Alors que s'ouvre le Salon des entrepreneurs de Paris, le 3 février 2010, en France, environ la moitié des créateurs d'entreprise choisissent d'exercer leur activité en entreprise individuelle ou 'entreprise en nom personnel'. Or, en cas d'échec professionnel, les entrepreneurs individuels et leur famille sont placés dans une situation de risque dans la mesure où leurs patrimoines personnel et professionnel sont confondus. Le risque est d'autant plus grand que l'entreprise est petite. D'où le projet de création du nouveau statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) pour lequel un projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 27 janvier 2010.

A ce jour, il y a en France plus de 1,5 million d'entreprises individuelles, soit près de la moitié de l'ensemble des entreprises. Et la tendance semble
s'accentuer si l'on prend les chiffres de l'année 2009 en termes de créations
d'entreprises : les entreprises individuelles représentent plus de 74% des
créations d'entreprises (427 890 sur un total de 580 193). La principale raison de l'attachement des entrepreneurs à ce statut ? Sa grande simplicité. L'entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2009 du régime de l'auto-entrepreneur
qui s'adresse exclusivement aux entrepreneurs en nom personnel, a largement
contribué au développement de cette forme d'exercice. A fin décembre
2009, on comptait ainsi 320 000 demandes de créations d'entreprises sous le
régime de l'auto-entrepreneur.
Reste cependant qu'en cas d'échec professionnel, les entrepreneurs individuels et leur famille sont placés dans une situation de risque. En effet, l'entrepreneur répond de ses engagements professionnels sur la totalité de son
patrimoine, qu'il ait été ou non affecté à l'entreprise, dans la mesure où son patrimoine est confondu avec celui de l'entreprise. Et, les chiffres le montrent : les très petites entreprises qui constituent la majorité des entreprises individuelles (75 % n'ont aucun salarié) sont les plus vulnérables. Il suffit parfois d'un défaut de paiement d'un client ou des difficultés rencontrées par des entités plus importantes dont elles sont sous-traitantes. En 2009, on comptait 15 500 défaillances d'entreprises individuelles, soit environ une défaillance sur quatre. Dans 90% des cas, il s'agissait d'artisans ou commerçants (13 710 défaillances en 2009).
Des dispositifs de protection insuffisants
A ce jour, il existe deux principaux dispositifs permettant de limiter la
responsabilité d'un entrepreneur individuel :
- la constitution d'une société unipersonnelle à responsabilité limitée
(essentiellement l'EURL) ,
- la déclaration d'insaisissabilité permettant à l'entrepreneur individuel de
rendre insaisissables certains biens de son patrimoine personnel.
Un recours limité à l'EURL
Le recours à cette forme sociétale introduite par le législateur en 1985 reste
limité, en dépit de récentes réformes législatives qui ont considérablement
simplifié la création et le fonctionnement de l'EURL :
- la loi du 1er août 2003 d'initiative économique a supprimé le capital
minimum dans les SARL pluripersonnelles et unipersonnelles ,
- la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a d'une
part institué un modèle de statuts-types déterminé par décret proposé aux
créateurs et d'autre part simplifié le mécanisme d'approbation des comptes dans
l'EURL ,
- la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a allégé le régime de
publicité légale des EURL, assoupli les règles de participation à certaines
assemblées en permettant le recours à la visioconférence, simplifié les formalités
d'approbation des comptes et considéré que les statuts types s'appliquent d'office
aux EURL, sauf production par le gérant de statuts différents lors de la demande
d'immatriculation.
Toutefois, après 25 ans d'existence, le régime EURL a été peu utilisé par les
entrepreneurs. Les EURL ne représentent que 6,2% du total des
entreprises en 2008 et 4% des créations au premier semestre 2009.
Si l'EURL n'a jamais connu depuis 1985 le succès escompté, on peut
expliquer cet état de fait par diverses raisons :
- beaucoup d'entrepreneurs estiment que les obligations qui en découlent
(tenue d'un registre des décisions, gestion comptable et financière)
constituent un obstacle freinant l'initiative ,
- des freins psychologiques demeurent chez une partie des entrepreneurs,
qui ne souhaitent pas créer une personnalité morale distincte d'eux-mêmes
pour leurs activités entrepreneuriales ,
- en réalité, le passage en société ne se conçoit souvent qu'à un stade
de croissance suffisant, lorsque l'entrepreneur individuel entend
développer son activité en s'associant à d'autres partenaires ou encore
lorsque le développement de l'activité et ses implications fiscales et
comptables nécessitent la création d'une personne morale.
Peu de recours également à la déclaration d'insaisissabilité
Le législateur a permis, par de récentes mesures, d'atténuer les conséquences
excessives du mode d'exercice individuel puisque l'entrepreneur en nom propre
peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa
résidence principale (depuis la loi du 1er août 2003 sur l'initiative économique)
et de manière plus générale ses droits sur tout bien foncier bâti ou non
bâti et non affecté à son usage professionnel (depuis la loi du 4 août 2008
de modernisation de l'économie).
La mesure a eu un succès limité et ne semble concerner que peu d'entrepreneurs.
Infogreffe comptabilise au troisième trimestre 2009 un total cumulé d'environ 12
000 déclarations d'insaisissabilité depuis la création du dispositif en
2003, l'administration fiscale a pour sa part mis en place depuis mai 2008 un
outil permettant de recenser les déclarations d'insaisissabilité et dénombre
environ 10 000 déclarations d'insaisissabilité effectuées durant l'année
2009.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation :
- le caractère partiel de la protection, qui ne concerne que le patrimoine
immobilier, et non l'épargne ou les biens mobiliers, qui peuvent dans certains
cas être prépondérants ,
- la nécessité de disposer d'un patrimoine immobilier, ce qui n'est pas toujours
le cas notamment en phase de démarrage d'une activité et alors même que ce
sont les jeunes entreprises qui sont les plus vulnérables.
Tirant les conséquences de ce diagnostic, le projet de loi relatif au nouveau statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) présenté en Conseil des ministres le 27 janvier 2010 propose une réforme qui
respecte deux principes :
- la liberté de choix de l'entrepreneur, qui ne doit pas être contraint
de créer une société pour protéger son patrimoine et sa famille ,
- l'incitation à l'esprit d'entreprise, en évitant que la faillite d'une
entreprise soit synonyme de ruine personnelle et familiale.
- EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée) : nouveau statut
- Statut de l'Auto-entrepreneur : Création d'Entreprise
- Salon des Entrepreneurs Paris 2010
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