Le « Christ de pitié » de Jean Malouel entre au Louvre

Il est des histoires plus belles que d'autres : celle des tribulations du « Christ de pitié », tableau attribué au peintre Jean Malouel, en est une. Découverte par hasard dans un bric-à-brac de curé, l'œ,uvre, acquise par le Louvre après 12 ans de tractations, est enfin exposée.

« Les pannes de chauffage font parfois bien les choses », s'est exclamé le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand en annonçant le 3 mai l'acquisition officielle par le Louvre du « Christ de pitié », attribué au peintre « primitif » français Jean Malouel. Et c'est un fait que tout est parti de là, il y a plus de 25 ans.

Le 'Christ de pitié', de Jean Malouel, exposé depuis le 3 mai au Louvre


En janvier 1985, pour effectuer des réparations dans son église, et notamment y installer le chauffage, l'abbé Perrein, curé de Vic-le-Comte, petite commune auvergnate, procéda à la vente du bric-à-brac entassé dans le presbytère. Or, parmi les objets vendus à un brocanteur pour quelques milliers de francs se trouvait un tableau, dont seul l'encadrement —, moulures en bois doré du XVIIe siècle —, attira dans un premier temps l'œ,il de l'acquéreur. Il revendit donc le cadre et garda le panneau peint. Découvrant, quelques semaines plus tard, qu'un autre tableau semblait se cacher derrière la peinture visible, il le confia à un restaurateur. Et c'est ainsi que fut découvert un des plus grands chefs d'œ,uvre de l'art de cour européen du tout début du XVème siècle.

Aujourd'hui authentifiée par les experts comme une œ,uvre de Jean Malouel, ce tableau qui représente sur fond d'or un Christ soutenu par saint Jean, entouré de la Vierge et de deux anges est la propriété du Louvre qui l'a acquis pour 7,8 millions d'euros.

La troisième oeuvre connue de Jean Malouel

Il s'agit de la troisième œ,uvre connue au monde de ce peintre né vers 1370-1375 et mort en 1415. « Jean Malouel est l'une des figures majeures de la peinture néerlandaise avant Van Eyck, mais il apparaît aussi comme l'un de nos plus illustres “primitifs” français », a souligné Frédéric Mitterrand.

C'est en effet en France qu'il passe la plus grande partie de sa carrière : après avoir travaillé en 1396 à Paris pour la reine de France, Isabeau de Bavière, il devient en 1397 le peintre en titre du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, puis celui de son fils, Jean sans Peur.

Jusqu'ici, deux tableaux seulement lui avaient été attribués : la « Grande Pietà ronde », conservée au musée du Louvre depuis 1864, et la Vierge et l'Enfant entourés d'anges sur toile, dite «Vierge aux papillons», acquise en 1987 par la Gemäldegalerie de Berlin.

«Le Christ de pitié, sans doute peint entre 1405 et 1410, est exceptionnel par sa qualité picturale. Le luxe de cette image de dévotion, digne d'un objet précieux, et son raffinement pictural militent en faveur d'un commanditaire princier, peut-être —, comme pourrait l'évoquer la découverte du tableau à Vic-le-Comte —, Jean, duc de Berry et d'Auvergne, mécène des frères Limbourg, neveux de Malouel», a fait valoir le ministère de la Culture dans un communiqué.

Sur le montant total de la transaction, qui aura mobilisé de nombreux avocats pendants plusieurs années, avec le soutien du mécène Axa, 4,21 millions d'euros sont revenus au brocanteur, 1,29 million à un intermédiaire marchand d'art et 2,3 millions à Vic-le-Comte. « Cette transaction inédite entre l'Etat, la commune de Vic-le-Comte et le vendeur, a été opérée afin d'écarter tout risque de revendication sur ce tableau au statut patrimonial imprécis », a précisé Frédéric Mitterrand.


Pour en savoir plus:

Un Christ de pitié attribué à Jean Malouel

Par Dominique Thiébaut avec la collaboration de Dimitri Salmon

Collection Solo, coédition Somogy / musée du Louvre éditions, 56 pages, 40 illustrations, 9,70 €



Par Michèle Folian

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