Sandrine Roudeix, et ”Les Petites Mères”

Le cercle infernal de la répétition

Pour son deuxième roman 'Les Petites Mères', Sandrine Roudeix a reçu le prix 'L'Autre Page' remis par un groupe de psychanalystes. Elle met en scène quatre générations de femmes d'une même famille confrontées, chacune en son temps, au même scénario d'abandon. Elle est le dernier maillon de cette chaîne. Portrait.


Sandrine Roudeix

« Je suis exactement là où j'avais envie d'être : l'écriture et la photographie. J'ai trouvé mon équilibre ». Nous avions rendez-vous dans un café, en face du marché des Batignolles. Sandrine Roudeix arrive, souriante, gracieuse, volubile. Le prix « L'Autre Page» lui est décerné par un groupe de psychanalystes pour son livre « Les Petites Mères »(Flammarion). Cette reconnaissance par des professionnels, « un public exigeant », prend pour Sandrine Roudeix, un sens profond, qui va bien au-delà d'un prix littéraire.

Ce roman, le deuxième après « Attendre » publié en 2010, chez Flammarion également, retrace l'histoire de quatre femmes, quatre générations, qui ont vécu un drame similaire. Même si les circonstances étaient diverses, mère, grand-mère, aïeules ont toutes été abandonnées par leur compagnon, les laissant en charge d'une fille. Une sorte de malédiction répétée à travers le temps.

La dernière, Rose, 23 ans après avoir pris ses distances avec sa famille, veut lui présenter son fiancé. Parviendra -t'elle à rompre le cercle infernal de la récidive ? Dans la perspective du dîner qui réunira les quatre femmes et l'amoureux, un homme bien sous tous rapports, Sandrine Roudeix fait parler chacune d'elles. Monologues.

Avec ses mots et ses expressions, sa culture et son histoire, ses ambitions et ses frustrations, Rose, Babeth, Fernande et la « vieille-en-sucre » tour à tour, chacune remonte son passé, s'adresse aux autres absentes, la fille, la mère... Dans ce monde du silence, fait d'incommunicabilité, de tensions, de reproches, de violences, de manipulations, où les regards tuent, Sandrine Roudeix joue les variations sur un même thème : la mère, inconsciemment, fait porter à sa fille la responsabilité de son échec, le départ de l'homme aimé.

Pour Sandrine Roudeix, le prix « L'Autre Page » constitue l'aboutissement d'un long travail. Quelque vingt années pour trouver sa vraie place. A 37 ans, cette jeune et jolie écrivaine est passée par les maths, une prépa HEC, une école supérieure de commerce, le marketing chez un éditeur, le théâtre, la peinture, la presse... Elle qui dit adorer les livres, a réussi à se débarrasser d'oripeaux . « J'avais envie d'arriver à être moi-même, ne plus subir les pressions de la famille, de l'argent. Je me suis libérée par l'écriture ».

« Les Petites Mères » comme « Attendre », traduisent pour partie la propre histoire de Sandrine Roudeix, enfant « accident », non désirée mais gardée, un père trop jeune qui disparaît avant sa naissance, « une mère qui ne m'a pas bien aimée quand j'étais une enfant »... A 12 ans, elle lit « Les mots pour le dire » de Marie Cardinal et en sort bouleversée, même si elle n'a alors, pas tout compris.

Rose-Sandrine... notre conversation glisse aisément de l'une à l'autre, l'une étant le miroir de l'autre. Dans le roman, Rose et sa mère se parlent très peu. Un coup de téléphone tous le deux mois, un échange de banalités et de généralités. On n'a rien à se dire. On ne peut rien se dire. Pas de mots, pas de sentiment exprimé, pas de vecteur de communication. Juste un petit signe de vie. « J'avais d'ailleurs peur de la réaction de ma mère à la lecture du livre, que je ne lui ai donné qu'une fois publié » se souvient Sandrine. « J'ai été surprise. Elle a compris que j'avais cherché à la comprendre, à expliquer le pourquoi de notre passé, sans la juger. Depuis, nous nous téléphonons toutes les semaines. »

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-«Les Petites Mères», par Sandrine Roudeix
-Ed. Flammarion
-Prix 15€



Par Elsa Menanteau

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