Naïma Laouadi : Footballeuse en Algérie

Avec Naïma Laouadi, nous achevons notre série de portraits de ces femmes qui font bouger l'Afrique. Née à Tizi Ouzou (Algérie), cette trentenaire, capitaine de l'équipe nationale féminine de football, est parvenue à s'imposer dans un pays et un milieu où les femmes sont traditionnellement tenues à l'écart.

«Je n'ai pas eu une enfance épanouie. Les filles jouaient à la poupée, à la corde. Je n'ai jamais été attirée par cela. J'enviais les garçons qui jouaient au ballon. Je restais dans un coin, toujours le même, à les regarder. Un jour, un des garçons m'a demandé si ça me tentait d'essayer et c'était parti !


Entre 13 et 16 ans mon père me battait. Maman n'admettait pas que je sois dehors avec les garçons à taper dans une balle. Elle venait me chercher et me battait. Mais je ne peux pas les condamner car c'est notre société qui est faite comme cela. Il n'y avait pas de football féminin, pas de club, c'était un sport inconnu pour les femmes, c'était totalement nouveau. On ne permettait pas aux filles de jouer au ballon. Dès que mon père allait au boulot je ressortais pour reprendre la partie de foot. C'était foot, foot et encore foot.

1994, c'était l'époque où il y avait les assassinats de femmes... J'avais oublié le terrorisme. Je l'avais oublié. J'avais une passion. J'étais à fond dans mes rêves. La presse écrite m'avait consacré plusieurs articles. Entre 1994 et 1997, j'avais une peur atroce mais je sortais pour les entraînements. J'avais des objectifs, des rêves : lancer le foot féminin, créer une sélection nationale.

Je n'ai jamais pensé arrêter le foot ou quitter l'Algérie, tout au contraire. Je disais à voix haute qu'une femme a le droit d'exister, de jouer au ballon, de faire de la boxe, de sortir, d'aimer le sport. Je suis fière d'avoir réalisé 4 rêves : lancer le foot, créer une équipe locale et nationale et être partie jouer à l'étranger.
C'est plus tard que je suis partie à l'étranger. Ce fut très dur pour moi. Un combat de femme, c'est la première fois que je quittais mon pays !

Après un séjour à Francfort, j'ai été sélectionnée par la Fédération française de football pour un tournoi international de femmes. Dieu était avec moi mais je tiens à remercier Fériel Saadi, attachée de presse de Marie-Georges Buffet, ministre des Sports, et de Liliane Hals Franch, sa conseillère. Elles m'ont soutenue et m'ont donné du courage, ce qui m'a permis de réussir aujourd'hui. C'était l'année de la Coupe du Monde en France, elles étaient débordées mais elles m'ont aidée.

Pour devenir capitaine d'équipe j'ai dû faire preuve de beaucoup de sérieux et de rigueur. Je fais partie de la sélection nationale, arabe, mondiale et j'ai été nominée par la Confédération africaine de football pour le titre de meilleure joueuse du continent. J'ai décroché la deuxième place, c'est une belle reconnaissance.



Entre les joueuses algériennes il y a de la complicité, du respect et de la solidarité. Je suis simple, modeste, franche, j'aime beaucoup aider les autres parce que les footballeuses algériennes, c'est mon histoire, ce que j'ai connu avec mes parents. Ma mère m'encourage aujourd'hui. Mes camarades, elles, ne sont pas soutenues, elles sont malheureuses, il leur manque la liberté. Avec le football, elles s'évadent, elles s'éclatent. Elles entrent dans un autre monde, le monde su sport, de la collectivité.

Avec les entraîneurs c'est différent. Certains d'entre eux n'admettent pas la contradiction. Ils instaurent la peur. Les filles appellent l'entraîneur « cheikh », cela institue une hiérarchie et un décalage. C'est le seul maître à bord, il a toujours raison et vous avez tort. Mais pour moi, quand quelque chose ne vas pas, je le dis. Je ne suis pas du genre à me laisser faire et à me la fermer, je n'ai peur que de Dieu.

Actuellement je suis à Marseille, où je me consacre à ma passion : le foot. Mais il ne faut pas croire, même en France le football féminin n'est pas reconnu. Je dirais même qu'il y a une meilleure reconnaissance en Algérie.»


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