Versailles : Splendeur de la peinture sur porcelaine. Charles Nicolas Dodin (1734-1804)

Le château de Versailles présente la première exposition consacrée à Charles Nicolas Dodin (1734-1804), sans conteste le plus talentueux des peintres de la manufacture de porcelaine de Vincennes-Sèvres. Plus de 150 chefs-d'oeuvre jusqu'alors dispersés au gré des plus grandes collections du monde sont ainsi rassemblés jusqu'au 9 septembre 2012 dans les appartements de Madame de Maintenon et la salle des Gardes du Roi.


Portrait au centre : Madame Victoire à Fontevrault Jean Marc Nattier (1684-1766). Huile sur toile, 1748 Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon / Juste en dessous du portrait: Garniture de trois vases à fond vert, Charles Nicolas Dodin (1734-1803), Manufacture de Sèvres, 1772, Porcelaine tendre / Pour le deuxième en partant de droite et gauche: Paire de vases « flacon à cordes » à fond vert et à décor de pastorales Charles Nicolas Dodin. Manufacture de Sèvres, 1772, Porcelaine tendre / Pour le premier en partant de droite et gauche: Vase « bouc à raisins » à fond vert, Charles Nicolas Dodin, Manufacture de Sèvres, 1770, Porcelaine tendre


Les œ,uvres de Charles Nicolas Dodin, un des peintres les plus doués de la Manufacture royale de porcelaine au XVIIIe siècle, ont été, de son vivant comme au siècle suivant, recherchées par les plus grands amateurs de porcelaine.

L'exposition qui lui est consacrée vise à mettre en évidence à la fois son évolution artistique, la diversité de ses sources d'inspiration et l'habileté avec laquelle il sut s'adapter à l'évolution des goûts et des modes. Au long de ses quarante-neuf années à la Manufacture royale de porcelaine, il a conjugué avec talent aussi bien le style rocaille le plus affirmé que le néo-classicisme le plus abouti.

Son extrême habileté, sa rapidité d'exécution et son inventivité lui valent de contribuer très précocement aux commandes les plus exceptionnelles reçues en son temps par la Manufacture. Ses œ,uvres figurent très tôt dans les plus grandes collections d'œ,uvres d'art de son époque (celles de Louis XV, Louis XVI, Madame de Pompadour, Madame Du Barry ou encore Catherine II de Russie). Ses porcelaines sont également offertes en cadeaux diplomatiques, notamment au roi Christian VII de Danemark, à la comtesse du Nord ou au duc de Saxe-Teschen.

Vase pot-pourri « gondole » à fond vert 1756


L'exposition présente plus d'une centaine d'œ,uvres, mais aussi des documents d'archives, des gravures, des portraits de commanditaires, la réunion exceptionnelle d'une douzaine de tableaux peints sur porcelaine, et des pièces de service réalisées pour Catherine II de Russie et Louis XVI à Versailles, reflets de la grande diversité du travail de l'artiste et de la Manufacture.

Cet événement bénéficie de prêts en provenance des plus grandes institutions comme les collections royales d'Angleterre, du Danemark, le château royal de Varsovie, le Metropolitan Museum of Art de New York, le musée de l'Ermitage à Saint Pétersbourg, le Musée du Louvre, le Detroit Museum of Art, le Philadelphia Museum of Art et le Getty Museum de Los Angeles. Plusieurs collections particulières internationales contribuent également par leurs prêts à dévoiler des œ,uvres méconnues de Charles Nicolas Dodin au grand public. Ces prêts illustrent la qualité des commanditaires des œ,uvres de Dodin au XVIIIe siècle et la notoriété dont il jouit encore aujourd'hui.

Pour la première fois, des pièces exceptionnelles sont réunies, notamment des garnitures de vases dispersés au XIXe siècle. Cette exposition est également une occasion unique d'admirer des plaques, dites « tableaux » dans les documents du XVIIIe siècle. Enfin, les gravures et tableaux permettent d'évoquer les sources de l'artiste et d'illustrer l'évolution du goût de son temps.


Des sources d'inspiration diverses

À ses débuts, Charles Nicolas Dodin peint essentiellement des amours en camaïeu ou en polychromie, d'après les œ,uvres de François Boucher. Il est ensuite attiré par les s ujets flamands ou hollandais , inspirés notamment des gravures de Le Bas d'après les œ,uvres de David Téniers le Jeune, témoignant à sa manière du goût de son temps pour les écoles du Nord.

Vase pot-pourri «à dauphin» ou « fontaine » d'une paire à fond bleu et vert


De 1760 à 1763, l'artiste exécute des décors chinois , illustrant le goût persistant pour la Chine dans les arts décoratifs au XVIIIe siècle. C'est aussi à cette période que le peintre innove puisqu'il est le premier artiste de Sèvres à peindre des plaques en porcelaine destinées à être accrochées au mur et encadrées comme de véritables toiles.

Ces chefs-d'œ,uvre, fruits d'une véritable prouesse technique, témoignent du souci des contemporains de pérenniser la peinture de chevalet dans un matériau inaltérable. Par ailleurs, Charles Nicolas Dodin a répondu à la mode lancée par le marchand mercier parisien, Poirier, qui commanda à Sèvres des plaques de porcelaine tendre, destinées à orner des meubles, des pendules, des baromètres et de petites boîtes. Grâce au prêt exceptionnel du musée du Louvre, la présentation à Versailles de la commode à plaque de porcelaine exécutée par l'ébéniste Martin Carlin pour Madame du Barry, est un événement majeur.


À partir de 1763, Charles Nicolas Dodin peint des scènes de genre ou des sujets extraits de la mythologie et de l'histoire antique, d'après les plus grands maîtres de son siècle : Boucher, Oudry, Carle van Loo, Drouais, Eisen, Greuze, Fragonard, Moreau le Jeune et Lagrenée.

À la fin de sa carrière, période tourmentée par la Révolution française, l'artiste réalise de beaux décors mythologiques ou des allégories républicaines, tout en poursuivant jusqu'en 1792, l'exécution des pièces du s ervice de Louis XVI et de pièces armoriées.

L'œ,uvre de Charles Nicolas Dodin connaît la postérité dès le XIX siècle. Alexandre Brongniart, directeur de la Manufacture de porcelaine de Sèvres , dit de lui qu'il est « un peintre exceptionnel de première classe ». Il célèbre son « talent et son exactitude » et loue celui qui est « un de ceux qui faisait le plus d'honneur et de profit à la Manufacture ».

Cette exposition inédite consacrée à Charles Nicolas Dodin s'inscrit après « Versailles et les tables royales en Europe », « Quand Versailles était meublé d'argent » et « Fastes de cour et cérémonies royales » dans la suite de celles qui apportent un regard renouvelé sur « l'art de vivre » qui se dessinait à Versailles.

- Commissariat : Marie-Laure de Rochebrune, Conservateur chargé des collections d'objets d'art au château de Versailles.


Vidéo



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La manufacture royale de porcelaine de Vincennes

La création de ce qui fut l'une des plus célèbres manufactures européennes de porcelaine au XVIIIe siècle eut lieu en 1740, dans la quasi clandestinité d'une tour du château de Vincennes, sous la houlette de personnages fort peu recommandables. Mais, malgré des débuts difficiles, grâce à l'appui constant de Louis XV, la manufacture de Vincennes atteignit et dépassa très vite son objectif : concurrencer les productions de la manufacture de porcelaine de Meissen, créée en 1710 par l'électeur de Saxe et roi de Pologne, Auguste le Fort (1670-1733).

Dans la première moitié du XVIII siècle, la porcelaine était considérée comme une matière particulièrement précieuse, un véritable or blanc . La fondation d'une manufacture de porcelaine à Vincennes, placée sous la protection du souverain, relevait d'une double ambition : freiner l'hémorragie de devises due à l'importation massive dans le royaume de porcelaines chinoises ou allemandes et créer
une entreprise prestigieuse pour le pouvoir royal. Louis XV la soutint
dès sa première année d'existence et contribua de multiples façons à son développement et à son rayonnement.

L'établissement put ainsi prendre le nom de Manufacture
royale
en 1753. Cette même année, on commença à dater les pièces décorées avec une lettre-date : A pour 1753, B pour 1754, C pour 1755 et ainsi de suite.


L'installation de la Manufacture à Sèvres en 1756

« J'ai vu en passant à Sèvres la magnifique folie d'une nouvelle manufacture pour la porcelaine française, façon de Saxe... », marquis d'Argenson, 1755.

Pour diverses raisons, en 1752, les dirigeants de la Manufacture décidèrent de son déménagement de Vincennes à Sèvres.

La marquise de Pompadour joua un rôle décisif dans ce choix, ayant bien perçu l'intérêt du transfert des ateliers dans ce village situé sur la route de Paris à Versailles, souvent empruntée par les parisiens et les courtisans et également très proche du château de Bellevue, sa résidence préférée.
Le déménagement eut lieu à la fin de l'été 1756. L'entreprise comptait alors un peu plus de deux cents employés.

À partir de 1756, la Manufacture se lança dans une production de plus en plus somptueuse. Les nouvelles formes inventées par Duplessis et la riche palette de couleurs employée sur les décors dépassèrent les premiers objectifs des dirigeants.

Deux nouveaux fonds de couleur sur pâte tendre furent créés peu après le déménagement à Sèvres, le rose et le petit vert.

À partir de 1758, Louis XV décida que la production de Sèvres serait exposée tous les ans dans trois pièces de son appartement intérieur, à Versailles, en particulier dans la salle à manger dite aux salles neuves et dans la salle de billard.




- Splendeur de la peinture sur porcelaine. Charles Nicolas Dodin et la manufacture de Vincennes-Sèvres au XVIIIe siècle
- Du 16 mai au 9 septembre 2012,
- Musée National du Château de Versailles - Versailles- appartements de Madame de Maintenon et salle des Gardes du Roi
- Horaires d'ouverture :
Tous les jours, sauf le lundi, de 9h à 18h30 (dernière admission à 18h).
- Billets et tarifs. L'audioguide, qui contient une introduction à l'exposition, est inclus dans le billet.
- Accès : L'accès se fait par l'entrée principale du Château.
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Lire également : Charles Nicolas Dodin : Vie et carrière



Par Nicole Salez

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