L'Opéra en plein air: rencontre avec Arielle Dombasle

L’été et le beau temps qui va avec (espérons-le) permet aux spectacles de prendre l’air et aux spectateurs d’applaudir les artistes et de redécouvrir des lieux magnifiques sous les étoiles. Denis Podalydès monte Le Bourgeois Gentilhomme au château de Chambord, là où la pièce a été créée, les 22 et 23 mai 2015. L’Opéra en plein air, comme son nom l’indique propose au public depuis 14 ans d’apprécier des œuvres mythiques dans des lieux magiques. Cette année, Arielle Dombasle est à la manœuvre avec La Traviata. Rencontre au Bristol avec la très charmante chanteuse-comédienne et aujourd’hui metteur-en-scène.

la traviata

Arielle Dombasle met en scène La Traviata : « Mon but est d’enchanter les gens »

Arielle Dombasle dirige cet été son premier opéra, La Traviata de Verdi pour l’Opéra en plein air. Sa mise en scène promet d’être à son image, flamboyante et théâtrale à la hauteur des amours profondément humaines et tragiques de Violetta.

arielle dombasle

 

Avez-vous ressenti de l’appréhension quand on vous a proposé La Traviata ?

J’ai toujours fait beaucoup de scène et dirigé Opium, un film fait des poèmes de Cocteau mis en musique où je faisais chanter les acteurs. Et puis je suis quelqu’un qui écoute de la musique tous les jours de ma vie et je chante. J'ai étudié au conservatoire de musique, j’ai commencé par le Bel Canto puis je me suis spécialisée dans le baroque, les Haendel, Purcell, Bach Rameau… j’ai joué à l'opéra-comique toutes les héroïnes de Savary. Non, je n’ai pas eu peur.

L’avez-vous déjà chanté ?

J’ai chanté il y a deux mois pour la télévision chinoise (à l’occasion du nouvel an) un fragment, l’air de Libiamo ne' lieti calici. C’est drôle car c’était avant qu'on me fasse cette proposition, une coïncidence. C'est un très grand luxe qu’on me propose d’être la maitresse d’œuvre de cette beauté absolue qu’est la Traviata.

Pourquoi aimez-vous cette œuvre particulièrement ?

J’ai beaucoup de chance car Violetta est un personnage attachant qui est un peu toutes les femmes, de Greta Garbo à Sarah Bernhardt, Kiri Te kanawa, … la Tebaldi, concurrente de la Callas, les plus belles voix ont eu envie de la chanter ou de l’interpréter. C’est un opéra extrêmement bouleversant et extrêmement ample dans les sentiments. On est dans le très grand romantisme, le sommet du romantisme avec dans le même siècle Alexandre Dumas fils mais aussi Musset, Vigny, Baudelaire,…toute cette époque où la femme est envisagée et dévisagée. Le rôle de Violetta est celui d’une innocente dévoyée qui vit dans les plaisirs et sur qui soudain tombe comme une catastrophe, l'amour. C’est très beau car on aborde aussi les préjugés des hommes puisqu’elle est une courtisane.

Pourquoi cette œuvre inspirée de La Dame aux Camélias, garde-t-elle encore un attrait à notre époque ?

Les femmes s'identifient au personnage mais aussi à la férocité du jugement social et au renoncement. La psychologie y est raffinée et très parlante, pleine d’émotion. Ce sont des choses merveilleuses à mettre en scène. Tous les gens pleurent, elle va jusqu'au sacrifice. Comme elle ne peut être ni une putain ni une épouse, elle sera une sainte. Il y a quelque chose qui touche très profondément. Il est vrai aussi que la musique est tellement belle et qu'elle est aussi connue du grand public que Carmen. C'est une beauté absolue et le livret est très intelligent. L’œuvre est moderne par l'écriture. Il n’y a pas de récitatifs interminables bourrés de mythologie grecque auxquels on ne comprend rien. Il y a des personnages parfois frivoles d’apparence, mais féroces sur la critique sociale et sur la position des femmes.

Comment avez-vous travaillé ?

J’ai revu Garbo, Zeffirelli, Visconti qui l’avait mis en scène en 1955 avec La Callas à la Scala, revu Joan Sutherland, lu ce qu’a dit la Tebaldi, je me suis plongée dans la littérature romantique de l'époque , c’est ça qui nourrit l’inspiration et j’ai beaucoup travaillé ! J’ai commencé par choisir des voix et j'ai rencontré des chanteurs venus de tous les pays comme la Pologne, l’Italie, l’Allemagne,…Je voulais qu'ils aient un jeu de vérité. Ensuite il a fallu auditionner 180 danseurs. Puis il y a eu le choix des décors et le maître des lumières car je veux absolument faire participer les lieux étonnants dans lesquels les opéras ont lieu et mettre tout cela à travers une réalité et une esthétique. C’est un peu les mêmes contraintes qu’à Orange ou Avignon, donc face à ces façades, il faut trouver des systèmes de trompe- l’œil, … pour partager l’art de l’opéra dans toute sa majesté. Mon but est d’enchanter les gens.

On dit souvent que les chanteurs sont de piètres comédiens, êtes-vous vigilante à l’égard de leur jeu ?

J’ai choisi des gens car je sais qu'ils vont entrer pleinement dans le jeu. La modernité de cet opéra nécessite d’être dans la psychologie, dans les rapports de force amoureux et donner aussi de la férocité sociale dans la passion amoureuse. C’est comme ça qu’on arrive à être inoubliable. J'ai conçu la mise en scène comme une mise en scène de cinéma comme si la caméra était à fleur de visage des gens donc il faut qu’ils jouent et qu’ils soient parfaits. Ce sont de jeunes chanteurs, des découvertes et il faut que je sois d’une très grande exigence sur tous les plans et je le suis !

Hors la musique, c’est le côté esthétique qui vous plait dans la mise en scène d’opéra ?

L’opéra est un art extraordinairement fastueux. C'est le plus polyphonique des arts avant le cinéma. C’est pour lui qu’on a imaginé des machineries complexes, de grands décors, des premiers jeux de lumière et qui a fait l’objet d’une première interrogation sur la représentation juste après les mystères du Moyen-âge. Il fallait restituer les drames humains de la manière la plus spectaculaire possible. Je me plie à faire ça car c’est un style que l’on attend à l’opéra. Je ne vais pas faire un truc minimaliste avec deux tréteaux bancals, je n’ai pas envie de ça !

Pour mettre en scène, il n’y pas que l’enveloppe, il faut donner aussi sa lecture de l’œuvre ?

Bien sûr, je dois faire le choix de sculpter l’espace mais aussi de mettre en mouvement la matière musicale, de sentir les mouvements de fond, les intentions qu’a voulu mettre en avant Verdi. Il y a ce contrepoint musical qui existe avec le livret. C'est-à-dire que les paroles et le sens des mots ne sont étonnants qu’en contrepoint de la musique. Des choses très dramatiques sont dites de façon frivole. L’éventail des sentiments est très subtil : il y a la maladie cachée, cette pudeur est très féminine, l’abandon…les femmes sont souvent des créatures saignantes et douloureuses. Tout cela fait que le personnage est totalement attachant. Ce n’est pas une déesse sur un piédestal. Elle est humaine et héroïque. C’est une héroïne moderne et c’est ça que j'aime.

Qu’a-t-elle de moderne ?

Notre féminité est entrée tard à l’académie par exemple et a encore énormément de mal à se frayer un chemin. Il existe toujours l’idée que la femme est là pour séduire. La vision de la femme de l’époque n’a pas beaucoup changé : la courtisane, la demi-mondaine, la femme pécheresse est punie, c’est la vision d’une société de classe. Quelqu’un de dévergondée ne peut pas s'attendre ni prétendre à entrer dans une famille. C’est une catin, une putain, elle ne peut pas être une épouse. Finalement elle ne peut être que sainte, elle se sacrifie. C'est la rédemption par la mort. Il existe aussi dans l’histoire un rapport à l'argent : quand elle est amoureuse elle paye tout avec l’argent qu’elle a reçu des hommes. Tous ces personnages sont complexes. Les gens sont complètement sensibles à ça.

L’amour est une question éternelle, universelle. Avez-vous envie d’autres projets de ce type?

Ma vie est jonchée de surprises, de rendez-vous créatifs et tant que j’ai la force et le plaisir de faire des choses, quand elles arrivent, je dis oui. Je ne pouvais pas imaginer qu’on me proposerait ça, comme Sissi impératrice ou Astérix et Obélix et j’ai dit oui. Je suis ce qu’on appelle un acteur alors je joue des personnages qui me sont proposés mais qui ne sont pas moi. La création artistique c'est l'intensité de la vie, la vraie vie. C’est là où on peut donner sa propre mesure. Le reste c’est ce qu’on est obligé de faire. Je sens que j'ai des forces très positives et je suis très ouverte en général mais j'ai remarqué que dans des aventures très difficiles quand je demande aux gens de me suivre, ils acceptent et ça depuis l'âge de 23 ans quand j’ai fait mon premier film. Les gens croient en moi, j’ai un blessing (bénédiction) du Ciel.

Les représentations auront lieu entre le 12 juin et le 19 septembre.
La musique est jouée par l’ensemble Music Booking Orchestra dirigée par Anne Gravoin.
Parc de Sceaux, Château du Champ de Bataille, Château de Vincennes, Cité de Carcassonne, Château de Haroué, Cours d’honneur des Invalides, Château de Fontainebleau.

Interview réalisée par Véronique Guichard

 

 

 

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