Apparu avec le gothique rock, l'emblème de la tête de mort s'était estompé. Il réapparaît en mode, accessoire lié à l'exposition sur les vanités du Musée Maillol, à Paris.

« Vanité des vanités, tout est vanité » : tel est le leitmotiv de l'Ecclésiaste, un texte datant du III ème siècle après Jésus Christ qui fait partie de l'Ancien Testament. La phrase apparaît sur les retables des XVI ème et début XVII ème siècle, tandis que les natures mortes avec Chardin en premier lieu mettent en balance la mort via un crâne et les œ,uvres humaines avec force objets symboliques. Des ossements au pied de la croix aux têtes de mort en or et aux bagues des belles mondaines, le chemin des idées est complexe et long. L'exposition « C'est la vie ! Vanités de Pompéi à Damien Hirst » au Musée Maillol met en perspective les visions de différents artistes sur la mort, de Caravage à Georges de La Tour en passant par Géricault, Warhol et Hirst.

Aujourd'hui, dans notre société occidentale, la mort est désacralisée et la « grande faucheuse » banalisée tandis que le maître mot de notre population est le refus de vieillir et la recherche du jeunisme. C'est pourquoi et peut-être pour conjurer le sort qui cependant nous fait peur nous tournons en dérision les crânes et les têtes de mort, muant ces parties de notre corps en accessoires de mode aussi légers qu'éphémères. En résumé, on pourrait presque dire que c'est Halloween tous les jours tant les vitrines des magasins sont envahies par ces funestes objets. Pas un tee shirt, tricot, bijou qui n'y échappe.
La marque, Les Bijoux de Sophie, de Sophie Lévy, est la plus représentative des pièces de joaillerie où la tête de mort est omniprésente. S'inspirant du monde animal, la créatrice développe un univers d'antithèses où l'inquiétante étrangeté côtoie une banalité transfigurée. Dans toutes les matières, les couleurs, la tête de mort se pend autour du cou ou des oreilles, se ceint au poignet, pare un doigt.
De très nombreuses marques de vêtement du simple tee-shirt débardeur au pull cashmere trois fils affichent des crânes. Mais le morbide ou la dérision vont plus loin dans les masques de ski Julbo, les gourdes suisses à boire Sigg.

Mais la tête de mort la plus récente et peut-être la plus inédite est celle de Black XS pour elle de Paco Rabanne. Le couturier reprend les codes rock pour un flacon collector avec un jus qui ondule au rythme endiablé de quatre charms emblématiques. La femme Black XS est comme la fragrance envoûtante, piquante et impulsive avec des effluves de fleurs de tamarinier, de baies de poivre rose et d'airelles. Puis la construction du parfum se poursuit avec des fleurs énigmatiques, la violette noire, l'hellébore noire. Enfin, la puissance sensuelle est révélée par un bois exotique, du patchouli et de la vanille noire. Noire, profonde, l'idée de la mort habite les artistes et Rabanne n'y échappe pas, ce jus l'atteste.
Révoltante, blasphématoire, libératrice, provocatrice, bizarre : la tête de mort envahit notre univers quotidien et on n'est pas près de voir disparaître ces orbites vides qui remettent les choses à leur place. Le crâne nous rappelle l'inutilité des choses matérielles face à l'inexorabilité de la mort. Alors comme le dit le titre de l'exposition, c'est là la vie, il n'est donc pas étonnant de vivre avec ces têtes de mort.
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