A la recherche de ses origines

Lettre d'Anaïs : enfant adoptée, elle ne sait rien de ses premiers jours

Anaïs est à la recherche de son origine. Enfant adoptée, ses parents aujourd'hui disparus, ne lui ont rien raconté. Le secret est verrouilé. Comment renouer les fils de son passé ? Et est-ce le vrai problème ? s'interroge Richard C.



Lettre d'Anaïs.

Mon père est mort et il ne m'a pas révélé le secret que j'attendais de lui : me dire qui je suis.
J'ai découvert il y a quelques années que mes parents m'avaient adoptée. Où, quand ? comment ? pourquoi ? Je reste avec ce fardeau et mes interrogations. Ma mère a disparu depuis plusieurs décennies, sans rien dire. Pas de fratrie, pas d'oncles ou tantes qui auraient pu dévoiler un bout de l'histoire. Je fais des rêves étranges, comme un, récurrent, où je me trouve sous une masse de béton, avec une poche d'air, et tout autour des cris assourdis, comme s'il y avait eu un tremblement de terre. Je me réveille nouée, en sueur. Je ne sais si c'est l'histoire de mes origines.
J'aimerais alléger ce poids du secret, du non-dit. J'ai travaillé avec un de vos collègues pendant des années. Cela m'a aidée. Mais je n'arrive pas à reconstituer ce passé. C »est un peu comme si une part de moi-même n'existait pas, ou était en « négatif », comme le négatif d'une photo.
Je me suis accommodée de ce manque pendant une bonne partie de mon existence. Mais plus les années passent plus j'ai besoin de retrouver ce chainon manquant de ma vie.


Le psy répond à Anaïs


Je suppose que vous avez fait toutes les démarches administratives et généalogiques qui pourraient être utiles pour retracer la vie de vos parents, démarches qui consisteraient à bien vous assurer que vos parents adoptifs soient sans aucune famille à interroger.

Il est toujours possible qu'il n'y ait aucune trace de leur passé, mais il serait surprenant que des indices n'existent pas.

Dans le cas où vous auriez un début d'élément, je vous encouragerais à vous conduire comme un enquêteur de police et d'aller à la recherche d'informations, et peut-être que, par recoupement, vous pourriez retrouver des bouts d'histoires qui vous feraient vous approcher de votre propre histoire.

Exemples : date d'adoption, rechercher dates et lieux des tremblements de terre, caractéristiques physiques, etc. Tout étant bon à la reconstruction du passé.

C'est par recoupements que vous pourrez mieux comprendre, mieux approcher votre début de vie.

Il faut accepter que la psychanalyse ne soit pas la réponse à toutes les questions, et dans votre cas elle est surement pour partie, une bonne indication, mais seulement pour partie. C'est ailleurs et autrement que vous allez devoir travailler sur votre passé.

Vous dîtes, vous être bien accommodée de votre situation pendant des années, alors il faut faire attention à ce que vous n'utilisiez pas cette histoire pour en cacher une autre.

Je m'explique. Il nous arrive quelques fois, de surdimensionner un événement pour en oublier un autre. Le chagrin dont on parle est vrai et nous permet d'exprimer une intense émotion. Mais en fait, c'est un autre chagrin qui serait à l'origine du mal-être. Et là, votre psychanalyste peut vous aider. De même qu'il existe des «souvenirs- écran», il est possible de réfléchir à l'utilisation de « chagrins-écran ».

Je peux vous raconter un cas.

Une femme de pouvoir âgée de 46 ans, sans enfant ni mari, consacrant toute sa vie à la compétition professionnelle et qui passait pour être une Super Woman, rentre dans une dépression profonde, suite au décès d'un de ses neveux avec qui elle n'avait pourtant de relation très proches.

La famille, les amis, tout son entourage commence à dire et justifier que cette femme avait en fait beaucoup plus de cœ,ur que ce qu'elle laissait paraître. Se met en place tout un mode relationnel compatissant, et plus elle était prise en compte pour le chagrin censé être causé par le décès plus elle allait mal. Elle n'alla mieux que lorsqu'elle admit et pu dire que ce quelle exprimait, était le regret de ses deux avortements dont elle n'avait jamais parlé et que le vrai chagrin était son histoire réveillée par le décès.



Par Elsa Menanteau
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