Berlin : l'effacement des traces, 1989 – 2009

A l'occasion du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le Musée d'Histoire Contemporaine —, BDIC, Hôtel national des Invalides, présente, du 21 octobre au 31 décembre 2009, l'exposition « Berlin : l'effacement des traces, 1989 —, 2009 ».

Patrick Pinter, dit Pinter, « Karl Marx : ‘Juste quelques emplettes…et je rentre !’ », France, 13 novembre 1989. Dessin original, coll. BDIC

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A partir de créations artistiques l'exposition met en scène les procédures de destruction de 'Berlin-capitale de la RDA' et leur inscription dans un paysage urbain reconstruit d'où émergent des traces du passé.
Confrontant des oeuvres qui soulèvent des interrogations, la scénographie dévoilera la transformation d'une
ville palimpseste et avec elle, celle d'un pays, tout en évoquant les mutations d'une société, de modes de vie,
ou encore un autre rapport au temps, un autre rapport au passé.

Anonyme, « 1917 – 1990, fin de l’expérience soviétique », 1990. Affiche, coll. BDIC. A l’instar du Mur, la faucille et le marteau, emblèmes de l’UnionSoviétique, partent en morceaux.

Les modalités d'effacement

- la disparition et la destruction des traces de la RDA : rues débaptisées, emblèmes retirés, statues
déboulonnées, bâtiments publics détruits.
- la réécriture et le détournement de l'histoire : ainsi le mémorial de la Neue Wache, consacrée par la RDA
«aux victimes du fascisme et du militarisme », aujourd'hui dédiée « aux victimes de la guerre et de la
tyrannie » toutes confondues.
- la surexposition par le biais d'une muséification qui suscite le rire ou la frayeur. La RDA mise en musée
donne l'impression d'être devenue un objet idéologique dont l'image mémorielle est désormais contrôlée.

Jean-Claude Mouton, « Berlin novembre 1989 », Berlin, novembre 1989. Photographie, courtesy Jean-Claude Mouton, ©Jean Claude Mouton Policier prenant une photo souvenir

Les traces

Si la RDA fait l'objet de procédures d'effacement, des traces persistent néanmoins. Des formes culturelles,
traditionnelles ou nouvelles, qui constituent un patrimoine culturel indestructible, demeurent, tel l'ensemble
des productions cinématographiques de la DEFA, une littérature de réputation mondiale (les romans de
Christa Wolf), ou le théâtre (Bertolt Brecht, Heiner Müller). Tout n'a pas pu être démoli et l'urbanité
spécifique de Berlin-Est est encore visible, à l'instar des Ampelmännchen, ces petits bonshommes des feux de
signalisation, personnages symboliques de la RDA qui on été conservés et qui sont en passe de se substituer
à l'ours berlinois, comme emblème de Berlin.

Jean-Claude Mouton, « Ampelmaennchen 1», Berlin, février 2009. Photographie, courtesy Jean-Claude Mouton, © Jean Claude Mouton Traces de l’Est : le pictogramme du passage piéton en RDA a résisté à la réunification

Chaque oeuvre présentée est un point de vue sur l'effacement de la RDA. Les photographies de Jean-Claude
Mouton, prises pendant vingt ans, de l'ouverture du Mur à ce jour tout le long de son tracé, mesurent l'oeuvre
de destruction et de transformation simultanée, tandis que celles de Bernard Plossu montrent, à l'opposé, le
Berlin hypermoderne qui a rempli le vide (terrain vague) de la Potsdamer Platz, restituant son coeur à la ville.
Dominique Treilhou a, quant à elle, réalisé un documentaire donnant à voir et à entendre la destruction
méthodique, systématique et fort coûteuse (28 millions d'euros) du Palast der Republik. A travers l'un de ses
procédés de prédilection, le « Psycho-Mapping », Jan Svenungsson exposera la lente dissolution du Mur de
Berlin, son passage de la phase chaotique au néant.
Des artistes de la « résistance urbaine »
Gérard Zlotykamien et Jean Faucheur, viendront dessiner, peindre, taguer sur un mur les slogans évoquant
les manifestations de l'automne 1989 et l'action de ces citoyens devenus acteurs qui demandaient des
transformations de leur pays sans forcément en envisager la disparition.
Reprenant le principe de la banderole comme moyen d'expression, Wolf Leo, l'un des organisateurs de la
manifestation du 4 novembre, reconstituera des pancartes portant les slogans jadis scandés, en créera
d'autres avec des slogans de l'après-réunification. Une réalisation sonore de James Webb, composée à partir
des bruits des manifestations et des informations diffusées par les radios et télévisions contribuera à
restituer l'atmosphère d'alors.
Par une accumulation foisonnante d'oeuvres et d'objets-souvenirs hétéroclites rassemblés dans un cabinet
de curiosité, l'exposition évoquera enfin la peur de l'oubli qui s'exprime dans une sorte de fétichisme de tout
objet rappelant la RDA, jusqu'aux morceaux d'un mur haï.

Comment montrer la RDA ?

Avec des dispositifs de différents jeux de lumières, la scénographie vise à représenter cette ambivalence entre
oubli et mémoire, entre effacement et exposition, désir de détruire et de construire et où l'ostalgie d'un Etat
que personne ne regrette naît peut-être de sa disparition programmée dans le nouveau paysage urbain. Mais
c'est en définitive grâce à la démarche artistique originale de chaque créateur que cette exposition acquerra
son identité propre et donnera sens à l'Histoire.

Gomme en forme de Trabant, Berlin, 2009. Env. 3 x 1x 1cm, coll.BDIC. Objet souvenir fabriqué en 2009 et vendu dans les magasins à Berlin

- Commissaires de l'exposition :
Sonia Combe, conservateur, Musée d'Histoire Contemporaine —, BDIC (auteur de Une société sous surveillance. Les
intellectuels et la Stasi, Albin Michel, 1999).
Thierry Dufrêne, professeur d'histoire de l'Art à l'université de Paris Ouest - Nanterre La Défense et à l'INHA.
Régine Robin, professeur émérite de l'université du Québec à Montréal (auteur de Berlin Chantiers, Stock, 2001).

Catalogue de l'exposition

- Berlin : l'effacement des traces, 1989 —, 2009
Editions Fage, 24 €. 120 illustrations
Un ouvrage richement illustré, réunissant des contributions de Sonia Combe, Thierry Dufrêne, Jean-Claude
Mouton et Régine Robin, avec des interviews de Christian Boltanski et Sophie Calle, et comprenant un cahier photo
de Jean-Claude Mouton ainsi que des photographies de Bernard Plossu.

Par Nicole Salez