Arte avait, en décembre dernier, consacré une soirée à La Face cachée des fesses, au travers d'un documentaire écrit et réalisé par Caroline Pochon et Allan Rothschild. Un vrai succès puisque ce documentaire connut la meilleure audience 2009 pour Arte et se prolongea par la publication d'un livre. Aujourd'hui, un ouvrage consacré, cette fois, au Culte des seins par les mêmes auteurs sort en librairie.
Rencontre avec Caroline Pochon.
Avant de parler de votre second livre et donc des seins, pourquoi le choix de ce thème - assez inattendu - des fesses ?
- Je vis une passion pour l'Afrique, et je crois que j'ai intégré la fascination que les Africains éprouvent pour cette partie du corps, le tatu. Là-bas, tout du moins au Sénégal que je connais bien, la danse, la démarche, la façon qu'ont les femmes de se servir de leurs fesses et la manière qu'ont les hommes de les regarder est un jeu culturel parfaitement admis. Une manière de se mettre en scène et de se laisser regarder.
Hommes et femmes, nous avons tous des fesses...
- Bien sûr, et des enquêtes prouvent que les femmes sont souvent troublées par cette partie du corps des hommes. Raison pour laquelle la publicité, aujourd'hui, joue si souvent l'ambiguïté. Regardez, par exemple, la pub pour Dim Homme, ouvertement conçue à partir d'une imagerie gay, et qui rejoint pourtant les fantasmes de beaucoup de femmes à propos du corps des hommes.
...tandis que les seins semblent d'évidence l'attribut des femmes
- C'est pourquoi nous avons voulu explorer leur double nature, entre maternité et sexualité. C'est la trame du livre. Dans notre approche, qui mêle histoire de l'art, psychanalyse, sociologie et sémiologie, nous constatons que le corps féminin fut pendant longtemps représenté comme objet de désir par des artistes qui étaient tous des hommes. Or, en tant que femme, ce qui m'intéresse, c'est comment notre désir féminin est représenté. Il est récent que des artistes, des poètes, des auteurs s'attachent à représenter la femme vue de l'intérieur. Pas uniquement pour protester contre le regard des hommes, mais vraiment pour exprimer ce que nous, les femmes, nous ressentons, ce qui a été occulté pendant des siècles.
Compte tenu de vos sexes respectifs, diriez-vous que votre approche avec votre co-auteur est différente ou complémentaire ?
- Allan travaille beaucoup par recherche iconographique, par intuition. Il a un imaginaire très visuel, alors que je préfère me plonger dans la littérature et en extraire la « substantifique moelle » pour la rendre accessible au public. Allan affirme que je suis moins féministe que lui. C'est sans doute vrai. Mais il n'en reste pas moins que nous avons des choses à dire, nous les femmes, qui ne sont qu'à nous. C'est suffisamment difficile pour une femme de s'affirmer dans le milieu professionnel. J'en sais quelque chose, moi qui, bien qu'issue de Science Po et de la Fémis (1), puis réalisatrice de films, fus « nègre » pendant très longtemps avant de pouvoir signer ce que je pense et je dis. Et même si un homme est très féministe, cela ne remplace pas l'expression d'une femme sur ce qui la concerne.
Et le sein en Afrique ? Vous dites qu'il évoque la mère et non l'attribut sexuel, pouvez-vous préciser, vous qui avez tourné un film là-bas ?
- On voit encore beaucoup de femmes au Sénégal qui ne portent pas de soutien-gorge, ou portent de très larges échancrures qui laissent apercevoir un de leurs seins, sans que ce soit érotisé. De la même façon, les femmes allaitent en public sans la moindre gêne. C'est que le jeu du montré-caché ne se situe pas autour du sein. L'érotisme, je le répète, se situe traditionnellement autour de la taille, des hanches et des fesses. Ceci dit, les jeunes femmes sénégalaises, influencées par la mondialisation des modes, portent de plus en plus souvent des soutien-gorge bien rehausseurs pour mettre en évidence leur poitrine. Résultat, elles sont sexy de partout !
Le culte des seins
- Caroline Pochon et Allan Rothschild
- Democratic Books. Collection L'Art vu autrement
- 270x210 mm broché. 264 pages.
- 29,95 euros.
La face cachée des fesses. Même collection. Même prix.
(1) Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son
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