Pierre Bonnard: Peindre l’Arcadie, Musée d’Orsay

Pierre Bonnard Peindre l’Arcadie Musée d’Orsay 17 mars-19 juillet 2015. Cap sur l’Arcadie dépeinte par Bonnard comme un monde imaginaire.

Le Musée d’Orsay conserve quatre-vingt-sept peintures, dont vingt-cinq sous réserve d’usufruit, plusieurs centaines de dessins et de photographies de l’artiste et gère aujourd’hui l’œuvre de Bonnard (1867- 1947). Guy Cogeval et Isabelle Cahn partagent le commissariat de cette rétrospective itinérante qu’ils dédient à la mémoire d’Antoine Terrasse, le petit-neveu de Bonnard, généreux donateur et spécialiste du peintre. Elle rassemble 100 tableaux et 50 photographies via une sélection d’œuvres de toutes les périodes. L’Arcadie est ce lieu géographique situé en Grèce dans le Péloponnèse où naquit Zeus. La poésie antique l’évoque tel un paradis dont les artistes et poètes n’ont cessé de célébrer le mythe jusqu’à aujourd’hui.

Avec ses amis de l’Académie Julian, Maurice Denis, Edouard Vuillard, Paul Sérusier, Paul Ranson, Gabriel Ibels, le jeune Bonnard fonde en 1888 le groupe des Nabis qui veut dire prophète en hébreu. Ce mouvement succède à l’impressionnisme et développe un style décoratif. Ils choisissent Gauguin comme maître et s’inspirent des estampes japonaises, surtout Bonnard qui reçoit le surnom le « nabis japonard » .

Ils ont pour principe : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Maurice Denis

Si la peinture a pour but de décorer et embellir la vie pour Bonnard et ses amis, elle est pour lui aussi le moyen de transmettre ses émotions les plus fortes.

bonnard femme assoupie

Femme assoupie sur un lit, dit aussi L’Indolente, 1899 Huile sur toile, 96,4 × 105,2 cm
Paris, musée d’Orsay, RF 1977-75
© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Thierry Le mage © ADAGP, Paris 2015


Bonnard commence à prendre des photographies à partir des années 1890
avec un appareil Kodak-Pocket, enregistrant des instantanés de la vie quotidienne. Il se sert ensuite des négatifs en noir et blanc pour peindre, sans vouloir les développer sur papier.

 

BONNARD

Marthe au tub, entre 1908 et 1910 Tirage moderne à partir négatif sur film souple au gélatino-bromure d’argent, 7,8 × 5,5 cm
Paris, musée d’Orsay, donation de l’indivision Terrasse 1987, PHO 1987 30 47
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015


Le corps de sa femme Marthe marque son œuvre.
Bonnard l’enferme dans ses tableaux comme dans son appareil photographique. Qu’elle pose pour lui ou qu’il fasse appel à des modèles ; son corps est un leitmotiv. Ce corps érotique, petit, menu, svelte, nu ou vêtu se retrouve sans cesse dans des scènes de la vie quotidienne ou des paysages élégiaques. Il est une caractéristique de l’art de Bonnard.

 

BONNARD

Nu dans la baignoire, 1925 
Huile sur toile, 104,8 × 65,2 cm 
Londres, Tate Gallery, Bequeathed by Simon Sainsbury 2006, accessioned 2008, T12611 
© Tate, Londres, dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography © ADAGP, Paris 2015

L’exposition, à mi-parcours, fixe un moment dans la vie intime du couple évoquant le suicide de Renée Monchaty apprenant le mariage de l’artiste avec Marthe, en août 1925. Une série de peintures de nus dans une baignoire, surviennent à l’issue du drame. Ce sont de radiantes visions colorées où Bonnard montre un corps nu immergé dans l’eau presque glauque, avec une tête, celle de Marthe vivante, comme forcée au niveau de la nuque de contempler l’invisible, le corps impassible - différents modèles ont posé.

 BONNARD

L’Après-midi bourgeoise, dit aussi La Famille Terrasse, 1900
Huile sur toile, 139 × 212 cm
Paris, musée d’Orsay, RF 1988-50
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015

Une autre caractéristique de l’art de Bonnard est son agencement de l’espace. Dans ce portrait collectif, chaque personnage est intégré de façon un peu maladroite dans la composition, car Bonnard n’utilise pas la perspective géométrique, mais construit son tableau par aplats colorés. Il y a comme une gêne à le regarder de trop près et c’est donc de loin qu’il faut regarder chaque tableau, pour retrouver la sensation spatiale et celle de mouvement.

 BONNARD

Les Frères Bernheim- Jeune [Josse Bernheim-Jeune et Gaston Bernheim de Villers], 1920
Huile sur toile, 166 × 155, 5 cm
Paris, musée d’Orsay, 1951, RF 1977-78
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015

Les Bernheim prennent sous contrat Pierre Bonnard entre 1904 et 1940. En 1912, il peut alors acheter une petite maison à Vernonnet sur les coteaux de la Seine et en 1926, il fait l’acquisition d’une maison au Cannet. Ces endroits lui permettent de peindre la nature. Il réalise des vues parvenant à imbriquer les deux espaces intérieur et extérieur grâce à des couleurs utopiques rythmées de blancs. Les fenêtres ouvrent toujours sur un ciel vibrant, le paysage foisonnant.

L’exposition s’achève avec des cycles décoratifs d’immense format où les personnages sont perdus dans la verdure et qui illustrent plus directement l’Arcadie et l’évoquent, cette fois en tant que paysage paradisiaque ( La Méditerranée, commandée par le collectionneur russe Ivan Morozov.)

 BONNARD

L’Amandier en fleurs, 1946-1947
Huile sur toile, 55 × 37,5 cm
Paris, musée d’Orsay, dépôt au Centre Georges-Pompidou, musée national d’Art moderne/Centre de création industrielle, RF 1977-87
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Droits réservés © ADAGP, Paris 2015

Bonnard travaille très vite et se sert du premier jet dont il conserve la spontanéité du trait. Ensuite, il retravaille son tableau. Il peut l’élaborer durant des années. Il améliore la composition par une série de petites interventions qui disent sa difficulté à trouver l’harmonie juste et expriment le besoin de retoucher à l’infini pour atteindre la poésie. Un film en noir et blanc projeté dans l’exposition, réalisé par Adrien Maeght, le fils d’Aimé Maeght rappelle leurs promenades en bateau aux îles de Lérins, dans la baie de Cannes. Il rend l’artiste plus proche. Bonnard à cette époque est veuf depuis 1942, il a 75 ans, il continue de peindre frénétiquement et L’Amandier est son dernier tableau.

 

Infos pratiques
Pierre Bonnard - Peindre l'Arcadie au Musée d'Orsay
Du 17 mars au 19 juillet 2015, ouverture de 9h30 à 18h et de 9h30 à 21h45 le jeudi (fermeture tous les lundis)
Site de l'exposition: www.musee-orsay.fr

 

 Autres étapes : à la Fondation Mapfre, Madrid, du 18 septembre 2015 au 6 janvier 2016 au Legion of Honor, San Francisco, du 6 février au 15 mai 2016

 

 Par Caroline Benzaria

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