New York : architecture et urbanisme

New York, son architecture et son urbanisme. Rockfeller Center, Empire State Building, Chrysler Building, Central Park... autant de noms qui construisent, qualifient et représentent New-York aux yeux du monde. Avec Serge Legat, conférencier au Club de l'art, nous poursuivons notre périple dans cette ville dont Steibeck disait ' Elle est infatigable et son atmosphère est chargée d'énergie'.

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Manhattan



Même si les gratte-ciels ne sont pas nés à New-York, c'est pourtant la ville qui les représente le mieux , elle élabore, étape par étape, un style original de ce principe architectural qui sera une référence pour les architectes du monde entier.


Le temps des premiers gratte-ciels

Dès le début du 20ème siècle, les premiers immeubles en hauteur apparaissent, développant dès le départ une grande originalité architecturale :

Flat iron building

Le Flat Iron building, le”fer à repasser” est un des plus anciens gratte-ciel (1902) mais aussi un des plus étonnants de New-York. Il doit ce surnom à sa forme triangulaire, très particulière, très en pointe. Il est situé sur ce que l'on appelle Madison Square, à l'intersection de trois grands axes : Broadway, la 5ème avenue et la 23ème rue, ce qui explique sa forme puisque Broadway est la seule avenue à ne pas couper les autres axes à angle droit.

Son architecte, David Hudson BURNHAM a fait le début de sa carrière à Chicago (ville d'origine du gratte-ciel) puis il est venu à New-York. Une vingtaine d'étages, 87 m de haut, sa structure est métallique et recouverte de pierre à l'image de ce qui se construit en Europe à la même époque (gare d'Orsay, 1900). Le style s'inspire du passé et de la tradition européenne, c'est un style historiciste. Ici la référence avouée est la renaissance florentine : grandes arcades du dernier étage, bossage de la façade comme sur les grands palais florentins.

Ce bâtiment est très révélateur de ce premier âge d'or du gratte-ciel que va connaître New-York. Il a pourtant fait scandale en particulier le jour de son inauguration où une foule de messieurs se pressait pour voir se soulever les jupons des dames dans les violents courants d'air provoqués par l'intersection des trois axes , la police dut intervenir !...

Saint Patrick à New York : gothique flamboyant


• La cathédrale Saint Patrick est la cathédrale catholique de New-York, dédiée en 1910 au saint patron de l'Irlande. Elle est construite de 1858 à 1879, date à laquelle elle est inaugurée, cependant les travaux se poursuivront par l'édification des clochers vers 1885-1888. C'est en 1850 une idée de l'archevêque John HUGUES mais les plans seront réalisés par James RENWICK Junior. Très critiquée au départ pour son éloignement du centre, elle l'est aujourd'hui toujours car elle se trouve au cœ,ur du monde de l'argent, dans le quartier le plus riche de la ville.

La cathédrale est une réplique parfaite d'une cathédrale européenne de style gothique flamboyant. Elle en utilise tout le vocabulaire architectural et ornemental, même si certains éléments n'ont plus aucun rôle structurel : ainsi les arcs-boutants ne soutiennent plus rien, la voûte en plâtre étant très légère, et n'ont qu'une fonction esthétique. Façade, élévation de la nef, voûtement du choeur, très beaux vitraux, rosace surmontant le buffet d'orgue, c'est une belle réalisation qui traduit la cohérence de ce monde catholique new-yorkais avec les schémas de l'ancien monde. En 1901-1909, une chapelle de la Vierge est ajoutée à l'extrémité du chœ,ur. La cathédrale, pourtant de très grande dimension, semble totalement dominée par l'architecture environnante.

L'ITT World Communications building, construit en 1927 a été conçu par l'architecte Ely Jacques KAHN et réalisé par Louis S. WEEKS. Il a 33 étages et abritait les 120 000 m² de bureaux de la compagnie du téléphone et du télégraphe. On y retrouve toujours les retraits successifs des étages supérieurs ainsi que le goût du pastiche qui mélange ici renaissance italienne et française.

Etape par étape, l'architecture du gratte-ciel va évoluer vers une originalité véritable, abandonnant peu à peu les références au passé de l'ancien monde :

• Le New-York Life Insurance building (1928) présente encore quelques références historicistes, sa structure est métallique sous un décor en pierre, mais son toit est d'une nouveauté étonnante, couvert d'une épaisse dorure. Il est l'œ,uvre également de Cass GILBERT. Dans une symbolique typiquement américaine l'architecture sert d'image publicitaire : le toit doré est le signe que la compagnie d'assurances a les reins solides et que l'on peut donc lui faire confiance. De nuit, l'image du toit illuminé est magnifique et participe à la beauté de ces magnifiques vues nocturnes de New York.


Le style art-déco

New York : l'Empire State Building et le Chysler Building


L'Empire State building (1930) est le symbole du gratte-ciel new-yorkais. Il est construit en un temps record, 18 mois, à partir d'éléments préfabriqués , son ossature métallique est montée en 23 semaines.

Les chiffres concernant le bâtiment sont ahurissants : 102 étages, 381 m de haut, 6 500 fenêtres, 60 000 tonnes d'acier, 10 millions de briques, un poids total de 365 000 tonnes qui repose sur 200 piliers d'acier et de béton dans les fondations.

C'est un collectif d'architectes qui réalise la construction dont il faut retenir un nom : William LAMB. Par la suite, le building est couronné d'un mat de 60m de haut qui est destiné à l'amarrage des dirigeables (on envisageait même une passerelle pour permettre aux voyageurs de descendre !..). Cette idée étonnante et bien peu réaliste montre combien l'on pouvait rêver à l'époque d'un monde en apesanteur.

Ce nouveau gratte-ciel est bien sûr le plus haut du monde au moment de sa construction et il est couvert de récompenses. Inauguré en 1930, il fait malheureusement les frais de la grande crise économique , personne ne veut le louer et il reçoit très vite le surnom « d'empty state building ». Il est sauvé de la faillite par les observatoires construits dès l'origine à son sommet qui reçoivent de nombreux visiteurs. Par la suite, les locataires viendront.


Nerw York : le Chrysler Building

Quelques mois auparavant un autre bâtiment a vu le jour dans le ciel new-yorkais : le Chrysler building (1930). 319 m de haut, 77 étages, il est le plus haut du monde pendant quelques mois à peine car il très vite détrôné par L'Empire State building.

Selon un sondage réalisé en 2000 auprès des New-yorkais et leur demandant de classer les gratte-ciel par ordre de préférence, il arrive en première position, alors que lors de son achèvement il essuie de nombreuses critiques.

En outre, le commanditaire, Walter Percy CHRYSLER se brouille avec l'architecte, William VAN ALEN (1883-1954), et refuse de le payer, l'accusant d'avoir reçu des pots de vins de la part des entrepreneurs. VAN ALEN ne rentrera jamais dans ses fonds et sa carrière sera ruinée.

La caractéristique du bâtiment est la flèche d'écailles verticale qui le couronne et sa couverture extraordinaire faite d'éléments métalliques rappelant les carrosseries des voitures qui ont fait la fortune de Chrysler depuis sa fondation en 1925. C'est un remarquable exemple de ce nouveau style, art déco, qui fait fureur à l'époque. La vue de nuit est magique et l'on comprend l'engouement de la population new-yorkaise.

Rockfeller center et Central Park

Rockfeller Center : Atlas et Prométhée


• Le Rockefeller Center qui s'étend au pied de ce dernier gratte-ciel est un ensemble de plusieurs bâtiments (14 au départ, 20 aujourd'hui), reliés par des esplanades. C'est un des espaces de respiration de New York, un grand complexe culturel et commercial mais aussi un lieu de promenade.

Raymond HOOD (1881-1934) est le concepteur de cet espace et c'est lui qui coordonne le collectif d'architectes présents sur le projet. Pour lui, il s'agit de concevoir, selon une idée moderniste, une ville où tout est prévu si bien que l'on n'a pas besoin d'en sortir : travail, culture, commerce, promenade. Il nomme cela « l'architecture de la congestion » et veut créer « une nouvelle Babel ».

Cet ensemble est le fruit du mécénat total de John D. ROCKEFELLER Junior, philanthrope qui vit dans la grande idée de faire le bonheur des gens. Le Radio City Hall s'y installe en 1932 , l'espace est complété par la suite puisqu'il comprend maintenant 20 immeubles.

La grande esplanade qui sert de terrasse aux cafés l'été et de patinoire l'hiver est ornée d'une très belle sculpture de Paul MANSHIP représentant Prométhée. Le thème est symbolique : Prométhée est Chrysler Building, celui qui donne le feu aux hommes et, par là, un nouveau moyen de vivre , c'est exactement ce que veut faire le concepteur du Rockefeller Center.

Le style est typiquement art-déco ainsi que toute l'ornementation et la décoration du centre. De nombreux artistes y travaillent. Une figure de la Sagesse couronne une des entrées. Elle est l'œ,uvre de Lee LAWRIE comme l'est également cette statue d'Atlas supportant le monde devant l'International building : puissance, simplification des formes, on peut faire un parallèle avec BOURDELLE. D'autres figures décorent les bâtiments, la Paix, Mercure, la Fertilité, selon un vocabulaire symbolique tiré de la mythologie ou de l'allégorie, mais toujours avec une connotation positive. On est au lendemain du grand marasme économique et l'on veut croire à un avenir meilleur. C'est le lieu de New York où l'on sent le mieux que l'architecture, la décoration et l'organisation des espaces sont vraiment fondées sur un programme intellectuel.

Central Park

• Mais le véritable poumon vert de New-York, c'est Central Park. Conçu en 1858 par Frédéric LAW OLMSTED et surtout Calvert VAUX, il prend la place d'espaces plus ou moins à l'abandon (carrières, porcheries, bidonvilles). 340 ha de parc sont créés avec un apport colossal de terre, 500 000 arbres de nos jours, des étendues d'eau, une flore extraordinaire.

Une vue de 1863 nous montre le Central Park de l'époque, conçu dès l'origine comme nous le connaissons aujourd'hui. Le Bow bridge est un des sept ponts de fonte, il est dû à Calvert VAUX. C'est un endroit de détente et de plaisir cher au cœ,ur des New-yorkais, où la sécurité est plus grande qu'il y a quelques années et où les célèbres écureuils s'ébattent en liberté. Le contraste entre l'océan de verdure et les gratte-ciel qui l'entourent est saisissant.

Il n'y a pas que des gratte-ciel à New-York et la ville propose aux promeneurs d'autres bâtiments de dimensions plus modestes : les brownstones sont des maisons particulières du XIXème siècle qui sont en fait des petits immeubles d'habitation. Elles sont nombreuses dans les quartiers résidentiels, en particulier à Chelsea et doivent leur nom à leurs façades recouvertes de grès brun, très utilisé à l'époque. On le faisait venir des carrières de la vallée du Connecticut ou des rives de la Hackensack dans le New Jersey.

Ces maisons sont étroites mais souvent profondes et offrent de beaux volumes d'habitation. On accède à un perron par quelques marches et l'on pénètre dans ce qui était le logement des maîtres , les domestiques avaient au contraire à descendre un petit escalier sous le perron. Les brownstones sont très recherchées de nos jours.

New York : Time Square

New-York la nuit offre un spectacle incomparable. Une des meilleures illustrations est Times Square avec sa débauche de néons et de publicités lumineuses. C'est une sorte de symbole, un passage obligé des visiteurs. En 1899, Oscar HAMMERSTEIN fit construire deux salles de spectacle, le Victoria et le Républic dont le succès sera l'origine de ce célèbre quartier de cinémas, de théâtres et de comédies musicales, le long de Broadway.

Le nom de Times Square vient de l'installation en 1904 de la tour du journal New-York Times. Les bureaux ont déménagé maintenant mais il reste les bandes lumineuses sur lesquelles défilent les nouvelles. N'oublions pas qu'il s'agit aussi de l'endroit par excellence où les new-yorkais viennent fêter le nouvel an.

Les dernières années du XXème siècle

Au cours de la première partie du XXème siècle nous avons donc vu s'élaborer à New York, étape par étape, un style proprement original, libéré des influences de l'ancien monde et souvent teinté d'utopie. Cependant la ville continue de se construire et l'on peut s'interroger sur l'évolution plus récente de l'architecture des gratte-ciel.

• Commençons en 1978, avec le Citicorp building, construit par l'architecte Hugh STUBBINS. Ce bâtiment est très révélateur de la dernière période de l'architecture new-yorkaise : le style post-moderne. C'est le triomphe de la géométrie avec ici la forme originale, biseautée du toit (cette forme triangulaire est à l'origine utilitaire : il s'agit de capteurs solaires). Ce style se caractérise également par une insistance sur les rythmes dans l'ornementation des façades : sur cet immeuble, il y a une forte accentuation sur l'horizontalité par des bandes horizontales qui viennent contrecarrer la verticalité du bâtiment. Tout élément décoratif vertical est supprimé. On aboutit à un bâtiment d'une grande sobriété, au purisme architectural.

• Un autre bâtiment voisin, le Sony building (1979, autrefois A T and T building) décline une autre vision du post-modernisme : après la recherche de l'épure, voici la théâtralité. L'architecte, Philip JOHNSON, réalise une façade en granit rose, très beau matériau mais très coûteux qui se termine en hauteur par un fronton triangulaire muni d'une échancrure circulaire , les mauvaises langues disent qu'il a réinventé la commode Chippendale !... Il y a également un très joli jeu de rythmique dans les fenêtres, accusant l'horizontalité. Ce gratte-ciel est un des préférés des new-yorkais , il arrive en bonne position dans le fameux classement de 2000.

• A l'opposé, voici un immeuble que les habitants de New York aiment peu , la Trump tower, construite en 1983 par Der SCUTT. Elle est pour eux le symbole d'une architecture tape-à-l'œ,il, assez « nouveau-riche », une cathédrale du capitalisme triomphant. De l'extérieur ce n'est qu'un grand bâtiment de verre mais c'est surtout l'intérieur qui fait montre d'un luxe tapageur. Les six premiers niveaux sont constitués d'un immense atrium de marbre rose et de dorures, avec des jeux d'éclairage spectaculaires, dans lequel sont installées des boutiques de luxe. Les appartements des étages atteignent des loyers faramineux. C'est le reflet d'un univers très people, trop brillant, d'un monde uniquement voué à l'argent.

Certes New York est un lieu de référence quant à l'évolution de l'architecture des gratte-ciel et demeure à la pointe de l'architecture moderne. Cela nous amène à conclure sur la difficulté que l'on a parfois à New York, à saisir la place de l'homme.

Lors des tentatives utopistes comme au Rockefeller Center, l'homme était intégré dans le résultat du programme architectural mais de nos jours il est trop souvent noyé dans l'immensité d'une architecture qui n'a qu'une seule finalité : montrer la puissance de l'argent.

Le paradoxe de cette ville fascinante a été fort bien décrit par John STEINBECK en 1953 : « Son climat est un scandale, sa politique utilisée pour faire peur aux enfants, sa circulation est pure folie, sa compétition meurtrière. Mais une chose demeure : une fois qu'on a vécu à New-York et qu'on en a fait sa ville, aucun autre endroit ne la vaut. Tout y est concentré : population, théâtre, art, littérature, édition, affaires, meurtre, agressions, luxe, pauvreté. Elle est l'ensemble de toutes choses. Elle continue toute la nuit. Elle est infatigable et son atmosphère est chargée d'énergie. ». C'est exactement ce qui caractérise New-York : ce supplément d'énergie.

Serge Legat


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--Le rayonnement artistique de New-York
--New-York et ses lieux de culture

-Conférence de Serge Legat : le 15 novembre 2010
- Le Club de l'art. Tel : 01.42.46.46.68
-http://www.leclubart.com/index.php



Par Elsa Menanteau

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