Nouvelle Calédonie : vivre ensemble

La Nouvelle Calédonie est un pays étrange et méconnu, où la coutume, valeur ancestrale, a force de loi. C'est aussi un pays où les Kanaks et les Caldoches apprennent à vivre ensemble.

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Carte ancienne de la Nouvelle Calédonie

Il est vraisemblable que la France métropolitaine découvre avec effarement qu'il y a des êtres humains sur ce que l'on a coutume d'appeler « Le caillou », c'est-à-dire la Nouvelle Calédonie, avec le drame d'Ouvea, en 1988. Et ces humains ont un nom, Kanaks pour les Mélanésiens d'origine et Caldoches pour les blancs. Depuis la fermeture du bagne au début du siècle précédent, qui se préoccupe de ces archipels perdus à l'autre bout du monde. Les Kanaks ont opportunément rappelé qu'ils existaient, mais sans droit ni titre. Sans papier chez soi, citoyens de seconde zone.

L'histoire des Kanaks est pourtant vieille de plusieurs siècles avant J.-C. Comme l'attestent des fragments de poterie Lapita retrouvés, les premiers habitants de la Nouvelle-Calédonie auraient posé le pied sur le territoire, il y a environ 3 000 ans. On appelle Lapita la période de 1 300 à 200 av. J.-C. Durant la période suivante, Naia Oundjo, les Canaques (terme qui viendrait de l'hawaïen kanaka signifiant « homme ») arrivent à leur tour sur le territoire. Ils maîtrisent l'art de la pierre polie, et fondent leur civilisation sur la culture de la terre (principalement ignames et taros). Lors de rituels guerriers, des tribus pratiquent aussi le cannibalisme.


Nouvelle Calédonie : bagne des communards

A la fin du XVIIIe siècle, l'archipel est découvert par l'enseigne de vaisseau James Colnett, qui était à bord du vaisseau affrété par James Cook. Il le baptise New Caledonia, en référence à la province écossaise.
Quelques années plus tard, les Français reconnaissent la côte ouest de la Grande Terre et les Iles Loyauté. Néanmoins, on attribue la découverte de ces dernières à l'explorateur français Jules Dumont d'Urville en 1827 qui fut le premier à les situer précisément sur une carte.
A partir de ce moment-là, des missions catholiques tentent de s'implanter. Elles sont chassées et ne s'installent durablement qu'à partir de la deuxième moitié du XIX e siècle. Dans le même temps, la Nouvelle Calédonie est proclamée colonie française.

Les vestiges du bagne


Le 25 juin 1854, les militaires français fondent au sud-ouest de la Grande Terre Port-de-France pour servir de chef-lieu à la colonie, simple garnison qui deviendra rapidement une petite ville et prendra le nom de Nouméa le 2 juin 1866. Après la Commune de Paris, la Nouvelle-Calédonie sert de lieu de déportation pour de très nombreux communards condamnés par les conseils de guerre mis en place par le gouvernement Thiers.
Un des actes les plus infamants de la colonisation est certainement, lors de l'exposition coloniale de 1931, l'exhibition de Kanaks dans un enclos de cases, au jardin d'acclimatation du Bois de Boulogne.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France libre intervient dès 1940 et elle devient à partir du 12 mars 1942 une importante base arrière américaine dans la guerre contre le Japon.

Le drapeau kanak



Tjibaou : renouveau de la culture kanake

Après la guerre, la France abandonne le terme de colonie, abolit le code de l'indigénat. En parallèle, le Territoire connaît une croissance économique rapide et importante grâce à l'exploitation de « l'or vert »: c'est le « boom du nickel », la Nouvelle-Calédonie devenant alors le troisième producteur mondial. Mais les richesses produites ne sont pas équitablement partagées. Les Kanaks sont dans les mines et les Caldoches engrangent les dividendes. La tension entre les deux communautés atteint son paroxysme dans les années 80, et prend la forme d'une quasi guerre civile. La violence culmine en 1988 avec la prise d'otages d'Ouvéa.

Un homme incarne le renouveau et la dignité du peuple kanak. Il s'agit de Jean-Marie Tjibaou, leader des indépendantistes au parcours atypique. Fils d'un chef de tribu, il est ordonné prêtre en 1965. Il part en métropole faire des études de sociologie et d'ethnologie. De retour en Nouvelle-Calédonie, il délaisse la prêtrise pour se consacrer au renouveau de la culture kanak qui semble alors mourante. En 1975, la manifestation Mélanésia 2000 regroupe à Nouméa, à côté du site actuel du Centre culturel Tjibaou, les tribus de toutes les aires coutumières de Nouvelle-Calédonie, et réveille chez les Kanak un sentiment de dignité.

Jean-Marie Tjibaou


Il est nommé à la tête du FNLKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) lors de sa création en 1984. Il paye très cher cette nomination et la décision de boycotter les élections territoriales en organisant un gouvernement clandestin de « Kanaky », puisque, le 5 décembre 1984, un convoi, dont il aurait dû faire partie, tombe dans une embuscade tendue par des caldoches extrémistes. Dix Kanaks sont assassinés dont deux de ses frères.

Caldoches, emmenés par Jacques Lafleur, et Kanaks, avec Jean-Marie Tjibaou, se livrent une quasi-guerre civile. En 1987, les responsables de l'embuscade sont acquittés par une cour d'assise composée uniquement de blancs. Le point culminant sera la prise d'otage de la grotte d'Ouvéa. Cet épisode pousse les deux camps et leurs dirigeants à négocier aboutissant à la signature des accords de Matignon, sous l'égide de Michel Rocard, le 26 juin 1988 prévoyant la mise en place d'un statut transitoire de dix ans devant se solder sur un référendum d'autodétermination pour que les Calédoniens se prononcent pour ou contre l'indépendance. Cet accord est complété par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 qui prévoit une autonomie forte et repousse le référendum final sur la question de l'avenir institutionnel (indépendance ou maintien au sein de la République française) entre 2014 et 2018.

Jean-Marie Tjibaou est assassiné le 4 mai 1989, avec Yeiwéné Yeiwéné, son bras droit au FLNKS, lors de la commémoration de la tragédie d'Ouvéa, par un Kanak, Djubelly Wéa, opposé aux accords de Matignon de juin 1988.




Par Marie Catherine Chevrier

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