Reflets de Saint-Pétersbourg

Une semaine baignée d'émotions

Ah ! les célèbres Nuits blanches ! La plupart des guides affirment que juin est la meilleure période pour se rendre à St Pétersbourg... Pour nous, les hasards du calendrier en ont décidé autrement. Le 1er mai, nous nous sommes laissés emporter par le souffle frais de cette ville que son fondateur Pierre le Grand avait voulu déployer comme une fenêtre s'ouvrant sur l'Europe. Pour une semaine baignée d'émotions .

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Pétersbourg, « Piter » pour les intimes. Oui, c'est bien une ville ouverte avec ses surprenants mélanges architecturaux, places immenses, cathédrales classiques ou baroques, canaux et rivières, qui jouent avec la lumière des palais et des cieux clairs.
1er mai: le jour s'étire jusqu'à 23 heures et n'en finit pas de se refléter dans la Neva. Une ville maritime, ouverte et lumineuse.

Lumière, lumières de toutes parts...

Escalier rutilant du palais de l'Ermitage, brillance du jaspe et de la malachite. Blancheur des lustres de cristal de la grande salle Philharmonique, feux follets des cierges réchauffant l'éclat des icônes. Soleil sur le dôme de Saint Isaac inlassablement recouvert de feuilles d'or au mépris de la vie des hommes.
Lumière vibrante des accents profonds de cette langue, dont les chanteurs s'emparent comme d'un glaive éclatant élevé à la gloire de leur Dieu.

Un appart' en ville

Comme partout dans le monde, le 1er mai est un jour férié, mais ici, on célèbre aussi la fête du Printemps. Il flotte comme un air de vacances.
Le baromètre affiche 25°. Débarqués la veille au soir, nous quittons d'un pas léger l'appartement loué grâce à l'aide de Natalia*, guide conseillée par des amis. Un grand deux-pièces à la déco un peu kitch, certes, mais la formule est plus conviviale que l'hôtel et revient beaucoup moins cher (60 € la nuit, contre 150 € minimum pour une chambre d'hôtel).

Durant trois jours, cette prof de littérature française nous fait découvrir ses passions, et Saint-Pétersbourg est au cœ,ur de celles-ci. Son premier conseil : visitez à pied autant que possible. C'est la meilleure façon de mettre à nu l'âme de la ville, d'en capter l'expression, comme celle des visages, de bronze ou de chair.

A la plage!

Parfois un taxi collectif passe, le 212 ou le G7, impossible de savoir où il se rend, mais Natalia nous y entraîne et moyennant 20 roubles (50 centimes d'euros), nos pieds se reposent et nos oreilles se laissent agréablement bercer par les accents slaves. Pas un seul touriste dans ces mini-bus qui s'arrêtent sur un simple signe de la main et c'est tant mieux. Pas plus, du reste, que dans les profondeurs du métro où s'aventurer seul sans connaître l'alphabet cyrillique relève de la même incertitude que de se frayer un chemin dans la jungle.

Direction la Forteresse Pierre et Paul, érigée sur l'île des Lièvres, l'ilôt choisi par Pierre le Grand pour fonder sa citadelle en 1703. La forteresse accueille de nombreux bâtiments transformés en musées. Zut, des travaux condamnent provisoirement l'accès principal de la porte St Pierre. Sous un soleil de plomb, nous longeons les murailles pour entrer par la porte opposée, baptisée porte de la Mort car de là les prisonniers étaient embarqués directement sur la Neva pour être exécutés un peu plus loin. Voilà néanmoins une occasion inopinée de découvrir la fameuse plage de la ville et ses occupants sans complexes en petite tenue qui tournent et se retournent pour peaufiner leur bronzage. On les surnomme d'ailleurs ici les « Tournesols ». Esbrouffant !

Du pur baroque italien

Promenade dans la cathédrale bâtie au centre de la forteresse: on s'imaginait un lieu austère et sombre... Surprise : la nef est baignée de lumière et ruisselante d'or de verts et roses, les portes saintes sont incrustées d'icônes et les sépultures des tsars sont taillées dans le jaspe et la rhodonite de l'Oural.

 

Retour par la pointe de l'île Vassilievskli, la Strelka. Des jeunes mariés se font photographier avec un ours de foire et viennent se porter bonheur en jetant leur bouquet dans la Neva. 

Les façades vertes du Kunstkamera, les ocres du palais Menchikov, les rouges et blancs de l'université, les colonnes rostrales...
De palais en jardins, de statues en façades, les kilomètres s'accumulent et nous sommes rompus , pourtant, deux fauteuils d'orchestre nous attendent au célèbrissime Théâtre Mariinski pour une représentation d'Eugène Onéguine. La solution pour rentrer rapidement à l'appart: le taxi. Pas un officiel, c'est beaucoup trop cher. Non ! il suffit de héler une voiture conduite par un conducteur seul, il s'arrête à coup sûr. Surtout, négocier le prix ! 700 roubles, tente le chauffeur à tout hasard ? Pas question ! rétorque Natalia. Cent roubles, ça vous va ? « Da !». Nous nous engouffrons dans la vieille Lada.

Tarifs pour Russes

Autant le savoir tout de suite : en Russie, le touriste est une vache à lait que l'on trait au maximum. Billets de théâtre, entrées dans les musées... Les prix sont multipliés par deux. Pour l'opéra, Natalia a acheté nos places à l'avance, pour nous faire bénéficier du prix « russe », soit 40 € au lieu des 80 annoncés sur le site internet du théâtre. « Au contrôle, montrez vos billets, mais ne parlez pas, et surtout, ne souriez pas, vous devriez pouvoir passer pour des Russes. » Ca passe.

Nous voici confortablement installés au quatrième rang d'orchestre de cette somptueuse salle bleue et blanche. Tatiana est parfaite, et Onéguine finit par se déboutonner et nous émouvoir au second acte. Le public applaudit sans relâche, les protagonistes croulent sous les bouquets de fleurs.

23 heures - Retour à pied jusqu'à l'immeuble où nous logeons. St Nicolas-des-Marins luit dans le soleil couchant. Non loin de chez nous, les néons des supermarchés sont encore allumés. Remplissons le frigo.

Matriochkas et talons aiguilles

Ce matin, beau fixe. Filons à St Isaac, dessiné au début du XIX ème siècle par un architecte français, Auguste de Montferrand. Dominant la ville, au cœ,ur d'un quartier historique, bordée d'anciennes demeures et palais, cette imposante cathédrale regorge de marbres de couleurs encadrés par de somptueuses colonnes de malachite et de lapis.
Quelques pas, et nous voici face l'Amirauté à la flèche dorée, le palais Marinski et la statue du célèbre Cavalier de bronze qui a inspiré le poète Pouchkine.

Revenons par la grande place du Palais, avant de nous lancer à l'assaut de la Perspective Nevski, l'artère principale qui s'étire sur cinq kilomètres.
Ici, le pouls de la ville bat au rythme des pas des femmes juchées sur leurs hauts talons, nombril à l'air. Un torrent de femmes déferle en permanence. Lumière aigue-marine des prunelles maquillées sous les chevelures chatoyantes, pommettes hautes des jeunes filles, qui rappellent les matriochkas colorées des vitrines des boutiques innombrables le long de l'avenue.
Mais où sont les hommes ? Nous aurons une explication quelques jours plus tard, en rencontrant Mila, une Pétersbourgeoise mariée à un Français: « Les hommes russes meurent jeunes, car ils vivent dangereusement », nous affirme cette professionnelle du tourisme. « Voilà pourquoi nos femmes s'affichent comme des marchandises : elles espèrent tomber sur un riche, russe ou étranger, qui va les sortir de leur condition. Car on vit mal en Russie, personne ne dira le contraire. Avec un salaire mensuel moyen de deux cent cinquante euros, impossible de s'en sortir, surtout en ville où les prix des logements ont terriblement grimpé ces dernières années. » Même son de cloche chez Vera, étudiante et titulaire du brevet de guide, qui vit chez ses parents : « c'est triste à dire mais je ne pourrai vivre seule que lorsque ma grand-mère mourra, car je récupèrerai son appartement. On n'a pas le choix. Sinon il faut s'endetter à vie.»
Tatiana, elle, a dû vivre pendant dix ans dans un appartement communautaire attribué à son époux, depuis le divorce, elle habite avec son fils un immeuble vétuste où elle a pu difficilement acquérir deux petites chambres.

Au fil de l'eau

Un bon thé, quelques blinis, et nous sommes prêts à nous remettre en route, au fil de la rivière la Fontanka.

A moitié assoupis sur le bateau, entre songes et réalité, nous admirons façades et ponts avant de nous réveiller tout à fait grâce au vent qui claque à présent sur les eaux de la Neva. Le Palais de l'Ermitage nous fait signe.

Nous lui rendrons visite à deux reprises les jours suivants. C'est un tout petit minimum pour ce musée exceptionnel qui possède une partie des plus grands chefs d'oeuvre de l'art (vingt-huit tableaux de Rembrandt, par exemple...). Sans compter une longue escale consacrée aux icônes et peintures du Musée russe auquel on accède par la rafraîchissante place des Arts.

On se pose, à deux pas de la statue de Pouchkine peuplée de pigeons.

Encore quelques pas, et nous voici face aux neuf bulbes multicolores de l'église du Saint-Sauveur-sur-le-Sang Versé, entourée d'une superbe grille Art nouveau.

Tant de merveilles nous attendent encore... Ce soir, nous verserons des larmes au concert de l'Orchestre philharmonique dirigé par le fils du compositeur Chostakovitch en personne. Une expérience musicale à ne rater pour rien au monde, tout comme le magnifique office religieux du dimanche matin à Notre-Dame de Kazan. Amplifiant les prières des popes vêtus de pourpre, les voix puissantes du choeur transpercent de leurs vibrations l'assistance fervente. Un rendez-vous vraiment incontournable, que l'on soit croyant ou mécréant.

Salons bleus et cabinet d'ambre

Impossible de quitter la ville sans se rendre aux palais impériaux situés à une vingtaine de kilomètres au sud, le palais de Catherine à Tsarskoïe Selo,

celui de Paul à Pavlovsk ainsi qu'à Peterhof, le préféré de Pierre. En voiture avec chauffeur, plus confortable que le bus mais surtout plus rapide, nous partons de bon matin pour éviter les foules. Pari gagné. Ici, tout est luxe, espace et volupté.

Depuis les fenêtres des salons dorés se révèlent des paysages frémissants à l'image des peintures décoratives qui en ornent les murs. 

Ces ensembles grandioses du XVIII ème siècle sont bordés de parcs de bouleaux et de conifères, où pavillons et fontaines s'éveillent sous la caresse des premiers rayons de soleil.
De pures folies où l'on déambule rêveusement, se prenant à imaginer un monde apaisé, aux couleurs tendres et raffinées de ces joyaux d'éternité.

Entre deux visites, une halte au bistrot du coin. Le service traîne et on a tout le temps de regarder à la télé la cérémonie solennelle d'investiture du nouveau président russe Dmitri Medvedev. Place aux discours et aux froides images officielles qui tournent en boucle. S'y ajoutent celles des préparatifs militaires de la commémoration de la grande fête à venir, celle du 9 mai, anniversaire de la Victoire soviétique sur l'Allemagne nazie. Changement de décor radical : nous voici d'un coup ramenés à la réalité d'un jour que personne ici ne peut oublier.

* Les prénoms ont été modifiés

Bon à savoir

- Vols directs Air France à partir de 300 €. 3 heures de vol seulement et 2 heures de décalage. On vous conseille le vol en milieu d'après-midi, on arrive le soir et évite ainsi les embouteillages entre l'aéroport et la ville.
- Visa : il doit être demandé auprès de l'Ambassade de Russie à Paris ou auprès des consulats russes de Strasbourg ou Marseille. Attention ! le visa ne peut être délivré que sur présentation d'une invitation émanant d'un répondant russe (agence de tourisme, société, hôtel, propriétaire bailleur).
Si vous partez en individuel, vous pouvez recevoir ce justificatif de séjour par fax grâce à une agence en ligne: www.ostwest.com
Service gratuit si vous leur confiez la tâche de vous réserver un appartement ou une chambre d'hôtel, sinon il vous en coûtera 24 euros.
Sur place, se rendre à l'agence qui vous donnera dans un second temps un autre document prouvant que vous êtes en règle avec les autorités.
Autre formalité demandée pour le visa: l'original du justificatif de votre assurance-voyage (certaines cartes bancaires incluent cette assurance, il suffit d'appeler le service carte pour l'obtenir).

Par Claire Guillery

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