Musée de Pont-Aven : « De Gauguin à Gromaire. La naissance d’un musée. »

Né en 1986, sans collections, de la volonté de particuliers amateurs de peinture et de 'l'école de Pont-Aven', 'L'association des Amis de Gauguin', le Musée de Pont-Aven présente l'exposition « De Gauguin à Gromaire.
La naissance d'un musée. » Parcours de cette exposition qui se tient jusqu'au 15 septembre 2012.




Parcours de l'exposition

Pont-Aven, terre d'accueil des artistes


Pont-Aven est une terre d'accueil des artistes depuis la seconde moitié du XIXe siècle. A cette époque, la Bretagne devient une région très touristique. L'arrivée du chemin de fer joue un rôle majeur dans ce sens: en 1862, la ligne Paris-Quimper est inaugurée.

Les premiers artistes venus peindre à Pont-Aven sont les Américains. En effet, bien avant la première venue de Paul Gauguin, en 1886, Pont-Aven avait acquis une renommée internationale.

En 1860, peu d'écoles d'art existaient aux Etats-Unis. Aussi, la formation était parachevée par un voyage en Europe. Le pionnier est sans doute Robert Wylie dont le musée conserve un autoportrait. Il accomplit son premier séjour en 1864 et sera inhumé à Pont-Aven en 1877. Peu à peu, la colonie américaine s'agrandit et les artistes
investissent le manoir de Lézaven, la pension Gloanec et l'hôtel Julia.

Cette première génération d'artistes, élèves de Gérôme, Bonnat ou bien encore Cabanel, est sensible à l'influence de Courbet. En venant à Pont-Aven, ils sont en quête de dépaysement, de plein air et préparent le salon dans l'espoir d'y être retenus afin de se faire connaître. Aux Américains s'ajoutent progressivement les artistes d'Europe du nord comme Marie Luplau qui a peint Le Bois d'Amour à Pont-Aven en 1883. Quelques années avant Paul Sérusier et son célèbre Talisman (conservé au musée d'Orsay), elle représente ce paysage dans une veine réaliste à la manière de Jules-Bastien Lepage.

Les artistes étrangers explorent aussi avec délectation une civilisation rurale intacte qui leur paraît exotique. Une entente exceptionnelle règne entre les artistes et les habitants: chambres, ateliers et modèles se trouvent sans problème. La qualité de l'accueil est une raison déterminante pour la fixation des colonies artistiques ici plutôt qu'ailleurs en Bretagne.

Les artistes de l'école de Pont-Aven

La rencontre d'Émile Bernard avec Paul Gauguin




Émile Bernard, élève à l'atelier Cormon, entreprend au printemps 1886 de découvrir la Bretagne. Il arrive à Pont-Aven à la fin de l'été et rencontre Paul Gauguin sur les conseils d'Émile Schuffenecker. Ce premier contact entre les deux hommes reste relativement « froid ». Gauguin est à Pont-Aven depuis juillet 1886.

Ce premier séjour est motivé par le désir de se consacrer entièrement à la
peinture et de trouver là une vie simple. Il cherche dans cette province « reculée » l'inspiration sachant répondre à ses envies de primitivisme. Il souhaite aussi fuir la vie parisienne, commençant à considérer la civilisation comme malsaine et corruptrice de la nature humaine.

Bernard et Gauguin se retrouvent deux ans plus tard et leur rencontre est cette fois-ci fructueuse. Émile Bernard montre à Gauguin Bretonnes dans la prairie verte (1888, collection particulière) qui pose les bases du Synthétisme. Gauguin explore les possibilités de cette technique et pousse plus loin les expériences du jeune peintre comme dans La Vision du Sermon, 1888 (Musée d'Edimbourg).

Les artistes sur le pont à Pont-Aven Collection Musée de Pont-Aven © DR
Portrait d'Émile Bernard Collection Musée de Pont-Aven © DR
Portrait de Paul Gauguin Collection Musée de Pont-Aven © DR

Le Synthétisme et ses caractéristiques

- abandon de la copie fidèle (jugée « servile ») de la réalité - création de l'œ,uvre d'après le souvenir du sujet que l'artiste garde en mémoire. L'œ,uvre
produite transcrit la vision subjective du peintre , elle reflète ses émotions au moment où il
l'a peinte
- aplats de couleurs pures
- absence de perspective, d'ombre et de modelé - technique du cloisonnisme avec le cerne
- composition géométrique qui élimine le détail et le superflu

Les débuts de l'école de Pont-Aven


A la Pension Gloanec, autour de Gauguin, gravite une colonie d'artistes : Charles Filiger, Meijer De Haan, Charles Laval, Roderic O'Conor, Emile Schuffenecker, Armand Seguin, Wladyslaw Slewinski...
Comme le précise plus tard Paul Sérusier : « Ce ne fut pas une école consistant en un maître entouré d'élèves, c'étaient des indépendants qui apportaient en commun leurs idées personnelles et surtout la haine de l'enseignement officiel ».

Les artistes vivent et peignent ensemble, leurs œ,uvres sont nourries par leurs échanges théoriques sur l'art. Le peintre acquiert avec eux « le droit de tout oser » selon les mots de Gauguin.

La leçon au Bois d'Amour

En septembre 1888, Paul Sérusier, élève à l'Académie Julian, séjourne à Pont-Aven. Avant de repartir à Paris, Gauguin lui donne une leçon de peinture dans le désormais célèbre Bois d'Amour. Sérusier exécute sous sa dictée un paysage du Bois d'Amour connu sous le titre Le Talisman (Musée d'Orsay, Paris) :
« De quelle couleur voyez-vous ces arbres ?
- Ils sont jaunes
- Et bien, mettez donc du jaune. Et cette ombre ?
- Plutôt bleue
- Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. Et ces feuilles rouges ? Mettez du
vermillon ».

Et encore : «Comment voyez-vous cet arbre ... Il est vert ? Mettez donc du vert, le plus beau vert de votre palette».

Rentré à Paris, Sérusier fait part de son expérience à ses amis de l'Académie Julian : Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels, Paul Ranson, Ker-Xavier Roussel, Édouard Vuillard. Cette œ,uvre et les idées qu'elle véhicule sont à l'origine du groupe des Nabis (Prophètes en hébreu).

Le 3ème séjour de Gauguin à Pont-Aven

Après un séjour difficile en Arles, chez Vincent Van Gogh, Gauguin revient à Pont-Aven en avril 1889. A l'atelier de Lezaven, qu'il loue, il peint trois œ,uvres majeures : Le Christ jaune (Albright Knox Art Gallery, Buffalo), d'après celui de la chapelle de Trémalo, Le Christ vert (Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles) inspiré du calvaire de Nizon et le portrait de La belle Angèle (Musée d'Orsay, Paris).

En mai 1889, en marge de l'Exposition universelle à Paris, Émile Schuffenecker présente au café Volpini l'exposition du « Groupe impressionniste et synthétiste ». Cette première manifestation du groupe de Pont-Aven permet la diffusion de ses concepts artistiques. A partir de l'été 1889, Gauguin et Sérusier sont à nouveau en Bretagne mais délaissent Pont- Aven pour l'auberge de Marie Henry (dite Marie Poupée) au Pouldu. Ils sont bientôt rejoints par Filiger, Meijer De Haan, puis l'année suivante par Slewinski, Henry Moret, Maxime Maufra et Émile Dezaunay. Comme à la pension Gloanec, ils y vivent en communauté dans un esprit d'émulation permanente.

Fortune critique de l'école de Pont-Aven

Dans un article paru en mars 1891 dans « Le Mercure de France », le critique d'art Albert Aurier sacre Gauguin « père du Synthétisme ». Émile Bernard, fâché de ne pas être reconnu, cesse toute relation avec Gauguin. Il s'éloigne du style synthétique tout en entreprenant, tout le reste de sa vie, à s'en faire reconnaître comme l'initiateur. Il se tourne alors vers un style classicisant. Symboliste, nabi, véritable théoricien de l'art moderne, Maurice Denis développe par ses créations l'héritage laissé par Paul Gauguin. Les leçons du Synthétisme transparaissent et rappellent, dans une partie de son travail, le tournant pictural qui s'est fait jour à partir de Pont-Aven. L'artiste retraite et personnalise, jusqu'à la théorisation, l'usage de grands aplats de couleurs et la simplification des formes.


Le 1er avril 1891, Gauguin embarque pour Tahiti : « Je pars pour être tranquille, pour être débarrassé de l'influence de la civilisation. Je ne veux faire que de l'art très simple, pour cela, j'ai besoin de me retremper dans la nature vierge, de ne voir que des sauvages, de vivre leur vie, sans autre préoccupation que de rendre, comme le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau avec l'aide seulement des moyens d'art primitif, les seuls bons, les seuls vrais ». Après Papeete (Tahiti), il s'installe à Mataiea (Tahiti) mais malgré une production artistique intense, il souffre de ne rien vendre. Il rentre en France le 30 août 1892.

L'adieu de Gauguin à Pont-Aven


En avril 1894, Gauguin entame son 5e et dernier voyage à Pont-Aven avec sa compagne Annah la Javanaise. Il retrouve à la pension Gloanec son cercle d'amis. Alfred Jarry s'y trouve au même moment et recopie dans le livre d'or trois poèmes en hommage à ses tableaux tahitiens. Mais Gauguin n'a plus qu'une idée en tête : quitter l'Europe pour s'installer définitivement à Tahiti. « J'ai pris une résolution, celle de m'en aller vivre pour toujours en Océanie. Je rentrerai à Paris en décembre pour m'occuper exclusivement de vendre tout mon bazar à n'importe quel prix ... Je pourrai alors finir mes jours libre et tranquille sans le souci du lendemain et sans l'éternelle lutte contre les imbéciles ».

Il quitte la France le 5 juillet 1895 , il meurt à Hiva Oa, île de l'archipel des Marquises, en Polynésie française, en 1903.

Pont-Aven après Gauguin

Après le départ de Gauguin, les membres du groupe de Pont-Aven s'éparpillent. Jan Verkade entre au couvent de Beuron (Allemagne), Mogëns Ballin abandonne la peinture et rentre à Copenhague, Henri Delavallée s'installe en Turquie. Certains restent en Bretagne comme Ernest Ponthier de Chamaillard, Charles Filiger, Émile Jourdan, Armand Seguin et Paul Sérusier.

Henry Moret, Gustave Loiseau et Émile Schuffenecker reviennent à un style plus impressionniste. Par leur créativité, les artistes de l'École de Pont-Aven ont permis à la ville de laisser son nom dans l'Histoire de l'Art. D'autres artistes se succèdent à Pont-Aven toujours attirés par la qualité des paysages et la variété des lumières. Les années 20-30 sont particulièrement fécondes et des artistes comme Daucho, Nelson, Clairin, Correlleau, Asselin perpétuent la tradition picturale à Pont-Aven tout en intégrant les préoccupations esthétiques initiées par Gauguin et Bernard, en leur temps. Ces artistes n'ont pas de lien direct avec l'École de Pont-Aven mais ont été inspirés par notre cité, se rassemblant pour beaucoup à l'hôtel de La Poste.


Ainsi, Geoffrey Nelson qui a étudié à la Slade School of Art à Londres, puis a exposé ses peintures au New English Art Club (1914- 1915) et à la Royal Academy en 1931, a fréquenté la Bretagne à partir des années 30 : il a peint en particulier des paysages à Pont- Aven et à Concarneau. Il a accompli plusieurs séjours à l'hôtel de la Poste à Pont-Aven où il s'est lié d'amitié avec la propriétaire Julia Correlleau. En mai 1939, ce peintre a fondé avec Mary et William Scott The Pont-Aven School of Painting, en quelque sorte, «la deuxième école de Pont-Aven ». Le principe était d'accueillir à l'hôtel de la Poste et à l'atelier d'Ernest Correlleau des étudiants auxquels étaient enseignés la peinture de paysage mais aussi la figure, la nature morte, la sculpture et le dessin. Nelson était alors le maître chargé du paysage. Toutefois, l'école fut de courte durée à cause de la guerre. En 1940, Nelson est arrêté par les Allemands et interné successivement dans différents camps. En mai 1941, alors qu'il séjourne à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, il échange une correspondance avec ses amis peintres Daucho et Asselin et meurt à Paris deux ans plus tard. Nelson aurait eu l'idée de la plaque commémorative à Paul Gauguin toujours visible à Pont- Aven.


Marcel Gromaire clôt le parcours de cette exposition. Le Musée de Pont-Aven avait consacré une exposition à cet artiste en 2001. Ami de Laboureur, Kickert et Makowski, il a sillonné la côte bretonne pendant quarante cinq ans. Artiste indépendant et personnel, il est reconnu très tôt et puise son inspiration dans des sujets liés à la nature, la femme, l'homme au travail. Ses peintures sont composées avec rigueur. La géométrisation et la simplification des formes caractérisent son style.


Voir la liste des 80 artistes présentés dans l'exposition en Document joint

- « De Gauguin à Gromaire.
La naissance d'un musée. »
- du 8 octobre 2011 au 15 septembre 2012
- Musée des beaux-arts de Pont-Aven, Place de l'Hôtel de Ville
29930 Pont-Aven/ Tél : 02 98 06 14 43 Fax : 02 98 06 03 39 /Web : www.museepontaven.fr
- Estelle Guille des Buttes-Fresneau, Conservateur du Musée des beaux-arts de Pont-Aven,
Commissaire de l'exposition /Camille Armandary, Adjointe au Conservateur du Musée des beaux-arts de Pont-Aven
- Accès :
RN 165, Gare TGV : Quimperlé, Aéroports : Lorient ou Quimper

- Mécénat, partenariat et subventions
L'exposition a bénéficié du soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne, du mécénat du Crédit Mutuel de Bretagne, de Britair et de Traou Mad.
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Par Nicole Salez

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