Femmes et Festival de la bande dessinée

Angoulême 2009

Du 29 janvier au 1er février 2009, le 36ème Festival de la bande dessinée à Angoulême confirmera le rôle de plus en plus important occupé par les femmes dans ce genre, élevée au rang de Neuvième art. Au fil du temps, la BD, ce monde de bulles à l'origine essentiellement masculin, se féminise. Voici un petit tour d'horizon d'auteures féminines.

Regardée au départ comme un art mineur, la bande dessinée a acquis en seulement quelques décennies un statut incontournable dans le monde de l'édition. En devenant le Neuvième art, la bande dessinée est désormais à égalité avec la sculpture, la peinture, la littérature, la musique ou encore le cinéma. Ce mode d'expression est la réunion de deux techniques à part entière : l'écriture littéraire et l'écriture graphique, lesquelles sont indissociables pour la compréhension de l'histoire qu'elles racontent.

Même si la bande dessinée est devenue un véritable phénomène dans nos sociétés contemporaines, les créatrices de BD ont longtemps parcouru un chemin semé d'embuches. En effet, pour faciliter l'accès à un large public, les auteurs ont souvent privilégié l'aspect caricatural de leurs personnages, ce qui donna lieu à nombre de stéréotypes parmi lesquels les femmes ne furent pas épargnées.


Personnages féminins

La présence de femmes parmi les auteurs se fait donc rare, contrairement aux personnages féminins qui se démocratisent assez rapidement. Au XIXème siècle et au début du XXème, la femme participait à l'histoire comme un personnage de second plan. Ce n'est que vers le milieu du XXème siècle, que sont apparues de véritables héroïnes de bandes dessinées charismatiques. Des personnages féminins de premier plan émergent, tout comme les premières auteures féminines, qui s'affirment de plus en plus dans le dessin ou le scénario. C'est à leur tour de combiner réalité et fiction, avec une vision différente de celle laissée par les hommes. Mélangeant humour, douceur, intelligence, rigueur et détermination, elles nous font elles aussi découvrir des univers imaginaires et des personnages attachants.

La multiplication de festivals et d'événements tels que le Festival de la BD d'Angoulême, fut une aide précieuse pour démocratiser la bande dessinée et surtout permettre sa féminisation. Profitant de l'engouement médiatique autour de la bande dessinée, nombre d'auteures se sont battues pour être considérées de la même manière que leurs collègues masculins.
Reconnu comme l'évènement incontournable pour le monde de la BD, le festival jouit aujourd'hui d'une renommée internationale.

Voici une sélection des plus importantes œ,uvres contemporaines, qui donnent plusieurs visions de la femme vue par des femmes.


Anne Rouquette


Anne Rouquette est l'auteure de « Bons, mauvais, grands et petits joueurs », une première œ,uvre qui sera présente dans la sélection officielle du Festival d'Angoulême 2009. À travers une suite de récits ludiques, Anne Rouquette s'amuse du sens caché du Monopoly, de la main verte, des petits chevaux et d'un nombre incroyable de jeux pas si innocents que l'on ne pense généralement.

Diplômée en illustration de l'école des Arts décoratifs de Strasbourg, c'est là qu'Anne Rouquette rencontre l'équipe de L'Institut Pacôme, un collectif d'auteurs et un micro éditeur indépendant, avec qui elle commence à raconter des histoires en bande dessinée. Elle participe à plusieurs concours « jeunes talents » sur les festivals de bandes dessinées (Angoulême, Lucerne en Suisse), où elle a croisé la route de Matthieu Blanchin avec qui elle a travaillé sur premier album. Anne Rouquette travaille à présent à Paris en free lance dans l'édition.

Site Internet d'Anne Rouquette

Anne Rouquette, « Bons, mauvais, grands et petits joueurs », Editeur Lito, Collection Onomatopée, juillet 2008,14€


Marjane Satrapi


Marjane Satrapi a quitté l'Iran pour venir faire du dessin en France. Elle se dirige vers la bande dessinée après la rencontre avec un groupe d'auteurs dont David B., dessinateur et scénariste français avec qui elle lie une forte amitié et dont le style graphique est particulièrement proche du sien. Véritable tournant dans sa vie, Marjane Satrapi réussit alors le pari de raconter avec tendresse, humour et émotion, sa vie en Iran au milieu de la guerre et des morts, à travers son regard de petite fille, dans une série intitulée «Persepolis ».
Paru aux éditions « l'Association », Persepolis connu rapidement un grand succès à la fois critique et commercial, dont l'apogée fut l'attribution de deux Alph-Arts à Angoulême, suivi par une adaptation cinématographique de cette œ,uvre , un long métrage d'animation réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, et qui a obtenu le prix du jury au Festival de Cannes 2007.

En 2003, elle publie « Broderies », nommé dans la catégorie du meilleur album au Festival d'Angoulême 2004. Son dernier livre, « Poulet aux prunes » paru en 2004 est couronné par le prix du meilleur album.

Marjane Satrapi, « Persepolis » édition l'Association, collection Ciboulette, avril 2007, 32€


Pénélope Bagieu


Après une année en classe préparatoire, Pénélope Bagieu suit sa scolarité à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, où multimédia et animation sont au programme. En décembre 2006, elle sort diplômée de cet établissement et décide de s'établir dans des activités d'illustratrice. Elle se fait alors connaitre grâce à son blog Ma vie est tout à fait fascinante, où elle expose avec humour des instants de sa vie quotidienne.
En septembre 2008 sort le premier volume de « Joséphine », une bande dessinée par laquelle elle impose ses talents d'auteure et d'illustratrice. Cet album relate la vie de Joséphine, une jeune trentenaire célibataire qui cherche le prince charmant, et qui fait tout pour y arriver (parfois maladroitement). Elle joue à la Bridget Jones devant des comédies sentimentales et cohabite mieux avec son chat qu'avec sa concierge ou son nouvel amoureux... A travers ses doutes, colères, humour et amours, on ne peut que s'identifier à Joséphine... qui nous renvoie parfois à une partie de nous-mêmes.

Site internet de Pénélope Bagieu

Pénélope Bagieu, Joséphine, Gawsewitch Jean-Claude Edition, Collection tendance fille, septembre 2008, 15 €


Claire Bretécher


Claire Bretécher débute dans la bande dessinée par une collaboration avec René Goscinny en 1963. Sa carrière prend son envol lorsqu'elle travaille pour Tintin de 1965 à 1966.

En 1969, elle collabore avec le journal Pilote grâce à son personnage “Cellulite”. Dans cette série, elle stigmatise les excès du féminisme tout en défendant la cause des femmes.
En 1972, elle crée avec Gotlib et Mandryka « L'Echo des savanes », une revue de bande dessinée.

Elle collabore ensuite au mensuel écologique « Le Sauvage » à partir de 1973, et entre au « Nouvel Observateur » dans lequel est publié sa série « Les Frustrés ». Cette série est une observation humoristique de notre société contemporaine à travers l'œ,il et les réflexions de plusieurs personnages, dont le plus célèbre reste Agrippine.

Site internet de Claire Bretécher

Claire Bretécher, « Les frustrés », l'intégrale, édition Dargaud, déc 2007, 47€



Florence Cestac


Florence Cestac collabora comme auteure dans « l'Echo des savanes », « Charlie Mensuel », « Pilote » et « Ah ! Nana ».
Ses histoires, partagées entre Harry Mickson, un détective parodique, et son frère Edmond François Ratier, sont publiées aux éditions Futuropolis (maison fondée par elle et son mari en 1972).
En 1989, elle reçoit l'Alph-Art humour du Festival d'Angoulême pour « Les vieux Copains plein de pépins », une nouvelle aventure de son héros Harry Mickson.

Auteure au style immédiatement reconnaissable, Florence Cestac est depuis longtemps un personnage incontournable de la « culture bande dessinée » avant que le succès populaire ne l'atteigne dans le registre de la bande dessinée adulte.
En 2000, elle a reçu le Grand Prix de la ville d'Angoulême, la propulsant alors comme présidente d'Angoulême 2001. Cette année là, le jury était presque exclusivement féminin et l'on présenta une rétrospective passionnante de son œ,uvre.

En 2002, elle publie « La Vie d'artiste », une quasi autobiographie, et en 2004, « Super Catho » (scénario de René Pétillon), relatant une enfance catholique dans la Bretagne des années 1950. En 2005, alors que Le Démon de midi est porté à l'écran, elle lui donne une suite finement intitulée « Le Démon d'après-midi ».

Site internet de Florence Cestac

Florence Cestac, « La vie d'artiste. Sans s'emmêler les pinceaux sur les chemins détournés », édition Dargaud, nov 2002, 14€


Béatrice Tillier


Béatrice Tillier est une passionnée de dessin, diplômée de l'école Emile Cohl de Lyon.
Dès la parution du tryptique « Fées et tendres automates », elle s'inscrit d'emblée comme une grande figure de la bande dessinée. En association avec deux hommes, auteur et scénariste, elle signe là une œ,uvre d'une qualité incomparable. Le tome 1 reçoit d'ailleurs de nombreuses récompenses tels que le prix découverte de Sierre, l'Eléphant d'or meilleur album à Chambéry, le prix de la ville de Sérignan, le prix Infonie , et elle est nominée pour les Alph'Art Coup de Cœ,ur au Festival d'Angoulême.
Son style est apprécié pour son mélange de poésie et de mélancolie.

L'histoire : « Dans la mégapole glaciale de Carlotta, un homme redonne vie à des automates pour retrouver en eux l'oeil-fée, cet état de grâce qui a depuis longtemps abandonné le cœ,ur des hommes... » Cette trilogie poétique et magique nous plonge alors dans un conte pur, innocent et merveilleux.

Béatrice Tillier (dessinateur), Leclercq (scénariste), Téhy (auteur), « Fée et tendres automates », Intégrale T1 à T3, édition vents d'ouest, nov 2007, 28€


Fanny Montgermont


Fanny Montgermont est dessinatrice, coloriste et scénariste de bande dessinée. Après un baccalauréat Arts appliqués et un diplôme de graphisme, elle commence à travailler dans l'illustration animée, cependant afin de satisfaire son désir de création, elle se redirige rapidement vers la bande dessinée.

Son premier album, « Elle, Mai 1944 », paru en 2003 aux éditions Paquet est très bien accueilli au Festival d'Angoulême et Fanny Montgermont se voit décerné le prix « Décoincer la Bulle 2004 ». Le second tome de « Elle, Juin 1944 » parait en 2005.

L'Histoire : « Hippolyte est un jeune résistant rennais pendant la seconde guerre mondiale.
Par hasard, au milieu des décombres d'un bâtiment bombardé, il rencontre Michelle, une jeune fille étrange qui cherche ses ailes dans les gravats. Elle est persuadée d'être un ange, mais passe pour une folle échappée de l'asile pendant le bombardement.
Au milieu du maquis, les chemins de Michelle et Hippolyte vont désormais souvent se croiser.
»

En 2008, les éditions Dupuis annoncent la sortie de « Quelques jours ensemble », une œ,uvre en collaboration avec le scénariste Didier Alcante, dans la prestigieuse collection Aire Libre.

Fanny Montgermont, Elle, Mai 1944 Tome 1, Paquet Eds, sept. 2003, 12€


Kiriko Nananan

Kiriko Nananan est considérée comme l'un des visages les plus originaux de la bande dessinée des femmes au Japon.


Débutant avec « Hole », dans la revue Gara en 1993, Kiriko Nananan aborde de l'intérieur les sentiments et la sexualité féminine. Elle jette un regard tendre mais parfois cruel sur la jeunesse japonaise avec une vérité déconcertante : dans « Blue », elle raconte la relation amoureuse de deux lycéennes , dans « Everyday » elle décrit de façon amère la fin d'un couple.

Dans « Stawberry Shortcakes », elle dépeint avec tristesse et sensualité une suite de récits autour de quatre jeunes femmes d'aujourd'hui , et dans Amours blessantes elle relate l'infinie recherche de l'âme sœ,ur.

Les différentes histoires de Kiriko Nananan s'accordent à la perfection avec le graphisme de ses dessins, à la fois lisse, net et contrasté, et dont les découpages montrent alternativement des gros plans de visages, des objets décadrés et des silhouettes fragiles.

Dans « Amours blessantes » : « Homme ou femme, personne, dans son existence, n'échappe à ce moment où fatalement, l'amour fait mal... Il suffit de l'odeur d'un parfum pour faire resurgir le souvenir d'un ancien amant, volage et magnifique. Il suffit de croiser l'homme qu'on a tant aimé autrefois, pour retrouver ses sentiments d'antan. Et il suffit parfois de la promesse d'un amour éternel, pour que notre petit monde vacille... »

En vingt-trois courts récits, Kiriko Nananan explore les méandres des sentiments amoureux dans toute leur splendeur et leur cruauté. Ainsi va l'amour...

Kiriko Nananan, Amour blessantes, édition Casterman, janvier 2008, 12 ,50€

Par Alexandra Roujou
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