La France et ses Esclaves

Dans son numéro 353, le magazine l'Histoire consacre son dossier à un sujet brûlant et douloureux : la traite négrière et l'esclavagisme.

Le 10 mai 2010 est la journée consacrée à la mémoire de l'esclavage.

La traite négrière, l'esclavage, c'est les autres, principalement les Américains. Le dernier numéro de la revue Histoire vient opportunément rappeler que la France fut un des premiers pays esclavagistes et qu'il ne fut pas le premier à abolir l'esclavage. « La France et ses esclaves : De la traite sucrière à l'abolition inachevée, la tragédie antillaise » est le titre de ce remarquable dossier qui se focalise sur Saint-Domingue (l'actuel Haïti), la Martinique et la Guadeloupe. On apprend ainsi que la France s'est lancée tardivement dans la traite négrière, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, avec des hommes d'affaires bordelais et nantais. Mais une fois à la manœ,uvre, elle ne chôme pas.



Entre 1713 et 1791, c'est un million d'hommes et de femmes qui arrivent dans les îles. On découvre l'organisation de ces sociétés antillaises entre notables blancs, venus de métropole, créoles nés aux Antilles, libres de couleur, notion qui m'était jusqu'alors inconnue et esclaves. Les libres de couleur sont des affranchis, enfants d'affranchis, souvent issus de la relation du maître et d'une esclave. Ces libres de couleur ont, en principe sur le papier, les mêmes droits que les blancs, dans la réalité, s'instaure peu à peu une politique de ségrégation. Les grands libres de couleur venus jusqu'à nous sont le chevalier Saint-Georges, grand compositeur et colonel pendant la révolution, Toussaint Louverture, héros de la révolte des esclaves de Saint-Domingue et le général Thomas Alexandre Dumas, père de l'écrivain Alexandre Dumas.
Dès le XVIIIe siècle, des voix se font entendre pour un arrêt de ce commerce infâme et l'abolition de l'esclavage. Parmi elles, Condorcet qui publie sous pseudonyme « Réflexions sur l'esclavage des nègres » ou encore Montesquieu. En 1794, la France abolit l'esclavage, elle est la première à le faire, mais Napoléon, en 1802, le rétablit. Il faut attendre 1848 et Victor Schœ,lcher pour que l'abolition de l'esclavage soit définitive. Mais cette abolition ne s'est pas accompagnée d'une aide aux « nouveaux libres », qui deviennent des « citoyens colonisés ».



En revanche, des fonds sont débloqués pour indemniser les propriétaires d'esclaves. Après la révolte de Saint-Domingue en 1791 qui aboutit à l'indépendance de l'île qui prend le nom d'Haïti, la peur de voir la Martinique et la Guadeloupe prendre le même chemin est grande. Les deux îles restent dans un dénuement total. Toute leur économie était basée sur l'exploitation de la canne à sucre, alors que le nord et l'est de la France cultivaient à tour de bras la betterave sucrière, cette culture étant suffisante pour subvenir aux besoins de la population. S'en suit une situation économique et sociale catastrophique. Cette situation de misère perdure jusqu'après la deuxième guerre mondiale. Il faut la force et le talent d'un Aimé Césaire développant et animant un mouvement autonomiste pour que la question des Antilles françaises devienne une question nationale. Grâce à ce mouvement initié par le poète, la question de la traite négrière et de l'esclavage est enfin posée et figure dans les programmes d'histoire.

A la lecture de ce dossier, on peut constater que le pays des droits de l'Homme était celui des droits de l'homme blanc. On peut imaginer et espérer qu'en intégrant cette part douloureuse de notre inconscient collectif, notre pays devienne en pratique ce qu'il n'a jamais su être : le pays des droits de tous les hommes et toutes les femmes, sans distinction aucune.


N° 353 du magazine Histoire, daté du mois de mai - 6 €

www.histoire.presse.fr



Par Marie Catherine Chevrier

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