”L’Orient des femmes”, interview de Stéphane Martin

Stéphane Martin est Président du musée du quai Branly depuis sa création en 2006. Il répond à nos questions à propos de l'exposition 'L'Orient des femmes vu par Christian Lacroix' qui se déroule du 8 février au 15 mai 2011.

Qu'est-ce qui vous a décidé à mettre les femmes en avant, qui plus est les femmes orientales, à l'occasion d'une exposition au quai Branly ?

Les collections Proche-Orientales du musée du quai Branly regorgent de riches costumes traditionnels, mémoire des populations de cette région et des communautés et ethnies qui s'y côtoient.

Hana Chidiac, qui en est la responsable, m'a proposé il y a environ trois ans, un projet d'exposition autour de cet art vestimentaire peu connu, celui des villageoises et des Bédouines de la Syrie, de la Jordanie, de la Palestine et du désert du Sinaï, pays constituant le fameux « Croissant fertile » qui, jusqu'à 1920, ne connaissait aucune frontière.

Devant ces pièces belles et émouvantes s'est dessiné, peu à peu, le concept de l'exposition : un hymne aux femmes d'orient et un hommage à la fois scientifique, ethnologique et artistique à leur art vestimentaire séculaire.

Quels sont les objectifs de cette présentation ?

Depuis les années 1970, l'image et la physionomie de la femme proche-orientale ont changé. L'exposition offre au visiteur la possibilité de redécouvrir la diversité des modes de vie et des coutumes de ces femmes et dévoile alors un nouveau visage de la femme orientale en portant un regard neuf, vif et esthétique sur leurs créations traditionnelles.

Elle rend ainsi hommage à celles qui, durant des siècles, ont cherché à créer des modes, et à s'embellir.

Comment avez-vous collaboré avec le couturier Christian Lacroix et Hana Chidiac ?

Nous souhaitions proposer bien plus qu'une exposition de textiles, mais une véritable promenade au milieu des costumes dont le plus ancien date du XIIIe siècle, de leurs traditions, de leurs techniques et de leurs broderies.

Très vite, nous nous sommes accordés sur le fait qu'il fallait porter sur cette exposition un regard artistique afin d'enrichir sa dimension scientifique et ethnologique.

Le regard aguerri de Christian Lacroix, directeur artistique de l'exposition, a été particulièrement précieux dans le choix des pièces. Il a su rendre l'ampleur des étoffes à travers une scénographie envoûtante, qui laisse la part belle à l'imaginaire et exalte l'art raffiné de la broderie.

Hana Chidiac, commissaire de l'exposition, est parvenue à obtenir des prêts très importants qui ont contribué à enrichir les collections du musée qui seront présentées à cette occasion.

Je pense à cette émouvante robe d'enfant du XIIIe siècle, retrouvée dans une grotte au
Liban et prêtée par le Musée national de Beyrouth, ou à l'exceptionnelle collection privée de costumes du Proche-Orient de Mme Widad Kamel Kawar (Jordanie), qui collecte depuis plus de quarante-cinq ans ces précieux témoignages avec passion et générosité.


Avez-vous éprouvé des difficultés pour réunir les pièces qui sont montrées à cette occasion compte-tenu de la situation actuelle dans certaines régions d'Orient ?

Institution à vocation internationale, le musée du quai Branly a inscrit dans son projet, dès sa création, le développement d'une politique active de coopération internationale avec les institutions scientifiques et culturelles des pays d'origine de ses collections.

Pour cette magnifique exposition nous avons travaillé en étroite relation avec les pays d'origines des pièces, leurs ambassades en France et des collectionneurs privés.

J'en profite pour exprimer toute ma gratitude à Madame Widad Kamel Kawar pour ses prêts exceptionnels, à Son Excellence Monsieur Salim Wardy, ministre de la Culture, et à Monsieur Frédéric Husseini, directeur des Antiquités du Liban, qui ont accepté de prêter au musée du quai Branly la robe d'enfant du 13e siècle, provenant du musée national de Beyrouth, que l'on peut admirer en début de parcours.

Je remercie enfin pour son aide précieuse Madame Anne-Marie Maïla Afeiche, conservatrice au musée national de Beyrouth, et Son Excellence Madame Dina Kawar, ambassadeur du royaume hachémite de Jordanie à Paris, qui a soutenu ce projet avec vigueur et enthousiasme.

De quelle manière cette exposition s'inscrit-elle dans la programmation 2011 du musée du quai Branly ?

En juin 2011, le musée du quai Branly fête ses 5 ans.
L'ouverture du musée du quai Branly, en juin 2006, a permis de légitimer des cultures longtemps méconnues et de les rendre enfin accessibles au plus grand nombre.

Il s'emploie à créer des ponts entre les cultures, susciter la curiosité et séduire différents publics à travers des expositions temporaires qui, comme L'ORIENT DES FEMMES vu par Christian Lacroix, rythment chaque saison en explorant les grandes civilisations, les problématiques d'actualité, le métissage, les imaginaires.

En 2011, la « cité culturelle » du quai Branly continue donc de développer ses activités en plein cœ,ur de Paris, avec comme objectif la multiplicité des points de vue et des regards sur le monde, à l'origine de la création de cet établissement public «hors norme», grand forum de rencontres et d'échanges.

Le musée du quai Branly propose en 2011 un tour du monde : en Afrique avec DOGON , aux Amériques avec « MAYAS, de l'aube au crépuscule au Guatemala » , en Océanie avec « MAORI, leurs trésors ont une âme » , en Asie avec « SAMOURAI, armure du guerrier » , et « PHOTOQUAI, 3ème Biennale des images du monde » qui propose de découvrir les talents photographiques du monde entier. Nous clôturerons l'année avec « EXHIBITIONS, l'invention du sauvage » par Lilian Thuram.

Vous avez été promu au grade d'officier de la Légion d'honneur à l'occasion du nouvel an 2011, qu'est-ce que cela vous apporte-t-il ?

Une immense fierté que je partage avec toutes les équipes du musée du quai Branly !

Par Nicole Salez