Bombe à retardement ou opportunité ?
Le DIF, droit individuel à la formation, porte-t-il en lui les germes d'une bombe à retardement sociale ? Ou les entreprises sauront-elles en faire une opportunité, un véritable retour sur investissement de la formation professionnelle ?
Jacques Brouillet, avocat, analyse l'application de cette avancée, mise en oeuvre depuis 2004.
Le dispositif du Droit Individuel à la Formation a été mis en œ,uvre en mai 2004 . Or, en mai 2010, le plafond du cumul des heures acquises par les salariés n'ayant pas encore utilisé leur droit sera atteint., soit au minimum 120H !
Les entreprises risquent alors de se retrouver confrontées à une démultiplication de demandes d'utilisation de ces dernières. Celles qui n'auront pas anticipé cette date se retrouveront ainsi menacées, soit par une véritable épée de Damoclès financière et de réorganisation dans le cas où elles accepteraient les demandes de leurs salariés, et sinon, par un mécontentement général qui, en ces temps de crise, risque d' allumer le détonateur d'un véritable conflit social.
Ambiguité sémantique
Cette situation est notamment due à l'ambigüité sémantique contenue dans le nom même du DIF.
En effet, un certain nombre de salariés, généralement les non-initiés, voient dans le DIF un DROIT qui leur est propre et ne comprennent pas pourquoi il leur serait nécessaire d'obtenir un accord de leur employeur pour utiliser ces heures, d'autant que le texte original prévoit qu'une majorité des heures doit être utilisée hors temps de travail.
En tant que parties prenantes dans la création et la mise en place du dispositif du DIF, les organisations syndicales ont également pris en charge sa communication. Mais bien quelles aient été très proactives dès le début, cette dernière est passée totalement inaperçue.
Ainsi Jean-Luc Gueudet, Secrétaire confédéral chargé de la formation professionnelle continue à la CFDT, confiait-il lors d'une interview le 5 mars 2009 que la campagne de communication pour le lancement du DIF n'avait eu aucun impact , et que près de 100 000 exemplaires des plaquettes alors éditées sur les dispositifs de la formation professionnelle restaient à ce jour encore à distribuer.
Les organisations syndicales qui défendent le DIF et qui demandent même une portabilité des droits dans l'ANI (Accord National Interprofessionnelle) du 11 janvier 2008 devraient donc relancer sans attendre, en cette période de réforme de la formation professionnelle, une campagne de communication coordonnée au niveau national (ce qui n'a jamais été fait).
Un outil de cohésion sociale
Les DRH , et leurs conseils (les avocats) devraient, eux aussi manifester plus nettement leur position : d'une part pour clarifier le dispositif et s'assurer ainsi de sa pleine compréhension tant par les entreprises que les salariés, d'autre part pour mettre en évidence que le DIF est un outil qui, non seulement peut devenir pour les salariés leur « assurance employabilité » de demain et cela tout au long de leur vie professionnelle, mais constituer pour les entreprises un véritable outil de cohésion sociale. En l'occurrence, c'est le premier outil de retour sur investissement de la formation professionnelle à leur disposition dès lors qu'il est utilisé dans le cadre d'une élaboration et d'une décision communes avec le salarié.
Le «co-investissement » est la clé d'une formation bénéfique à toutes les parties. Cette campagne sensibiliserait non seulement tous les salariés mais permettrait de remettre en question la philosophie des entreprises n'ayant pas considéré ce droit à sa juste mesure (lorsqu'elles n'ont pas tenté de le détourner) ou de celles qui ont pensé en faire l'économie par le biais de catalogues à « bas prix » comportant une majorité de formation e.learning trop souvent inefficaces dès lors que l'on souhaite investir et non dépenser en formation.
Le traité de Lisbonne avait fait de l'économie de la connaissance son axe prioritaire, la crise économique du capitalisme mondial n'en fait que ressurgir l'urgence.
Plus que jamais il importe de savoir prendre en compte le CAPITAL HUMAIN !
Jacques BROUILLET
Avocat Cabinet ACD
membre d' AVOSIAL
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