse française au débat sur la
peinture —, comprise à la fois comme une technique et comme une
oeuvre —, dont la disparition paraissait pourtant universellement
annoncée.

Dans ce groupe, rapidement éclaté, Jean-Pierre Pincemin fit
toujours figure de peintre absolu. D'emblée, il fut placé sous la
double invocation de la tradition et du bouleversement de la
peinture. La radicalité des propositions sur toiles libres, conçues
comme des assemblages puis des volumes à plat, des architectures hermétiques, lui attribua une
place de premier rang dans l'espoir jusqu'alors insatisfait d'un renouveau résolument moderniste
d'une proposition française, adaptée à la dynamique généralisée de la mondialisation d'un modèle
esthétique universel. C'était une charge lourde dont Jean-Pierre Pincemin parut s'acquitter avec une
remarquable conscience qu'accompagnèrent avec enthousiasme, et la critique et les institutions.

Tout semblait alors inscrit dans un remarquable métissage de refus de l'image et de conscience d'un
héritage assumé d'un faire éprouvé : modernité et spécificité, expression parfaite d'une exception
occidentale. Plus même qu'une oeuvre ou une série d'oeuvre, cette posture entretenue par le discours
critique ou officiel du temps, c'est dans le magnifique portrait de Jean-Pierre Pincemin que fixe Alice
Springs, devant Delacroix, dans la grande galerie du Louvre, qu'elle semble pérennisée dans sa
dimension iconique, mais également dans le contrôle en lequel la tient l'artiste lui-même. Lucidité
magnifique que prouve bien la suite inattendue de l'histoire.

Et lorsqu'en 1986, est présentée à la Galerie de France la suite de L'Année de l'Inde avec ses grand
tableaux jouant de l'imagerie sur des formats parfois monumentaux, enfermée dans sa certitude de
l'informel, l'institution est bouleversée1. Qui comprend alors que Pincemin ne revient pas à la
figuration? Qui perçoit vraiment la cohérence d'une nouvelle recherche sur la structure du tableau ?
Qui regarde cette suite à l'aune de ce qu'elle est vraiment, une proposition inédite pour la peinture ? Il
n'y a pas de sujet dans les grandes toiles de L'Année de l'Inde mais, comme l'explique parfaitement Déborah Laks dans sa participation éclairante au catalogue, il y a, pour Pincemin, renouveau
purement plastique à la construction de la peinture. Et cette quête marque toutes les autres relectures
de l'histoire de l'art que propose ensuite l'artiste dans les magnifiques séries des Chasse, des Arbre
de la connaissance et autres Marie Madeleine dont des suites sont ici présentées dans tel ou tel des
accrochages de Roubaix, Angers ou Céret. Et l'on comprend parfaitement en plaçant ces travaux au
coeur d'une trajectoire encore une fois très cohérente —, c'est-à-dire dans la préparation des grandes
toiles abstraites aux réseaux d'arabesques de 2004-2005 —, que Jean-Pierre Pincemin reste
fondamentalement engagé dans l'obsession de la construction de la peinture.



Des toiles libres aux Palissades, des « carrés collés » à L'Année de l'Inde, de la peinture à la
sculpture et de la gravure au design, Jean-Pierre Pincemin a créé son chemin qui lui donnait une
place singulière et représentative des grandes interrogations de la peinture. Sa carrière artistique a
connu un parcours dense, réfléchi, en phase complète avec l'intensité du personnage. Artiste
passionné, Jean-Pierre Pincemin n'a jamais fait de concessions et n'a pas craint de rompre avec les
conventions. Il a en quelque sorte « grandi » avec l'évolution de son travail acharné, sa personnalité
se retrouve à chaque pas, dans chaque pièce.

Depuis le décès de l'artiste en 2005, plusieurs expositions importantes ont été organisées, à Orléans,
à Issoudun, à Tanlay... Grâce à la perspicace détermination de la famille et des amis de Jean-Pierre
Pincemin, trois musées (La Piscine à Roubaix, le musée des Beaux-Arts d'Angers et le musée d'Art Moderne de Céret) ont souhaité s'associer pour apporter leurs lectures de cette formidable
somme qui nous touche profondément tant elle exprime une joie profonde et un bonheur absolu de la
peinture.

Chacun de ces établissements avait son approche et même sans doute sa raison de
s'engager dans ce projet, de révéler le sens et la pertinence de cet oeuvre dont les choix continuent
de perturber le discours convenu sur une histoire de l'art à sens unique et à marche forcée. La
répartition des oeuvres entre les différents sites de cet hommage éclaté induit certes une vraie logique
qui est celle de la fidélité au parcours de l'artiste. Elle est également le fait totalement assumé de
partis pris liés à la spécificité de chaque institution dans son propre projet et dans sa relation à l'artiste
lui-même. Nul doute que dans ces points de vue reste également très présent l'enseignant
remarquable que fut Jean-Pierre Pincemin qui marqua profondément les écoles d'art avec lesquelles il
collabora et les étudiants qu'il aida à s'engager à leur tour dans une vie d'artiste. Cette question du
passage est évidemment fondamentale dans ce projet. Tout autant qu'il paraît légitime de
donner à l'oeuvre de Jean-Pierre Pincemin la place qui est la sienne dans l'art des musées !



À Céret, où le musée a joué un rôle historique déterminant pour les
avant-gardes de la deuxième moitié du XXe siècle en accueillant
depuis 1966 nombre de ces artistes émergents d'après guerre puis
de nouveaux groupes apparus dans les années 1960 et 1970, Jean-
Pierre Pincemin est aussi connu comme un acteur du mouvement
Supports/Surfaces, lequel avait investi le Sud de la France comme
terrain expérimental. Pincemin est également présent dans les
collections du musée avec une des sculptures de l'exposition « Le
Bel Âge » présentée à Chambord en 1990. L'engagement du
musée de Céret envers le travail expérimental des années 1960-
1970 n'est plus à démontrer et Jean-Pierre Pincemin en est l'un des
exemples les plus significatifs. L'exposition présentée à Céret
donne à lire, tout comme à Roubaix, les grandes étapes du travail
de JP Pincemin. Elle met également l'accent sur les très belles et
sensibles peintures érotiques, ainsi que sur la série des Marie Madeleine. Les Chasse au tigre, La Dérive des continents, L'Année de l'Inde et les sculptures
monumentales, occupent une place remarquée et prépondérante. L'exposition ne passe pas sous
silence les dernières oeuvres qui semblent faire référence au maillage complexe et subtil des Chasse,
tableaux majestueux s'il en est, dans lesquels l'artiste explore dans les moindres détails la question de
l'abstractionconstruction.

Commissariat d'exposition : Joséphine Matamoros, Directrice de l'EPCC et conservatrice en chef du Musée d'art moderne de Céret.

Jean Pierre Pincemin from Claude Mossessian on Vimeo.



*Jean-Pierre PINCEMIN - Ateliers et entretien - Version restaurée à l'occasion de la rétrospective Jean-Pierre PINCEMIN au Musée d'Art Moderne de Céret du 26 juin au 10 octobre 2010
musee-ceret.com/mam/exposition.php?expo=141&statut=actuelle- Diffusion durant de l'exposition.



La boutique du musée du Musée d'Art Moderne de Céret

Elle offre un large choix de livres d'art et de catalogues d'exposition, une série de cartes postales, de
nombreuses créations textiles originales, une belle sélection de bijoux et toutes sortes d'objets
décoratifs, et bien sûr le catalogue de l'exposition Jean-Pierre Pincemin et les produits dérivés.
Tél. + 33 (0)4 68 87 97 39 / boutique@musee-ceret.com




- Jean-Pierre Pincemin -
Rétrospective
- En collaboration avec le Musée La Piscine, Roubaix et le Musée d'Angers
- 26 juin - 10 octobre 2010
- Musée d'Art Moderne de Céret
8, Bd Maréchal Joffre-
BP 60413, 66403 Céret Cedex
- T (33) 04 68 87 27 76/
F (33) 04 68 87 31 92
- www.musee-ceret.com

- Horaires d'ouverture-
1er juillet - 15 septembre : de 10 h à 19 h/
16 septembre - 30 juin : de 10 h à 18 h/
Ouvert tous les jours du 2 mai au 30 septembre/
Fermeture les mardis du 1er octobre au 1er avril/
Fermeture les 1er janvier, 1er mai, 1er novembre, 25 décembre.

- Tarifs-
Collection permanente + exposition temporaire:
Plein tarif : 8 euros-
Tarif réduit : 6 euros-
Gratuit jusqu'à 12 ans

- Céret se situe à 12 km de la frontière espagnole et à 30 km de Perpignan.
Accès par avion :
aéroport de Perpignan Rivesaltes et services d'autobus depuis
la gare SNCF de Perpignan./
Accès par le train :
gare de Perpignan et services d'autobus depuis la gare vers Céret./
Accès en voiture :
autoroute A9, sortie Le Boulou et par la Nationale 9.
Prendre au Boulou la direction de Céret par la Départementale 115.
--------------------------------------------------------------------------------------------Lire également :
- Pincemin à l'honneur
- Jean-Pierre Pincemin (1944-2005), explorateur de la peinture, à Angers
- Jean-Pierre Pincemin : Monkey Business
- Monkey business
- Jean-Pierre Pincemin (1944-2005)- catalogue 2010
- Pincemin - Musée Beaux-Arts Angers



Par Nicole Salez

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