”Il n'y a plus de limites. Il faut tout réussir”

Entretien avec Rébecca Lustman, psychanalyste

Rébecca Lustman, psychanalyste et artiste, coauteur de S.O.S. Je n'aime pas mon corps*, s'interroge sur les mutations du statut de la femme contemporaine. Pour elle, l'image de la wonder woman parfaite en tout est pernicieuse.

Quels sont pour vous les symptômes de la femme contemporaine ?

'La tension entre le succès professionnel et la vie affective est au centre des plaintes que j'entends. On sent chez les femmes, les très jeunes comme les retraitées, une angoisse, une inhibition, une culpabilité, un sentiment d'inaccomplissement. En accédant au savoir


et au pouvoir, la femme est confrontée à la concurrence. Mais faire aussi bien que les hommes ne fait pas de vous une femme. L'émancipation multiplie les possibles. Mais, quand rien n'est interdit, tout devient obligatoire. Il n'y a plus de limites, il faut tout réussir. Même la jouissance sexuelle apparaît comme une obligation.
Autrefois, l'homme portait le devoir de réussite sur ses épaules, aujourd'hui la femme partage cette responsabilité. Alors qu'en réalité elle est en demande d'amour courtois et recherche le troubadour. Mais personne n'a plus le temps. Peut-on imaginer un troubadour avec un fax ?
Tout se mêle. Dès lors, nous voyons chez la femme un autre symptôme, à l'origine plutôt masculin : le recul devant l'acte, les mêmes hésitations face aux décisions fondamentales, aux engagements, spécialement dans le domaine amoureux.

Et l'amour dans tout ça ?

L'amour passe par les mots. Or, il se parle aujourd'hui en termes d'avoir. L'homme, comme la femme, devient un objet de consommation.
Pour apaiser ses angoisses, on use de « semblants », on entretient son corps comme une machine en faisant des régimes, du sport à outrance ou en ayant recours à des soins esthétiques dans une recherche de la perfection qui va bien au-delà du narcissisme.
Je suis néanmoins optimiste, car l'humain a de puissantes ressources de vie. En particulier, l'effet antidépresseur de la rencontre amoureuse qui ne se réduit pas a un corps à corps. Car l'amour c'est l'énigmatique reconnaissance de deux inconscients.

Comment retrouver l'équilibre ?

Une femme fragile, avec ses failles, capable de mener de front travail et amour, d'être disponible pour les autres tout en gardant sa féminité : voilà ce que veut la femme aujourd'hui. Et cela, sans se sentir coupable ni obligée.
Il faudrait, via la publicité, déculpabiliser la femme quand elle ne se sent pas bien. « Les petites déprimes » féminines ne sont pas à considérer comme une maladie dangereuse pour notre société, mais plutôt comme une alerte pour aller vers les choses essentielles de la vie. L'image de la wonder woman parfaite est fausse et ne fera que contribuer à faire disparaître ce qu'est LA FEMME, et renforcer son incapacité à aimer, à s'aimer. Ce qui reste encore aujourd'hui une des choses vitales de notre existence.

Et les femmes de 50 ans ?

De nouvelles choses se passent pour elles. J'en vois qui tombent amoureuses et sont aimées d'hommes plus jeunes qu'elles. Une nouvelle génération d'hommes a besoin d'une femme rassurante, posée, qui ne cherche plus à faire ses preuves. Des femmes en permanence en compétition ça n'est pas hyper romantique. Ce renouveau sexuel chez la femme de 50 ans est magnifique.'


* S.O.S. Je n'aime pas mon corps ! Chirurgie esthétique et psychanalyse, de Vladimir Mitz et Rébecca Lustman, éditions du Cygne

Un partenariat avec
www.influencia.net

Par Isabelle Musnik
Portrait de admin

Ajouter un commentaire