Concours Ecriture : Histoires de Proches

Le concours d'écriture 'Histoires de proches', organisé par quatre associations, a permis à des familles de grands malades de témoigner de leur expérience au chevet de ceux qu'ils aiment ou ont aimé. Extraits des textes qui ont obtenu les premiers prix.

En participant au concours d'écriture « Histoires de proches », les familles de grands malades ont pu témoigner de leur expérience au chevet de ceux qu'ils aiment ou ont aimé. Cette initiative littéraire jusqu'alors inédite s'est déroulée de l'été 2009 à Noël 2009, les résultats ont été rendus publics au mois d'avril, durant lequel ont eu lieu des Assises de Proximologie (accompagnement d'un proche ou d'un malade dépendant).



Ce projet associant France Alzheimer, France Parkinson, La Ligue contre le cancer, La Ligue française contre la sclérose en plaques, a été parrainé par l'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt. Ce dernier, auteur du roman Oscar et la dame rose (2002) aborde dans cet ouvrage la question de la maladie. Ainsi, le lecteur fait la connaissance d'Oscar, 10 ans, atteint d'une leucémie et de Mamie-Rose, une bénévole qui vient lui rendre visite à l'hôpital.

Si l'œ,uvre de Schmitt a l'hôpital pour toile de fond, les textes lauréats se focalisent sur la vie à la maison et les relations complexes entre soutien, espoir et parfois découragement entre proches et malades. Poèmes, nouvelles, scénarios et fictions étaient attendus pour ce concours : plus de 310 textes ont été envoyés et 3 récompensés. Découvrons leurs auteurs, leur expérience et un extrait de leur témoignage.

Joëlle Blachere (Plan de Cuques - Bouches du Rhône), 1er prix du concours, pour le texte intitulé « Ménage à trois »


« Épouse et accompagnante d'un mari atteint de la maladie d'Alzheimer, j'ai participé à ce concours car j'aime beaucoup écrire depuis toujours et que, pour moi, c'est un formidable exutoire. Dans ce cadre, l'attention portée au texte que j'ai intitulé « Ménage à trois » m'a donné le sentiment d'une double reconnaissance : celle, d'abord, d'un rôle qui, pour être fondamental, n'en reste pas moins encore trop souvent méconnu et sous-estimé dans les problèmes pratiques et affectifs qu'il pose au quotidien , celle, ensuite, d'une écriture qui me pousse à aller de l'avant malgré tout, dans l'ouverture, la rencontre et l'échange d'expériences avec les autres », affirme Joëlle Blachère.

Extraits : « Un beau matin, en effet, j'ai soudain réalisé que nous n'étions plus deux dans notre vie quotidienne , tu n'étais plus le « chef de famille », je n'étais plus la « maîtresse de maison ». Nous étions trois : toi, moi, la maladie... Ce tiers infâme, vorace, infatigable, ayant pris possession des lieux en même temps que de ta cervelle nous imposait son tempo, ses humeurs, et nous dictait sa loi avec son cortège de trous de mémoire, de désorientations, d'incohérences, de difficultés de langage, de dépression [...]

Mon chagrin, je l'ai compris est intarissable, puisqu'il s'alimente quotidiennement des ravages de la maladie : j'en suis devenue, pour le coup, la spectatrice impuissante et la comptable privilégiée !

Et même s'il m'arrive, parfois, de penser que le mieux serait que l'on ne se réveille pas demain, que l'on en reste là parce que je redoute tellement les tempêtes à venir [...] j'en conclus que je suis fière de lui, fière de moi, fière de nous, parce que l'on ne s'en sort pas si mal de cette galère, de ce « ménage à trois » qui aura sûrement raison de notre raison... raison de notre couple... mais sûrement pas raison d'un amour inscrit dans la mémoire vive de nos sens qui en garderont à jamais l'empreinte et lui donneront de ce fait l'ultime réplique : celle d'une histoire unique qui est la nôtre, et qui, pour l'heure n'a pas encore dit son dernier mot ! »

Nicole Rocton (Guebwiller - Haut-Rhin), 2ème prix du concours, pour le texte intitulé « Sans les mots »

« Ma mère est atteinte depuis plusieurs années de la maladie d'Alzheimer. Ma relation avec elle en a été transformée. Je suis allée la chercher où elle était pour la ramener près de moi. Nous avons vécu des moments à la fois profondément douloureux et privilégiés. Je savais qu'écrire cette expérience serait quelque chose d'important. Sans doute a-t-il fallu que le concours le suggère pour que je m'y engage. Trouver les mots pour dire ce qui se vit sans les mots fut pour moi une sorte d'aventure spéléologique dans un gouffre intérieur », souligne Nicole Rocton.

Extraits : « De ton pays d'Avant, celui qui a pendant un temps effacé l'autre - celui des cinquante années qui ont suivi notre naissance -, tu nous as raconté, pendant la période où il était présent à ta mémoire, ce que nous n'avions pas connu, ce qui s'était inscrit pour s'effacer ensuite, dans le pays de Maintenant, le Pays « Sans les Mots » [...].

Dans le pays de Maintenant, le grand rideau de pluie de l'effacement [...].

Dans le Pays de Main-Tenant, tenant ta main, nous essayons de décoder les signes du pays Sans-Les-Mots [...].

Dans ce pays des cartes brouillées, il nous est arrivé, justement, à nous, tes filles, de décider de te présenter nos cartes d'identité pour te prouver que contrairement à ce que tu nous affirmais à ce moment-là, nous étions bien tes filles. Mais nos deux cartes d'identité entre les mains, tu t'indignais encore : non, ce que nous disions était insensé. [...].

Car tel est le secret du Pays insensé, mystérieux, désolant, insondable, douloureux, révolté, inconnu, incontournable de Maintenant : ses chemins seront praticables si nous y cultivons dignité, respect, amour inconditionnel. »

Georges Druon (Saint-Maurice - Val-de-Marne), 3ème prix du concours pour le texte intitulé « Spirales venues de l'autre monde »

« Mon témoignage a concerné le cancer du col de l'utérus de mon épouse en 1987 jusqu'à son décès en 1989 à 44 ans. Cancer malheureusement découvert trop tard. J'ai donc voulu témoigner de l'importance d'un suivi gynécologique régulier afin que le dépistage soit le plus précoce possible. Écrire m'a permis de rendre hommage à son réel courage devant toutes les épreuves, notamment la douleur, moins bien prise en compte à cette époque », précise Georges Druon.

Extraits : « J'étais pessimiste sans pouvoir te le montrer, mais toi, après la première stupéfaction de ce diagnostic ne laissant aucun doute, tellement optimiste et courageuse, déjà prête à affronter tous les traitements, décidée à te battre contre l'injustice faite à ta vie, que je t'admirais une fois de plus [...].
Le destin s'est manifesté plus rapidement que prévu, il est plus fort que la volonté et l'espoir réunis [...].

Tu me demandais de t'occuper de toi, de ne pas t'oublier, de t'aider, rien ne m'aurait détourné d'être là de tout cœ,ur et de t'accompagner dans les choses matérielles [...].

Ta révolte grondait souvent contre l'injustice de ton sort, tu te voyais mourir trop jeune, sans raison. Mon amour te paraissait insuffisant, forcé, tu m'accusais d'être en retard pour faire tes piqûres, de ne pas être assez attentif à tes soins. Je comprenais parfaitement cette animosité. »

Pour aller plus loin, deux sites sur la proximologie

www.prochedemalade.com conçu pour faciliter la vie quotidienne des proches de personnes malades ou dépendantes offre de nombreux services pour la plupart inédits sur le net et tous totalement gratuits.

www.proximologie.com est conçu pour sensibiliser les professionnels de santé au rôle et à la place des proches et pour les aider à mieux prendre en charge le patient et son entourage.

Par Frédérique Alfassa-Larsonneur

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