Enfant et couple séparé

Claire et Julien, séparés depuis des années se disputent la garde de leur enfant. Instrumentalisation de l'enfant pour entretenir le conflit ? Que cherche Julien à faire payer à Claire ? s'interroge le psychanalyste. Mais précise-t-il, la situation, certes douloureuse pour la mère n'est pas totalement négative pour le jeune ado.

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Lettre de Claire

En kidnappant Arnaud, mon ex—compagnon m'a tout pris. Julien et moi sommes séparés depuis plus de dix ans. Notre séparation est intervenue alors qu'Arnaud avait deux ans. Il en a 13 aujourd'hui. J'avais la garde d'Arnaud, qui allait chez son père un week-end sur deux et la moitié des vacances.

Et puis Julien a fait basculer le jugement pour obtenir la garde d'Arnaud. Il lui a fait écrire une lettre de dix pages décrivant mes insuffisances de mère. Je sais qu'Arnaud en est incapable. A l'école ses rédactions ne dépassent guère quinze lignes.

Et tant de méchancetés à mon égard me laissent sans voix. Je suis effondrée. Julien est avocat, il sait manier le verbe et le droit. Il a tout un réseau dans le monde judiciaire. Il est considéré comme un notable dans notre ville de province. Je ne suis qu'une modeste prof d'anglais en collège. Il a réussi à me faire condamner à payer une pension alimentaire, alors que ses revenus sont quatre à cinq fois supérieurs aux miens.

De surcroît il s'arrange pour me mettre en permanence sur des charbons ardents. J'attendais Arnaud à la gare pour partir en vacances. C'était « ma » semaine. J'avais pris les billets, fait la réservation d'un studio à la montagne. Il l'a amené une heure après le départ du train. C'était m'obliger à repayer des billets au prix fort, de rater un jour de vacances. C'est un exemple récent. Mais j'en ai cinquante autres à raconter.

J'ai refait ma vie avec un collègue, qui est divorcé. Il a deux enfants. Nous les recevons régulièrement à la maison. Entre lui est son ex-femme, il n'y a jamais le moindre problème sur l'organisation des gardes de leurs enfants.

Suis-je un cas si spécifique ?

Le regard du psy sur l'histoire de Claire

Chère Claire,

Les mots ont un sens et il y a le sens que l'on donne aux mots, et souvent il y une importante dichotomie.

Quand vous utilisez le mot 'kidnapper' vous parlez du sentiment, du manque créé, de la violence et sans doute d'autres sentiments qui vous affectent, en raison du départ de votre fils. Mais votre ex-compagnon et père de Arnaud ne l'a pas kidnappé, il l'a récupéré chez lui suite à une procédure judiciaire.

A force d'utiliser un mot qui ne correspond pas à la vérité mais ce que l'on veut faire croire, ou ressentir de cette vérité, on finit par croire que la vérité est le mot utilisé. En conséquence, on parvient à déformer cette même vérité et la rendre encore plus difficile à vivre.

Une question pourrait vous être posée pour vous aider à avancer, et cette question serait : en prenant Arnaud en charge, votre ex-compagnon ne vous retire-t-il pas en même temps le lien qui continuait à vous unir à lui?

Et de ce fait recommence-t-il ou réactive-t-il la séparation ? Rouvre-t-il la plaie d'un chagrin peut-être encore présent ?

Un garçon a toujours le désir, voire le besoin d'admirer son père qui est le référent nécessaire et constructeur. Les enfants fonctionnent par identification. Vous dites que son père est brillant. Est-ce que votre actuel compagnon permet à votre fils une identification du même genre ?

Vous dites qu'il s'arrange pour vous mettre sur 'des charbons ardents' Pensez-vous qu'il aurait quelque chose à vous faire payer ? Qu'il y aurait entre vous un contentieux toujours actif ?

Vous savez que l'on fait des enfants pour les mettre au monde, mais pas les garder à la maison. Le vôtre trouve dans cette forme de séparation, certainement pas élégante, sa façon de régler la séparation d'avec sa mère qu'il aurait de toute façon dû faire.

Je ne pense pas que vous soyez un cas spécifique. Je crois même qu'à terme vous trouverez des avantages à ce que Arnaud soit parti vivre chez son père. Il fait en quelle que sorte, son rite de passage à l'âge de l'adolescence. Les petits juifs font leur Bar-mitva, ce qui les fait rentrer dans la cour des grands. D''autres cultures, si ce n'est pas toutes, ont des rites de passage de l'enfant à l'âge adulte.
Votre fils va se confronter à une autre réalité, un autre ordre. Très bientôt vous retrouverez un petit homme qui aimera sa maman, la remerciant de de l'avoir dorloté petit et laissé vivre comme un homme avec son père.

Chère Claire , si dans une première lecture je comprends très bien que vous soyez blessée, je peux vous certifier que de nombreuse patientes auraient aimé que les pères reprennent les enfants à l'adolescence.


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