Carole Jézéquel, commissaire-priseur: la passion d'une vie

La commissaire-priseur Carole Jézéquel a découvert dans un appartement inoccupé du centre-ville de Rennes, 43 tableaux inédits du peintre Henri Martin qui seront mis aux enchères le 1er avril. Une aubaine exceptionnelle pour cette Rennaise de 44 ans, passionnée par son métier, qui a toujours privilégié le terrain, le contact direct avec les gens. Entretien.

Passionnée d'art depuis l'enfance, Carole Jézéquel s'est d'abord rêvée ébéniste. Après des études de droit —, pour faire plaisir à papa —, elle fait un stage chez un commissaire-priseur. Le coup de foudre est immédiat : ce sera son métier.


Devenue commissaire-priseur, cette bretonne au caractère aussi jovial qu'affirmé, exerce une dizaine d'années comme salariée dans différents cabinets en région parisienne et en province. Elle est aujourd'hui gérante de la maison de ventes Rennes Enchères.

La profession de commissaire-priseur semble encore essentiellement masculine. Pourquoi ?

En fait, la vocation ne l'est pas, car il y a autant de femmes que d'hommes qui se présentent à l'examen. En revanche, les femmes ont jusqu'à présent eu moins d'opportunité de s'installer, c'est pourquoi on ne compte actuellement que 80 femmes sur 440 commissaires-priseurs en France. Cela devrait changer dans les années à venir puisqu'une loi instaurant un statut de commissaire-priseur salarié a été votée l'an dernier.

Quels sont les atouts d'une femme pour exercer ce métier ?

Son rapport à l'humain, sans aucun doute. Dans ce métier, quand un propriétaire vend un bien qu'il a possédé parfois pendant de nombreuses années, un fort affect s'est développé. Là, je crois que la psychologie de la femme est un atout. Personnellement, il m'est arrivé de discuter plusieurs années avec un propriétaire pour le convaincre de vendre.

Et face aux acheteurs ?

Là aussi, une femme est sans doute plus adaptée à la sensibilité des acheteurs. Dans le domaine du marché de l'art, les gens sont parfois un peu fous. Le rapport à l'objet peut être fantasmé, sublimé. En face de nous, il y a des chasseurs...

Pourquoi chercher à « convaincre » de vendre ?

Les commissaires-priseurs sont souvent appelés à estimer des biens, dans le cadre d'un partage, par exemple. Et il faut parfois convaincre un propriétaire de vendre quand il possède un objet de valeur que les enfants ne souhaiteront pas conserver. Mieux vaut le vendre tout de suite, que de le voir brader plus tard.


'De plus en plus de belles pièces partent à l'étranger'

Prenez par exemple, la génération des 40 à 50 ans —, je les appelle 'les enfants gâtés' —,, ils ne veulent pas garder les objets anciens de leurs parents. Ils ont grandi dans le design et veulent se meubler ainsi. Ils cherchent à s'entourer d'un mobilier qui les rajeunisse. En conséquence, de plus en plus de belles pièces partent à l'étranger. J'essaie de leur expliquer la valeur culturelle et patrimoniale de ces biens, de faire valoir qu'il s'agit de placements sûrs.
Pour moi, vivre dans un univers standardisé, tout design est frustrant. Je suis d'ailleurs convaincue qu'il y aura un retour au baroque et à l'éclectisme. On redécouvrira la valeur du patrimoine.

Vous cherchez aussi à attirer les jeunes. Comment vous y prenez-vous ?

J'adore parler de mon métier, expliquer ma passion, essayer de la transmettre. Je prends beaucoup de stagiaires, de la classe de 3e jusqu'aux étudiants de faculté, pour donner très tôt le goût des belles choses.

Dans la mesure du possible, j'invite des classes entières à voir une expo-vente aux enchères. Certains jeunes imaginent que les enchères n'existent que sur internet !



Pourtant une vente aux enchères, c'est accessible à tous. Savez-vous que la valeur moyenne de l'objet vendu est de 50 euros ? J'aimerais que la salle des ventes devienne un réflexe.

Lire aussi : 43 toiles inédites de Henri Martin mises aux enchères à Rennes le 1er avril

Par Michèle Folian
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