”Les enfants modèles” - Musée de l'Orangerie

De Claude Renoir à Pierre Arditi

Certains sont devenus plus célèbres que leur artiste de parent, pour d'autres c'est le contraire : l'exposition 'Les enfants modèles' célèbre l'amour au bout du pinceau. Enfants sages ou bons petits diables, une centaine de tableaux sont présentés au musée de l'Orangerie jusqu'au 8 mars 2010.



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Enfants modèles...

L'histoire de l'art ne s'intéresse que rarement à l'entourage de l'artiste, ses proches, sa famille, ceux qui l'ont soutenu, encouragé ou tout simplement aimé. Ce n'est pas par manque d'intérêt ou simple pudeur, mais plutôt par peur de troubler une discipline qui se veut « scientifique » et donc sans affect. Il faudrait ne traiter que le grand sujet, l'esthétique et son commentaire, alors que la « petite histoire » mène à la grande. Posant volontairement ou à contrecœ,ur, « croqués » souvent à leur insu par un ogre plutôt amical, ce sont ces « enfants modèles » qui nous intéressent aujourd'hui. Ils sont des fils ou des filles de Claude Monet, Maurice Denis, Pablo Picasso, Françoise Gilot, Georges Sabbagh, Chana Orloff, des nièces ou des neveux d'André Derain et de Pierre Bonnard, voire les « enfants par procuration » d'Édouard Vuillard, ceux de ses commanditaires pour lesquels il eut une réelle affection.



Les enfants modèles ont laissé des témoignages écrits, d'autres en ont parlé, certains en parlent encore. Ces enfants de la Belle Époque —, bien habillés pour l'occasion et parfaitement « modélisés » —,, ces petits Nabis, fauves ou cubistes —, transformés en chefs-d'œ,uvre pour musées —, et ces rejetons de la fin du XXe siècle —, en jean et baskets mais pas forcément plus libres de leurs mouvements —, nous content à leur manière des séances de pose qui furent de bons ou de moins bons souvenirs.

et séances de pose...

Aux plus jeunes, le catalogue et l'exposition donnent la parole. Ces « bons petits diables », avec leurs mots, nous révèlent que l'attrait pour le jeu, les copains de la rue, les rêveries solitaires dont on a si besoin à leur âge, l'emportaient le plus souvent sur cette marque de tendresse voulue par l'artiste. C'est ainsi que, « coincé » tout de même pour « faire plaisir », Jean-Marie Le Breton ne rêvait que de courir les champs, Jean-Paul Belmondo de remonter le couloir de l'appartement familial en patin à roulettes avec son frère Alain, et Pierre Arditi de pouvoir enfin descendre de sa chaise rouge où son père l'avait vissé.

Si certains artistes, comme Claude Monet, n'utilisèrent que peu leur entourage immédiat, d'autres s'en firent presque une spécialité, tels Eugène Carrière, Pierre-Auguste Renoir, Mary Cassatt, Maurice Denis, Georges Sabbagh ou Pablo Picasso. Il s'agit de « petites tribus » où les enfants, souvent nombreux, sont largement mis à contribution très tendrement mais aussi comme de simples sujets d'études. Maurice Denis, le « Nabi aux belles icônes », mettra très souvent sa famille sur la sellette, n'omettant aucun de ses membres, pour ses tableaux, qu'ils soient profanes ou religieux. Chez Picasso, père multiple, dans le couple qu'il forma avec Françoise Gilot, Claude et Paloma, leurs enfants communs, furent « croqués » par l'un comme par l'autre. Pour les artistes qui n'ont pas d'enfants, on s'invente un entourage tels André Derain, Pierre Bonnard ou Édouard Vuillard.

Maurice Denis : La Cabine de bain, 1915, huile sur toile, 92,5 x 61 cm - Collection particulière © Catalogue raisonné Maurice Denis / ADAGP, Paris 2009

Peindre un enfant n'est pas de tout repos. Certains artistes en ont parlé dans leurs souvenirs, toutes sortes de stratagèmes ont été utilisés pour les faire tenir tranquilles. Ces « bons petits diables » ont alors posé seuls en arborant les attributs que leurs parents artistes avaient délibérément choisis pour eux —, habits de Pierrot ou de clowns, cheval de bois, maillet pour le croquet, cerceau, poupée de chiffons, voilier de bassin —, ou bien, plus librement, affairés à l'une de leurs occupations favorites. Ces jouets ou costumes —, parfois reliques véritables —, animent le parcours de l'exposition qui regroupe une centaine de tableaux.

- Commissaire de l'exposition :
Emmanuel Bréon, conservateur en chef, directeur du musée de l'Orangerie

- Scénographie :
Agence Nathalie Crinière


Introduction à l'exposition




Pour une fois, tordre le cou aux convenances, se passer des commentaires, apprendre à voir
avec les yeux de l'enfant, voilà l'ambition de cette exposition. Les enfants d'artistes eurent
sans doute cette chance d'une éducation du regard à domicile. Ils devinrent parfois le sujet
même des oeuvres élaborées sous leurs yeux. Posant volontairement ou à contrecoeur, « croqués »
souvent à leur insu par un ogre plutôt amical, ce sont ces Enfants Modèles qui nous
intéressent aujourd'hui, leurs portraits et surtout ce qu'ils en disent.

Pas de classification pour eux : naît-on impressionniste, nabi, petit fauve, cubiste ou
réaliste ? Ils étaient seulement les sujets chéris d'un père ou d'une mère. Pas de hiérarchie
non plus car leurs parents étaient forcément les plus grands des artistes. On ne s'étonnera
pas alors de voir Claude Picasso, petit garçon, préférer et trouver plus de fantaisie aux
oeuvres de sa mère. Etait-ce toujours si drôle d'être un enfant modèle ? Pas si sûr si l'on en
croit Jean-Marie Rouart ou Pierre Arditi qui auraient préféré courir la rue plutôt que d'être
vissés sur une chaise.

Quand ils ne sont pas réunis sagement sur un portrait de famille, ces « bons petits diables »
ont posé en arborant les attributs choisis pour eux par leurs parents. Ces jouets ou costumes,
parfois reliques véritables, ont été conviés à la fête. On se demandera alors -pas trop
sérieusement ! -si le portrait de Claude Lévi-Strauss sur un cheval mécanique, oeuvre de son
père, le détermina à partir à la découverte des Tristes tropiques ou si le voilier de Jean
Sabbagh, tenu avec vénération, fut le début d'un engagement qui le mena à la plus haute marche
de l'Amirauté.

Enfants de la Belle Epoque, bien habillés pour l'occasion et parfaitement « modélisés »,
petits Nabis, Fauves ou Cubistes, transformés en chefs d'oeuvres pour musées, rejetons de la
fin du XX° siècle, en jean et baskets mais pas forcément plus libres de leurs mouvements, nous
content à leur manière ces séances de pose qui furent de bons ou moins bons souvenirs.

Emmanuel Bréon

Maurice Denis : La Boxe, 1918, huile sur carton, 85 x 70 cm , collection particulière© Catalogue raisonné Maurice Denis / ADAGP, Paris 2009



- Les enfants modèles, de Claude Renoir à Pierre Arditi
- 25 novembre 2009 —, 8 mars 2010
- Musée de l'Orangerie, Jardin des Tuileries
75001 Paris - tel :
01 44 77 80 07
- Horaires :
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, le 1er mai et le 25 décembre de 9h à 18h (évacuation à 17h45)
- Accès -
Métro : 1, 8, 12 station Concorde
Bus : 24, 42, 52, 72, 73, 84, 94 arrêt Concorde
- Tarifs: Droit d'entrée
plein tarif : 7,5 €,
tarif réduit : 5,5 €,
majoration de 2 € pour les expositions temporaires,
gratuit pour tous le premier dimanche de chaque mois



Par Nicole Salez

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