La chorégraphe hongroise Eszther Salamon était de passage à Paris début mars au Collège des Bernardins pour deux représentations de « Dance For Nothing », son étrange mais fascinant solo qui utilise pour seule musique les mots d'une conférence prononcée par John Cage en 1949.
Cela faisait longtemps que le projet « Dance for Nothing » trottait dans la tête d'Eszter Salamon. Mais la chorégraphe a attendu le support idéal à sa performance pour le concrétiser : la conférence « Lecture on Nothing » ou 'Discours sur rien', prononcée par John Cage en 1949. Au plus proche de son public, puisque la scène n'est que le centre d'une pièce carrée dont les quatre murs ont été équipés d'une rangée de chaises pour l'occasion, Eszter Salamon fabrique un espace suspendu, une bulle intemporelle dans laquelle les mots et les gestes se croisent sans jamais se toucher, eux-mêmes évoluant selon des temporalités différentes, mettant par là en scène le principe d'interaction sans interférence souvent développé par Cage.
Enoncée entièrement sur scène d'une voix calme, presque monotone, par Salamon elle-même, cette conférence qui « ne dit rien» et « ne va nulle part », offre un socle musical fascinant, presque hypnotique à la performance.
Le but premier de la chorégraphe a été de vider sa danse. Il n'y a ainsi pas de chorégraphie véritablement écrite ou fixée, ni de lien entre les mots et les gestes qui n'en sont ni le commentaire ni l'illustration.
«L'important ce n'est pas ce que je fais, mais de savoir ce que je fais à chaque instant», affirme Eszther Salamon.
Paradoxalement, les mouvements ont donc une importance capitale et répondent à un certain nombre de contraintes. Ils s'écoulent ainsi en flux continu et ininterrompu mais d'une précision extrême et toujours indépendamment du texte.
Un coup de génie
Et c'est peut-être là le coup de génie de la chorégraphe. En ne disant rien, en ne dansant rien et en mettant le temps en suspension, elle ouvre la porte à la réflexion sur l'essence même de la danse, sa signification, son insignifiance et son importance.
La danse contemporaine, qui pouvait sembler être un milieu relativement fermé, réservé aux initiés trouve dans ce solo, tout son sens.
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