XXIe Festival de Flamenco - Nîmes

En demi-teinte

Ce XXIe festival de flamenco nîmois n'a pas atteint les sommets de celui de l'année dernière, mais il a réservé quelques surprises à qui a su les voir et les entendre.



Côté danse, je ne m'attarderai ni sur les prestations « papier glacé » de Rafaela Carrasco ni sur le show à la limite de la vulgarité de Belen Lopez. Du fatras grotesque du spectacle d'Andres Marin, émerge Concha Vargas, accompagnée par le cantaor Jose Valencia, dansant, pieds nus, une buleria ébouriffante. Seule, le spectacle de Belen Maya tire son épingle du jeu. Belen compense son côté un peu froid en mettant une pincée d'humour bienvenue dans son baile. Il faut dire qu'elle est accompagnée par deux musiciens hors pair, Jesus Mendez au chant et Rafaël Rodriguez à la guitare.

Belen Maya, Jesus Mendez et Rafaël Rodriguez


Ce Jesus Mendez est la vraie bonne surprise de ce festival. On l'a vu au fil de la semaine investir le costume de figura qui lui avait été préalablement cousu. Sa première apparition fut pour le concert du guitariste Moraito, concert plein d'émotions et de sensibilité. En effet, Moraito, pour raison de santé, a été obligé d'annuler tous ses engagements, mais il a tenu a être présent lors du festival. Tout son concert a été émaillé de ces gestes pleins d'humanité qui font un grand bonhomme quand c'est doublé avec le talent. Sa guitare légère, allègre portait l'ensemble du groupe. La vie jaillissait par toutes les notes de son instrument. Son concert était tellement fort, tellement émouvant que j'ai fait abstraction du violon, de la basse et de la batterie qui étaient d'ailleurs très discrets.
On retrouvait Jesus Mendez trois jours plus tard, pour un concert solo, accompagné par Diego el Morao, fils de Moraito. On le sent plus à l'aise, mais il continue de jouer sur la puissance de sa voix au détriment de la profondeur. Lorsqu'il délaisse son micro et vient sur le devant de la scène, sa personnalité s'épanouit.

Mais c'est en fin de semaine, le samedi soir, pour « Tres », le spectacle de Belen Maya, qu'il a fini d'enfiler son costume de figura. Il s'est enfin laissé aller, remarquablement accompagné par Rafaël Rodriguez. S'il trace sa route au cœ,ur du paysage flamenco, sans répondre aux œ,illades de la mode et de la superficialité, nous avons là un des monstres de demain.
En chant, je ne dirai rien de Lole, qui eut son heure de gloire avec le duo Lole y Manuel. Elle a réussi à massacrer « Dime », cancion hautement lacrymale, si on veut y mettre du sien. En revanche, Luis El Zambo, cantaor de Jerez, qui lui succédait, a chanté soleares, siguiriya, cartagenera, bulerias et fandangos de haut vol sans aucune scorie. Il n'y a pas de manière, pas d'apprêt. C'est un chant direct qui prend au ventre. Il était miraculeusement accompagné par Juan Ramon Caro, fin, élégant, discret, précis, le portant et le supportant avec un tact qui aurait tendance à se perdre.

Luis El Zambo


Je terminerai sur un moment, un court moment de cinq minutes à peine, qui fut pour moi le moment le plus fort de ce festival, mais qui illustre bien le flamenco. Il faut souffrir beaucoup pour avoir le pellizco (frisson ou chair de poule) l'espace d'un instant. Mais cet instant marque au fer rouge.
Lors de la soirée Murejez, le vendredi, Dolores Agujetas, ratatinée dans sa petite robe noire, entame une solea médiocre, accrochée à sa bouteille d'eau, comme si sa vie en dépendait. Elle prend confiance en entamant la siguiriya qui est d'une toute autre volée. Vient le martinete. Elle y prend toute sa dimension. Dans son incapacité à négocier et toréer le public, à retenir et adapter son chant, elle jette celui-ci comme un cri libérateur Sa voz negra porte en elle toute la dynastie des Agujetas au travers de ce chant primitif. Pour moi, un des grands moments du festival, pour ne pas dire le grand moment.

Dolores Agujetas à Roanne en 2002 - © René Robert


En conclusion, le festival ne devrait-il pas laisser plus de place à de vrais débutants, obligés de s'arracher pour prouver que leur place est bien là, ne pourrait-il pas réduire toutes ces soirées consacrées au ballet qui n'ont de flamenco que le nom et renouer avec le théâtre de l'Odéon et les concerts acoustiques qui donnent toute leur dimension à un festival de flamenco.


Un grand merci à René Robert et à Stéphane Barbier. Je vous invite à visiter le site de ce dernier :
-http://www.stephanebarbier.fr/
-C'est un beau survol de cette semaine flamenca.



Par Marie Ningres

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