Caroline Simonds, Clown hospitalier

Femmes d'exception.  Avec Caroline Simonds nous poursuivons les portraits consacrés à des parcours hors du commun. Ecrivains, créatrices, artistes, entrepreneures, elles agissent en portant un regard humaniste sur le monde .

Rencontre avec une artiste hors norme - 1m 84,5 ! Caroline Simonds, alias Docteur Josette Girafe, est la fondatrice et directrice du Rire Médecin, une association de soixante-dix clowns professionnels qui se produisent toute l'année dans 32 services pédiatriques de 13 hôpitaux en France. Son but : aider les enfants malades à retrouver le sourire et leur rappeler que la vie ne fait pas que des mauvaises blagues. Une vraie perfusion de bonne humeur pour les enfants et leurs parents, comme pour les soignants.

 

Caroline Simonds 'inclownito'

-La France, Caroline Simonds l'a toujours aimée, bien avant même l'été de ses 16 ans où elle y est venue comme jeune fille au pair. Elle y reviendra plusieurs fois avant de s'y installer définitivement au début des années 90. «Camembert et Baudelaire m'inspiraient bien!»
À Washington, sa ville natale, Caroline commence par des études de médecine, mais vire rapidement au théâtre et à la musique. « Je voulais être compositrice et j'étais à la recherche de maîtres : dans ma petite tête naïve d'amerloque, les maîtres ne se trouvaient qu'en Europe! Tout naturellement, je suis devenue mime et clown, je voulais maîtriser ce grand corps désordonné et maladroit. » Le mime Etienne Delcroux, la compositrice Betsy Jolas, le flûtiste Michel Debost et Tudor Bono, acrobate, la prendront comme disciple.

Alias Docteur Josette Girafe

Pitre féerique et zoologique

À 21 ans, avec trois T-shirts, sa flûte et une queue de pie pour simple bagage, Caroline, 'pitre féerique et zoologique' comme elle aime à se désigner, s'installe en France pour de bon. Elle y rencontre Jules Cordière, fondateur du théâtre de rue 'le Palais des merveilles'. Après dix ans de vie commune et de tournées, elle rentre aux Etats-Unis avec sa fille Lailah et fonde alors sa compagnie de théâtre de rue. Dans la peau de Miss Lily Ratapuce, elle créera des spectacles qu'elle fera vivre dans le monde entier.

'La girafe me permet de m'exprimer à fond!'

-C'est en 1987 qu'elle entend parler du métier de clown à l'hôpital:
« Des clowns du Big Apple Circus se rendaient deux fois par semaine dans les hôpitaux de Harlem. J'ai été foudroyée d'amour par ce projet. J'ai passé une audition, dans un service de soins intensifs devant une vingtaine d'enfants très malades , certains dans le coma, d'autres intubés. Je suis arrivée dans mon costume de girafe, un personnage que j'avais déjà développé dans un spectacle au zoo du Bronx. À la flûte, j'ai joué l'air du Magicien d'Oz pour une petite fille endormie qui s'est réveillée peu à peu le sourire aux lèvres , puis j'ai poursuivi tout doucement avec une boîte à musique que j'ai plaqué sur sa perfusion... Elle était tellement étonnée qu'on désacralise ainsi le matériel médical ! Cela a été un grand moment d'émotion pour moi. Oui, j'avais les chromosomes et les bases techniques pour ce métier, mais j'ai alors compris que le voyage ne faisait que commencer

Deux fois par semaine toute l'année

Après les hôpitaux de New York, Docteur Josette Girafe s'installe en France et crée le Rire Médecin en 1991: une association de clowns professionnels qui interviennent dans les services pédiatriques deux fois par semaine tout au long de l'année. Ces principes de régularité sont fondamentaux et contribuent à donner des repères aux enfants, surtout lors d'une hospitalisation de longue durée. Les artistes du Rire Médecin ne sont ni des médecins ni des thérapeutes, leur objectif est d'accompagner les enfants lors de leur hospitalisation et de les aider à mieux la vivre.

Dr Girafe et René L'Élégant à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif

Comme le veut la tradition clownesque, les clowns interviennent toujours en duo. « Qui dit deux, dit amour et conflit, ce qui permet d'inventer des situations rocambolesques, des courses, des poursuites, des vols. Les enfants aiment l'extrême, ils adorent les bagarres, surtout si elles sont pour 'de faux', » constate le Docteur Girafe.

À l'écoute de l'enfant

Caroline Simonds et René Philippe pendant la transmission avec les soignants

Avant de se mettre dans la peau de leur personnage, le duo de clowns passe un long moment avec l'équipe soignante qui leur transmet un maximum d'informations sur les petits patients : s'agit-il d'une rechute ? d'un premier séjour ? quelle est l'humeur de l'enfant aujourd'hui? qui sont ses parents ? « C'est une éducation très sensible qui nous demande d'être toujours à l'écoute. Un enfant malade a un rythme particulier, il est ralenti par la fièvre, la douleur, l'angoisse.

Pr Gustave Reblochon et Chips se préparent avant d'intervenir à l'hôpital St Louis

Une fois munis de tous ces éléments, on se prépare, on met le nez rouge, on oublie tout et on arrive frais et naïf, comme si c'était la première fois.
Nous ne venons pas avec un 'fast-clown' préparé d'avance, nous disposons d'un ensemble de techniques classiques, doublé d'un répertoire propre de farces et prouesses, ce qui nous permet de créer, de rebondir, rien que pour l'enfant, en fonction de ses besoins et dans l'urgence du moment
. »
Ainsi, Docteur Girafe chante en plusieurs langues, joue de la flûte traversière et est un mîme aguerri. Docteur Zen est un acrobate accompli, un danseur et un magicien...
« Les numéros se font dans la bienveillance, pour aider, réconforter. Nous faisons 'avec' l'enfant, mais le plus souvent 'pour' l'enfant. »

Entre farces et facéties, l'enfant retrouve le sourire. Un premier pas vers la guérison

Une histoire d'amour et d'humour

En France, un enfant sur deux est hospitalisé avant l'âge de 15 ans. Pour ces jeunes et leurs parents, une simple visite ou un séjour à l'hôpital est souvent synonyme d'angoisse et de détresse. L'attente en particulier est vite stressante. Aussi les clowns du Rire Médecin interviennent-ils dans tous les lieux-clés : salle d'attente, couloirs, ascenseurs, chambres, salle de consultation ou salle de soins.

Dr Hervé Frounsky et Mlle Huguette Espoir, CHU de Nantes

Il suffit souvent de peu pour apaiser un petit: un conte, une berceuse, un tour de magie, quelques bulles de savon.
Dans les cas de longue maladie, notamment dans les services d'immunologie, d'hématologie ou d'oncologie, les clowns sont toujours très attendus, par les enfants comme par leur famille: « Mine de rien, cela truffe de bons souvenirs le séjour hospitalier. Les clowns aident à retisser le jeu entre les parents, les frères et sœ,urs, à avoir moins peur de l'hôpital. »
Dans ces moments de vie si lourds, les parents ont besoin de soupapes et d'évasion. Par le biais de ce festin de blagues qui leur est proposé de savourer tous ensemble, ils sont rassurés et ravis de voir le sourire renaître sur le visage du petit patient. « Les premières bêtises leur prouvent que leur enfant n'est pas que malade et cela leur permet de se rappeler là où il va bien. Souvent les pères sont un peu paumés... On leur donne une place festive en se moquant gentiment d'eux et ils se moquent aussi de nous ! Mais on dose le jeu et on ne s'impose jamais. Si des ados nous rejettent, on y va sur les œ,ufs en jouant avec leur refus, leurs critiques , nous ne voulons abandonner personne. »

Pour le meilleur et pour le pire

Les Hôpiclowns du Rire Médecin s'engagent sur le long terme, pour le meilleur et pour le pire. Habitués à leur présence, les soignants les réclament volontiers lors d'un soin agressif, comme une ponction lombaire, un geste douloureux.

Une vraie bouffée d'oxygène pour l'enfant, sa famille comme pour les soignants

«Il est plus facile de soigner un enfant heureux», aime à dire Caroline Simonds, reprenant l'avis d'un néphrologue américain. « C'est une façon de dire aux soignants qu'avec nous les clowns, ils ont des alliés. »
Plus de détente, donc plus d'humanité. Lorsqu'un enfant est en fin de vie, le soutien ne s'interrompt pas. Caroline Simonds se souvient avec émotion d'une maman au chevet de son enfant dans le coma : « En notre présence, elle se remémorait tous les bons moments vécus avec les clowns, et cela l'aidait à être pleinement dans la vie, avec son enfant, c'était comme s'il l'entendait. Et elle pouvait l'aider dans ce passage entre deux mondes. »

Éthique et générosité

La fondatrice du Rire Médecin est très attentive à la qualité et au professionnalisme des interventions artistiques dans les hôpitaux. Elle a mis au point un code de déontologie qui stipule, par exemple, que les Hôpiclowns complètent régulièrement leur formation artistique, théorique ou médicale pour s'adapter à l'univers hospitalier. Les artistes sont rémunérés par l'association, qui poursuit et développe son action grâce à la générosité de ses donateurs privés, au soutien d'entreprises et à de petites subventions. En revanche, tous les spectacles sont gratuits pour les enfants et les services hospitaliers.

Pour en savoir plus:

Le Rire Médecin
-Le Rire Médecin, 18 rue Geoffroy l'Asnier, 75004 Paris
-01 42 72 41 31, du lundi au vendredi, de 9h à 17h30
-contact@leriremedecin.asso.fr

Vous pouvez entendre la voix du Dr Girafe sur France Info dans la chronique « Itinéraires » du 17 février 2008

France Info

Par Claire Guillery

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