Femmes et Entreprises Françaises : Performances

Les femmes sont-elles plus performantes ?

La présence des femmes dans les entreprises françaises a-t-elle une influence sur leurs performances ?
Professeur de management au CERAM à Sophia Antipolis, Michel Ferrary est aussi le créateur de l'Observatoire de la Féminisation des Entreprises Françaises. Dans le contexte actuel de crise économique, il y aurait, selon lui, un lien entre la performance de l'entreprise et sa féminisation. Explications.

Par Delphine Oliva

Vous avez créé un observatoire de la féminisation des entreprises françaises. Pourquoi ?

Après la loi sur les nouvelles régulations économiques, je me suis aperçu qu'il y avait très peu de données sur l'état de féminisation des entreprises françaises et de leur encadrement. Mon objectif a alors été de créer une typologie des entreprises françaises, en fonction de leur taux de féminisation, avec un enjeu à la clé : démontrer, voire infirmer l'impact de la féminisation sur la performance d'une entreprise. A l'époque, certains patrons avaient tendance à penser que féminiser une entreprise en réduisant les inégalités signifiait « faire du social » et par conséquent nuire à la rentabilité de la firme. Je me suis donc posé la question de savoir si tel était le cas ou non.

Aujourd'hui, vous vous intéressez aux femmes et à la crise au sien de l'entreprise. Comment se sont déroulées vos recherches ?

Dans un premier temps, j'ai voulu savoir si la féminisation de l'entreprise avait un impact sur l'évolution de son cours en bourse, depuis le début de l'année. J'ai donc exploré le bilan des entreprises du CAC 40 pour récupérer des données, les croiser et en faire des études statistiques.

D'où la conclusion que le cours des entreprises du CAC 40 est en relation avec le taux de féminisation...

Tout ce que je peux dire en l'état actuel de mes recherches, c'est qu'il y a un coefficient de corrélation significatif entre la féminisation d'une entreprise et de son encadrement et l'évolution de son cours en bourse. Ce coefficient de corrélation est de 0,42, ce qui est non négligeable lorsque l'on sait que le coefficient de corrélation parfaite est de 1. Ca ne veut pas dire que ceci explique cela, mais seulement qu'il y a une corrélation, que les données, pour l'instant, vont dans le même sens. En outre, plus l'encadrement d'une entreprise est féminin et moins son cours de bourse a chuté depuis le début de l'année et inversement.

Quelles conclusions peut-on en tirer ?

En ce moment, on voit très clairement que les marchés sanctionnent les entreprises ayant pris le plus de risques ou ayant eu des prévisions de croissance un peu trop optimiste, ou encore en s'étant positionnés sur des marchés plus risqués.
Des nombreux travaux réalisés aux Etats-Unis notamment en sociologie, sciences de gestion ou finance comportementale montrent que les comportements des femmes dans les entreprises, notamment leurs pratiques managériales, différent de ceux des hommes.
Entre autres différences, les femmes seraient plus consensuelles et plus averses aux risques.
D'où l'hypothèse explicative que je formule, à partir du lien de corrélation obtenu et de ces travaux : la féminisation des entreprises et de leur encadrement influencent le comportement boursier de l'action de l'entreprise et pourrait justifier la résistance à la baisse des actions de certaines entreprises. La prédominance de femmes cadres conduirait l'entreprise à prendre des décisions mieux pesées et moins risquées.



Est-ce que cela veut dire qu'a contrario, en période d'accalmie, le cours des entreprises les plus féminisées est moins performant que celui des entreprises plus 'masculines' ?

Il y a eu des tests qui ont été faits aux Etats-Unis, en finance comportementale et qui ont démontré que les femmes sont globalement plus performantes que les hommes, quand il s'agit de gagner beaucoup d'argent. Non seulement, elles préfèrent les « jeux » moins risqués mais elles sont aussi performantes en période « normale ». En l'état actuel de mes recherches, en ce qui concerne la France, tout reste encore à démontrer.

Vous citez comme exemple LVMH et Hermès. Ces deux grandes entreprises ont le taux de féminisation le plus haut et sont celles dont l'action a le plus augmenté depuis le début de l'année. Ces deux entreprises sont-elles réellement touchées par la crise aujourd'hui ?

Oui, bien sûr. Toutes les entreprises sont aujourd'hui touchées par la crise. Peut-être que LVMH et Hermès le sont moins que d'autres. En tous cas, le secteur du prêt-à-porter et du luxe n'est pas le seul secteur exploré.

Vous citez dans votre rapport également des établissements bancaires.

Oui, et notamment BNP-Paribas, qui est l'établissement bancaire qui a le mieux résisté au krach avec une baisse limitée de -19,34% depuis le début de l'année. Avec 38,7%, cette banque à le taux de féminisation de son encadrement le plus important des banques françaises. Inversement, le Crédit Agricole a le taux de féminisation de son encadrement le plus faible avec 16,16% et a connu une baisse de son action de -50,41%. De même, Dexia qui a connu la plus forte chute des établissements financiers avec une perte de -65,17% depuis le début de l'année a un taux de féminisation de son encadrement de 28%. En revanche, les trois banques ont des taux de féminisation de leurs effectifs très proches

Donc, vous faîtes une différence entre taux de féminisation des effectifs et taux de féminisation de l'encadrement...

Oui, j'ai observé que dans une moindre mesure, plus les effectifs d'une entreprise sont féminisés et moins son cours de bourse a chuté depuis le début de l'année et donc inversement. Pour ce qui est de l'encadrement d'une entreprise, plus il est féminin et moins son cours de bourse a chuté depuis le début de l'année et inversement.

Lorsque vous parlez d'encadrement, de quels postes s'agit-il ?

Tous les postes de cadres confondus.

Aujourd'hui, vos recherches continuent...

Oui, je vais explorer la rentabilité de ces entreprises, ainsi que leur croissance pour voir si au-delà de la corrélation, l'on peut dire que c'est grâce aux femmes que le cours en bourse de certaines entreprises a le moins souffert. Pour cela, j'aurai recours à des tests de régression, qui vont me permettre de voir si un facteur en explique un autre.

Par Delphine Oliva

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