Logement : jamais les Français n’ont ressenti autant de difficultés

Selon le CREDOC

'Jamais les Français n'ont ressenti autant de difficultés liées au logement', selon une étude du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) publiée mardi 24 février 2010. En 15 ans, les
prix des logements ont été multipliés par
2,5 contre seulement 1,6 pour les revenus et le poids de l'ensemble des dépenses de
logement dans le budget des ménages s'est
fortement accentué. Selon le Crédoc, «l'habitation ne répond pas seulement à la fonction de se loger, c'est un marqueur social', d'où le sentiment de déclassement social entretenu par la crise du logement.

Selon l'étude du CREDOC, en quinze ans, les
prix des logements ont été multipliés par
2,5 en France contre seulement 1,6 pour les revenus. Les loyers ayant eux aussi
augmenté plus vite que le coût de la
vie, le poids de l'ensemble des dépenses de
logement dans le budget des ménages s'est
fortement accentué. L'étude du CRÉDOC montre que la hausse
des dépenses de logement, de plus en plus
mal vécue par les Français, contribue à
entretenir le sentiment de déclassement
social : voir s'éloigner la perspective de
devenir un jour propriétaire, habiter un
logement trop étroit ou en mauvais état, ou
avoir l'impression d'y consacrer une part
trop importante de son budget, conduisent
bien souvent à se sentir appartenir au bas
de l'échelle sociale. Le malaise se nourrit aussi du décalage
entre la vive hausse des prix et la plus lente
amélioration de la qualité des logements. La
part des Français qui vivent dans un logement
comportant au moins un « défaut
majeur de qualité » — un toit percé, de
l'humidité dans le logement, une installation
de plomberie ou électrique défectueuse,
voire une absence de sanitaires — atteint 32 % de
nos concitoyens, un chiffre supérieur à la
moyenne européenne (26 %).


Forte hausse des prix

Le logement pèse de plus en plus dans le budget des ménages
En cinquante ans, alors que les prix à la consommation ont été multipliés par 10, les prix des loyers
ont été multipliés par 18, ceux des charges ont été multipliés par 26 et les prix de l'immobilier ont
été multipliés par 55. Seuls les prix de l'électricité, du gaz et des autres combustibles pour le chauffage
et l'eau chaude ont augmenté moins vite que le coût de la vie. L'accélération des prix de l'immobilier
est particulièrement nette depuis 1995. En France — comme dans plusieurs autres pays — les prix de l'immobilier se sont brutalement
retournés à la baisse en 2009 (-9 %) après 14 années de hausse ininterrompue.




*Sources : CRÉDOC, à partir des séries longues reconstituées par J. Friggit (CGEDD) pour la période 1946-1995, et de l'indice
INSEE-notaires pour la période récente (1996-2009) pour les prix de l'immobilier. INSEE, comptes nationaux pour les autres
indices.
* Parmi les charges, on compte ici l'eau, les frais d'enlèvement des ordures ménagères, l'assainissement, le ramonage, les frais
de gardiennage et l'entretien des ascenseurs.

Selon l'étude du CRÉDOC, l'augmentation des coûts du logement s'explique par des facteurs structurels et conjoncturels. Sur
longue période, le vieillissement de la population, la décohabitation des générations, la progression
du célibat et l'augmentation du nombre de divorces ou de séparations se sont traduits par une diminution
de la taille des foyers : ils comportaient en moyenne 2,9 personnes en 1975, contre 2,2
aujourd'hui. Si bien que les dépenses de logement sont supportées, au sein de chaque ménage,
par un nombre de plus en plus restreint d'occupants (par exemple, chez les locataires du secteur
libre, les charges de logement ponctionnent 42 % des ressources de ceux qui vivent seuls, contre
28 % de ceux qui vivent en couple sans enfant). Autre facteur structurel : les standards en matière de
confort ont progressé au cours des cinquante dernières années, les matériaux et processus de
constructions sont plus performants et la surface habitable s'est étendue.
Des facteurs conjoncturels sont entrés en ligne de compte ces dernières années : entre 2000
et 2003, la construction de logements a été insuffisante par rapport à la croissance démographique.
La pénurie a entretenu l'inflation des prix d'achat et des loyers qui étaient déjà orientés
à la hausse depuis 5 ans. La baisse des taux d'intérêt et les facilités de crédit accordées par les
banques — notamment à travers l'allongement de la durée des emprunts — ont soutenu la
demande à un niveau élevé, au risque d'un surendettement des ménages à long terme. Un
mécanisme de « bulle spéculative » s'est enclenché à partir de 2003, qui a tourné court avec la
crise financière de l'automne 2008. Dans ce contexte inflationniste, l'efficacité des aides
publiques au logement s'est érodée : les ménages les plus vulnérables, puis les classes
moyennes, ont pris de plein fouet l'accroissement des charges liées à leur habitation.


Un sentiment
de déclassement social

Près d'une personne sur deux déclare que ses dépenses
de logement constituent une « lourde
charge », une « très lourde charge » ou
une « charge à laquelle elle ne peut faire
face », seule une sur trois
était dans cette situation au début
des années 1980. L'impression d'être
mis en difficulté à cause du logement
s'est particulièrement accentuée pour
les catégories modestes
et les classes moyennes inférieures. En 2008, les classes
moyennes supérieures commencent à
leur tour à être touchées par le problème.

*Note : Catégories pauvres : moins de 780 €/mois pour une personne , catégories modestes : de 780 à 1120 €, classes
moyennes inférieures : de 1120 à 1750 €, classes moyennes supérieures : de 1750 à 2600 €, catégories aisées : de 2600 à
3010 €, hauts revenus : plus de 3010 €/mois pour une personne.

Ces difficultés croissantes entretiennent
le sentiment de déclassement
social qui se diffuse dans la population
ces dernières années. L'étude du
CRÉDOC montre qu'à revenu égal, à
profession comparable, à niveau de
diplôme équivalent et à âge identique,
les personnes qui déclarent
avoir du mal à faire face à leurs
dépenses de logement tendent 2,4
fois plus souvent que les autres à se
classer dans le bas de l'échelle
sociale (« défavorisés », « classes
populaires », « classes moyennes
inférieures »).
En outre, l'éloignement de la perspective
d'accéder à la propriété nourrit de
profondes frustrations chez certains :
la probabilité de se percevoir en bas
de l'échelle sociale est 2 fois plus élevée
chez les locataires que chez les
propriétaires, toujours à niveau socioéconomique
équivalent. L'habitation ne répond pas seulement
à la fonction de se loger, c'est
aussi un marqueur social qui étaye les
représentations que l'on a de sa position
sociale. La qualité encore
médiocre de nombreux logements
rend la facture plus douloureuse
Si l'augmentation du coût du logement
est aussi mal vécue, c'est aussi
parce que la qualité des logements
ne s'est pas améliorée au même
rythme. Malgré la progression tendancielle
du confort des habitations, une proportion encore
élevée de nos concitoyens vit dans
des logements de qualité médiocre. Au total, 32 % des
Français signalent l'un ou l'autre de
ce qu' il convient d'appeler des
« défauts majeurs de qualité » (toit percé,
humidité dans le logement, installation
de plomberie ou électrique défectueuse,
voire absence de sanitaires), ce qui
place notre pays en dessous de la
moyenne européenne.




Un parcours
résidentiel bloqué

Le malaise vient également du fait
que le parcours résidentiel est bloqué
pour un nombre croissant des
Français. Certes, une partie
importante de la population est épargnée
par la crise du logement : plus
d'un Français sur trois (37,5 % exactement)
est aujourd'hui pleinement
propriétaire de son logement, sans
emprunt à rembourser. Ces personnes consacrent d'ailleurs une
part de moins en moins importante
de leur budget au logement : 10 % en 2006, contre 13 % en 1984 (en comptant
les charges, l'eau, l'énergie, les
assurances et les taxes foncière et
d'habitation). Mais, depuis une quinzaine
d'années, la proportion d'accédants
a tendance à régresser (19,6 %
en 2005, contre 25 % à la fin des
années quatre-vingt). Surtout, l'accession
à la propriété s'est développée
de manière hétérogène : les
ménages les plus pauvres sont de
moins en moins souvent propriétaires
(47 % des 20 % des ménages
les plus modestes étaient propriétaires
en 1988, contre 37 % aujourd'hui),
contrairement aux plus aisés
(65 % des 20 % des revenus les plus
élevés étaient propriétaires en 1988,
contre 76 % aujourd'hui).
La catégorie des locataires s'est
vidée de ses membres les plus aisés
qui sont devenus accédants. Cela
explique aussi que les locataires
supportent aujourd'hui des charges
de plus en plus lourdes : 25 % de leur
budget est consacré au loyer, aux
charges locatives, aux dépenses
d'eau, de gaz, d'électricité, de chauffage,
d'assurance et de taxe d'habitation,
contre 19 % en 1984. Pour
une surface habitable par personne
équivalente, les cadres, les professions
intellectuelles supérieures et
les professions intermédiaires
dépensent proportionnellement de
moins en moins pour se loger,
contrairement aux employés et aux
ouvriers.
Les entraves à la mobilité résidentielle se multiplient au fur et à
mesure que le coût du logement progresse.
Quitter le domicile parental,
trouver une location le temps de
faire ses études et d'obtenir un
emploi stable, déménager dans un
logement plus grand lors de la mise
en couple et de la naissance des
enfants, éventuellement s'engager
dans un projet d'accession à la propriété
pour se constituer un patrimoine
et ne plus avoir à payer de
loyer pendant sa retraite : toutes ces
étapes du cycle de vie se heurtent à
l'augmentation des prix et des loyers
et beaucoup se retrouvent dans un
logement qui ne correspond plus à
leur situation personnelle, familiale
ou professionnelle.


- Numéro de février de 'Consommation et mode de vie ', publication du Centre de recherche
pour l'étude et l'observation
des conditions de vie
(CREDOC).
- 'Consommation et mode de vie ' - Diffusion par abonnement uniquement - 31 euros par an - Environ 10 numéros
- CREDOC : 142, rue du Chevaleret, 75013 Paris - www.credoc.fr



Par Nicole Salez

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