Sur le thème 'Couleur femme'
La 12ème édition du Printemps des Poètes est placée sous le thème 'Couleur femme'. L'occasion de faire découvrir et partager au plus vaste public le plaisir du
poème et la place de la femme dans ce genre littéraire.
Entretien avec avec Jean-Pierre Siméon le directeur artistique.

« Couleur femme », un thème qui vous touche (et qui nous touche). Est-ce que ce Printemps va dans la continuité des années précédentes ?.
Comme toujours, le thème que nous proposons n'est qu'un indicateur de direction pour guider le curieux dans le vaste territoire poétique qui est pour la plupart terra incognita.
Je souhaite surtout cette année attirer l'attention sur une part du répertoire, classique et contemporain, souvent mésestimée, souvent méconnue : la poésie écrite par les femmes. Non pour signaler une particularité —, bien des femmes poètes la contestent —, mais pour
objecter à un oubli courant tributaire, comme d'autres, de la domination masculine dans la création littéraire.

Il y a beaucoup de poètes femmes (vous remarquez que j'évite le terme poétesse, le plus souvent jugé péjoratif, ce qui en dit long...) des siècles passés et du Xxe siècle injustement ignorées : pour une Louise Labé légendaire combien de Pernette du Guillet, de Catherine de Pisan,
de Renée Vivien, Catherine Pozzi ou Marie Noël rarement lues, jamais citées ?
Parle t-on de la femme ou des femmes ?
J'ai beaucoup hésité sur l'intitulé de cette 12e édition puisque le sujet est « sensible » et que toute proposition peut susciter une objection. J'ai emprunté le titre d'un recueil d'une femme, Guenane : Couleur femme me semble librement interprétable, ni prescriptif ni injonctif.
J'espère qu'on entendra que les nuances de cette couleur sont infinies.
J'ai pensé à préciser couleurs femme ou couleur femmes, cela aurait été peut-être plus prudent mais sans doute moins lisible.
Je fais confiance aux acteurs du Printemps des Poètes pour faire apparaître le multiple et le divers dans la réalité de la création poétique assumée par les femmes.
La distinction suggérée par votre question la femme / les femmes vaudrait aussi bien pour l'homme / les hommes : il convient dans tous les cas d'admettre la complexité qui veut que les caractères généraux ne vaillent que dans un rapport critique avec les caractères particuliers.

Au reste, j'ai proposé qu'on profite de ce Printemps des Poètes pour
explorer les représentations du féminin dans la poésie, « au-delà des stéréotypes de la célébration amoureuse », de la femme muse ou consolatrice. Et c'est sans doute en lisant la poésie des femmes qu'on peut échapper à ces stéréotypes.
Quelles sont les femmes-poètes que vous souhaiteriez mettre en avant dans le domaine français et étranger ?
Nous proposons d'abord de mettre en pleine lumière l'oeuvre poétique d'Andrée Chedid, oeuvre magnifique d'exigence, de générosité et d'ouverture (sa poésie questionneuse est toujours d'abord une adresse à l'autre), oeuvre traduite dans le monde entier et qui revendique dans un humanisme ferme, le dialogue entre les cultures, l'enrichissement par l'autre.

Je souhaite aussi qu'on reconnaisse quelques grandes voix actuelles comme celle de Marie-Claire Bancquart. Et qu'on découvre cette nouvelle donne : dans la génération des 30 / 40 ans les oeuvres des femmes sont plus présentes que jamais. Voyez Valérie Rouzeau, Albane Gellé, Magali Thuiller, Fabienne Courtade, Patricia Castex- Menier, Linda Maria Baros, par exemple...

Pour l'étranger, il y a tant à découvrir d'Emily Dickinson à Blaga Dimitrova, d'Annie Perrier à Wisława Szymborska...
Mais découvrons particulièrement, à la faveur de l'année France / Russie, les grandes poètes russes de Marina Tsvétaïeva et Anna Akhmatova à Olga Sedakova.
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