Les splendeurs du palais, au musée du Quai Branly

'La civilisation de l'estomac'

De la frugalité première des origines jusqu'aux raffinements suprêmes de la gastronomie impériale, l'exposition « Cuisiner et manger en Chine » au Musée du Quai Branly retrace 8000 ans d'une tradition culinaire virtuose. Quelque 150 objets sont exposés. A voir jusqu'au 30 septembre 2012.


«Chifanle meiyou ?». Traduction: «Avez-vous déjà mangé ?».

C'est l'une des façons de dire «Bonjour !» en Chine, plus chaleureux que l'habituel «Ni hao !», l'équivalent de notre «Comment allez-vous ?». Un signe certain de l'importance de la nourriture dans la culture chinoise.

« La Chine, c'est d'abord la civilisation de l'estomac », explique le commissaire de l'exposition, « Cuisiner et manger en Chine » au Musée du Quai Branly , Jean-Paul Desroches. « Pour les Chinois l'alimentaire, c'est ce qui définit l'homme ».

Fondue de faisan zhigeng figurant dans une chronique mythique remontant à environ 3000 av. JC, patte d'ours cuisinée au miel, répertoriée sous la dynastie Shang (1770-1045 av J.C.), chien braisé dans un bouillon de tortue remontant à la dynastie Han (206 av. JC à 220 après) ou des oies farcies de porc et cuite dans un agneau, recette favorite de l'impératrice Wu Zetian de la dynastie Tang..., l'exposition propose plusieurs recettes impressionnantes, preuves que les Chinois prêtent une attention majeure aux goûts, aux couleurs et aux différentes textures des aliments.

Réalisée en partenariat avec le Musée national de Chine, l'exposition du musée du Quai Branly, montre l'évolution des pratiques alimentaires : apparition des céréales vers le 7e millénaire, puis des viandes et des boissons à base de millet à l'âge du bronze. Elle illustre aussi l'histoire de la cuisine chinoise dont les origines remontent à plus de 2.000 ans, sous la dynastie Han.

« Beaucoup d'ingrédients apparaissent dès cette époque, comme les graisses et des inventions fondamentales comme le four qui permet la haute cuisson. On commence à faire mariner, à couper en petits morceaux et à faire frire », commente M. Desroches.

L'alimentation se fait bientôt gastronomie et mène ensuite au raffinement des arts de la table qui se développent sous les Tang (618-907). Mais ce n'est que sous les Song (960-1279) que le thé devient une boisson à la mode et la gastronomie une expression littéraire à part entière. Un des plus beaux objet de l'exposition date de cette époque, un bas relief estampé sur une brique représentant une femme préparant le thé.

L'évolution de la vaisselle suit celle de la civilisation chinoise, de la poterie néolithique au bronze des trois premières dynasties royales Xia, Shang et Zhou (2e et 1er millénaires avant notre ère). L'apparition de la laque remonte au 3e siècle av. J.-C.), la vaisselle d'or et d'argent à la florissante dynastie Tang. La vaisselle en porcelaine précieuse est liée à celle des Song comme aux familles impériales Ming.

À l'époque des Qing (1644-1912), plus de 2.000 personnes sont en cuisine, dont162 maîtres diététiciens et 128 chefs rien que pour la famille royale. Ils servent 12.000 repas par jour, dans de luxueux services en or, argent, porcelaine, émaux cloisonnés, jade et ivoire.

Plus de 130 objets venus du Musée national de Chine et quelques-uns du Musée Guimet évoquent un art de vivre mais aussi une philosophie. Une statuette représentant Zhong Kui, un des Immortels pourfendeurs de démons du panthéon taoïste, le montre en état d'ivresse, ou de communion avec le Tao.

Comme l'explique Zhuangzi, un philosophe du IVe siècle avant J.C. : l'ivresse est « l'état de stupidité du sage qui a réalisé l'ultime fusion et devient ainsi invulnérable !»


Pratique

--Toutes les infos sur l'expo 'Les séductions du palais' sur www.quaibranly.fr

--Du 19 juin 2012 au 30 septembre 2012, au musée du Quai Branly, 37 quai Branly, Paris (VIIe).

En marge de l'exposition, des week-ends gastronomie et traditions chinoises seront organisés du 6 juillet au 8 juillet, proposant notamment une cérémonie du thé et des ateliers d'initiation au majhong.



Par Élisabeth Schneiter

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