Alice Bardet, femme chef cuisinier

Un regard féminin sur la cuisine

Interview d'Alice Bardet, jeune chef chaleureuse, passionnée par son métier. Elle raconte sa vision féminine et non conformiste de la cuisine. Elle et son mari travaillent ensemble, dans leur restaurant Le Boudoir.




Alice Bardet, que signifie être une femme chef ?

C'est une bonne question !
Ca signifie se battre contre les préjugés, parce que ce métier est assez machiste ! Au début, on me regardait « de haut ». Il faut donc réussir à s'imposer en cuisine. Mais être une femme chef, c'est aussi avoir un souci du détail différent. Avec mon mari, nous avons une belle complémentarité. Sur tous les plats travaillés ensemble, il est important d'avoir nos deux regards. Nous avons des envies et une vision différente qui se complètent parfaitement. Sur notre carte, certains plats sont très féminins, d'autres très masculins. Mais derrière tous les grands chefs, il y a toujours une femme. Ils ne sont jamais seuls.

Pensez-vous que les femmes chefs fassent une cuisine différente de celle des hommes ?

Oui, les femmes font en général une cuisine plus « light », en utilisant plutôt des graisses végétales. On va préférer utiliser une huile de noisette, mettre moins de farine ou de beurre dans une recette.
Je pense aussi qu'une femme chef va plus travailler les légumes, être plus dans la tendance, se laisser influencer par les magazines féminins de façon inconsciente.
En ce moment, la tendance de l'hiver est à la couleur rouge et je réfléchis pour mettre sur ma carte des « entrées rouges »

Comment définissez-vous votre cuisine ?

Ma cuisine est une cuisine dans l'air du temps, mais avec un respect strict et total autour des saisons.Avec mon mari, nous essayons d'aller contre les préjugés !
Par exemple, le potiron ou la citrouille ne se mangent pas seulement en soupe : aujourd'hui, nous avons proposé en dessert un clafoutis au potiron.
Mon rôle est aussi de faire redécouvrir aux gens les légumes « anciens », comme les crosnes ou les topinambours. Nous faisons découvrir des recettes à nos clients et chaque semaine, j'ai des personnes qui m'appellent pour avoir les recettes de ces plats aux légumes.
C'est pareil avec le vin. Un vin blanc est délicieux avec un chèvre, contrairement aux idées reçues. Le but de ma cuisine est d'offrir du plaisir aux gens.

Quelles sont vos inspirations ?

Mon inspiration vient avant tout des saisons, mais aussi de la mode et de mes envies.
Je crois que ma principale inspiration est liée au temps. En ce moment, par exemple, je n'ai aucune envie de fraises Melba, mais plutôt d'un moelleux au caramel et beurre salé avec une sauce à l'orange, que nous sommes en train de mettre au point. Ces jours-ci, je dois avoir besoin de vitamine C, avec les oranges.

Est-ce que la mode et les tendances culinaires jouent sur la création de vos plats ?

Les tendances culinaires, non. Je serai plutôt en rébellion contre des « tendances », comme celle des verrines, que je ne supporte plus !
Je crois même que je vais monter sur Facebook un groupe « Contre les verrines, oui aux terrines » ! J‘en ai aussi marre de manger avec une paille, avec cet engouement pour la mode moléculaire. Actuellement, tout le monde en fait sans savoir la faire !
Je ne suis pas contre, quand elle est réalisée par des gens que je respecte, comme Thierry Marx, Hervé This ou Ferran Adria, qui savent ce qu'ils font et le font très bien. Mais je suis contre la tendance qui pousse tout le monde à en faire.

Comment les vins de Pomerol ont-ils influencés vos recettes ?

Les vins de Pomerol sont des vins délicats. D'ailleurs, je ne l'aurais pas fait pour d'autres vins. Mais les Pomerol sont des joyaux délicats, très précieux , à la pointe de la féminité.
J'aime tous les vins. Pour moi, il n'y a pas de bons ou de mauvais vins. Il y a des vins
de partage, de séduction, de copains... On ne boit pas le même vin si on est dix amis autour d'un poulet rôti, que si l'on veut séduire quelqu'un. Les Pomerol sont des vins complexes, de séduction, mais en même temps ce sont des vins sensuels, charpentés, puissants, qui ont de la répartie. Il fallait à la fois des recettes féminines et délicates, mais également en donner dans l'assiette ! Pomerol, c'est comme une main de fer dans un gant de velours. J'ai donc créé des recettes qui allient le précieux et le raffiné. Le homard est précieux, et la ratatouille est faite en julienne très délicate
Ce sont des vins intéressants à travailler au niveau des accords. On peut s'amuser avec eux !

Avez-vous, depuis vos débuts, un plat fétiche sur votre carte ?

Oui, le thon rouge poêlé au saté et carottes fondantes, mais seulement en saison, car on travaille en pêche contrôlée. C'est un plat qui revient chaque saison. Sinon, sur notre carte, nous sommes toujours en mouvement, toujours en train de créer de nouvelles recettes.

Cuisine de tradition ou cuisine moderne, est-ce un vrai débat ?

Non, pas vraiment, car on peut mélanger les deux. C'est important de ne pas cracher sur la cuisine classique, c'est la base. Avant de faire de la cuisine au siphon, il faut savoir faire une mayonnaise ! Il est plus important de réussir une tarte aux pommes qu'un dessert compliqué.
Mais la cuisine moderne, c'est merveilleux ! C'est une belle complémentarité.
Comparer les deux cuisines, c'est comme comparer l'art contemporain avec un Poussin. Les deux sont compatibles.
On peut avoir autant de plaisir à regarder les deux œ,uvres, mais le contemporain est plus difficile à appréhender.
C'est pareil avec la cuisine. C'est également une question d'éducation et de culture. Le goût, c'est une éducation.

Comment évolue votre cuisine en 2010 ?

Notre cuisine évolue toutes les semaines, donc pas forcément plus en 2010.
Notre objectif est de se donner du mal pour faire mieux, tous les jours ! C'est un métier formidable, qui donne un plaisir fou !

Qui est Alice Bardet?

Alice Bardet est née dans les fourneaux, puisqu'elle est la fille de Jean et Sophie Bardet (Jean Bardet à Tours, deux étoiles au Michelin pendant vingt-cinq ans). Dès son plus jeune âge, elle apprend la cuisine avec son père et adore cuisiner pour ses amis et sa famille. Pourtant, elle ne se destine pas à ce métier et commence sa carrière à la télévision. Lorsque ses parents prennent leur retraite et vendent le restaurant familial, Alice prend conscience, à vingt-huit ans, d'un univers qui va disparaître. Elle décide alors de changer de vie, plaque tout pour la joie et le partage du plaisir de la table. Elle ouvre d'abord en décembre 2002 son premier restaurant, le Point Bar, place du marché Saint-honoré, puis le 1er juillet 2008, avec son mari, le Boudoir.

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Le Boudoir, 25 rue du Colisée
-75008 Paris
-Tél. 01 43 59 25 29
-Le boudoir organise également des événements, notamment des soirées dégustations de vins pour et entre femmes.
Découverte de votre signe oenologique grâce à un quizz ludique, puis dégustation autour d'un dîner où chacune des vigneronnes fera découvrir son vin autour d'un plat.
Prix de cette soirée : 80 €



Par Arielle Granat

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