”Lacrimosa ou le chemin du suicide”

Lacrimosa ou le chemin du suicide par Régis Jauffret

Avec Lacrimosa, Régis Jauffret suit le long cheminement qui a mené Charlotte au suicide. Avec le jeu d'une double narration, l'auteur se remet en question, prêt à se suicider pour mieux renaître. C'est le livre le plus troublant, décapant de la rentrée littéraire 2008.



Premier chapitre : le suicide de Charlotte, femme avec lequel Régis Jauffret avait eu une liaison amoureuse. Deuxième chapitre : rupture. Charlotte s'adresse à l'auteur depuis l'au-delà. Tout le roman va ainsi alterner des lettres de Régis et Charlotte. Cette double narration retrace l'histoire de ce couple, une histoire parfois compliquée avec des détours, des retours et des allers-retours comme le sont toutes les histoires d'amour. « J'ai essayé de raconter le chemin, puisque quand une personne se suicide, elle prend un certain chemin. J'ai essayé d'en trouver des traces » précise Régis Jauffret (les Inrocks).

Ecorché, perdu, déchiré et fougueux, il nomme cette femme « chère Charlotte ». Régis Jauffret la vouvoie par respect, crainte et surtout sans jamais lui donner le mauvais rôle. L'assassin, le pleutre, celui vit nuit et jour avec Word, c'est lui. Régis Jauffret se construit son propre tombeau à travers les mots de Charlotte. Elle le tutoie, le rosse. Elle l'appelle « mon bel écrivassier ». Elle frappe là où ça fait mal : « On dirait vraiment que je me suis suicidée pour ton plaisir d'en faire toute une histoire, une histoire sordide comme tu les aimes tant. Je me suis pendue à ta place, car tu es trop douillet, trop couard, et tu aurais eu trop peur de te rompre le cou. La mort aurait pu gâcher ta joie de raconter ton supplice. Tu veux bien être un martyr, à condition de pouvoir t'en vanter ».

Son honneur ? Régis Jauffret n'en n'a que faire. « Au fond, je trouve qu'on se respecte toujours trop, c'est-à-dire qu'on respecte trop l'image qu'on a de soi ou celle que les autres ont constitué de soi. » Et la suite ? Il est prêt à découvrir d'autres choses pour avancer, progresser. Et il est prêt à le payer cher, très cher.

Qui est Régis Jauffret ?


Surnommé par certains le « Bacon des cerveaux déglingués », Régis Jauffret grandit dans une famille bourgeoise de Marseille aux côtés d'un père sourd. Il est renvoyé de son école dirigée par les Jésuites, et adolescent, se découvre une passion pour les romans. Il lit Proust, Virginia Woolf, Thomas Berhard, Deleuze, Wittgenstein, écrit des pièces pour la radio en plus de quelques articles pour la revue Tel Quel. A 30 ans, il publie son premier roman « Les Gouttes », mais trouver une maison d'édition s'avère difficile pour les livres suivants comme « Seule au milieu d'elle », « Cet extrême amour' » en 1987. Bien mieux accueilli depuis quelques années dans l'industrie littéraire, il sème des romans où troubles de la vie conjugale et familiale, univers glauques de personnages délirants, mondes intérieurs sordides se succèdent, notamment dans « Sur un tableau noir » en 1993, « Fragments de la vie des gens » en 2000, « Univers, univers » en 2003 qui reçoit le prix Décembre. Deux ans plus tard, il remporte le prix Femina pour « Asile de fous ». Signant des livres mordants, tournant le dos à l'illusion romanesque, Régis Jauffret publie en 2007 « Microfictions ».

--Lacromosa
-de Régis Jauffret
-Ed. Gallimard
-16,50 €


Par Thérence Normann
Portrait de admin

Ajouter un commentaire