Interview : Avivah Wittenberg-Cox

Avivah Wittenberg-Cox : 'Womenomics, la croissance dépend aussi des femmes'. La femme, c'est l'avenir de l'économie

Les femmes sont à la source de la prochaine révolution économique. C'est la vision prônée par Avivah Wittenberg-Cox et Alison Maitland dans leur ouvrage Womenomics, la croissance dépend aussi des femmes, présenté le 27 mai à Paris, à l'OCDE. Avivah Wittenberg-Cox répond à nos questions.

Lorsque l'on parle des femmes dans l'entreprise, on associe d'emblée le plafond de verre et les différences de rémunération. Qu'avez vous voulu démontrer dans votre essai ?


Nous essayons de changer l'optique des entreprises à l'égard des femmes. Certaines ont bien compris leur pouvoir en tant que consommatrices. Les entreprises sont très peu nombreuses à à considérer la présence des femmes et notamment dans les hauts niveaux de la hiérarchie, comme une force. Et pourtant les faits sont là. Les entreprises qui ont le plus de mixité dans les sphères supérieures obtiennent les meilleurs résultats financiers. C'est ce qu'a clairement démontré un think tank américain analysant les 500 plus importantes sociétés classées par le magazine Fortune.

Les talents des femmes sont moins valorisés que ceux des hommes. En Europe, 60% des diplômés de l'enseignement supérieur sont des femmes. Au sommet des entreprises, elles sont moins de 10 %

Et simultanément, les entreprises recherchent les talents. 75% des directeurs des ressources humaines dans le mode disent que les attirer et les retenir est la première de leurs priorités. Les entreprises oublient ou négligent les potentiels féminins, parce qu'elles traitent les managers selon un modèle uniforme, conçu pour les hommes.

Comment sortir de ces habitudes et de ces pratiques ?

Accepter les différences. Par exemple, les hommes et les femmes connaissent des cycles de carrière différents. Les femmes sont très en pointe au début de leur vie professionnelle, puis à nouveau beaucoup plus tard. Quand elles ont la trentaine, elles cherchent à trouver un autre équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Cela ne veut pas dire qu'elles soient moins motivées ou moins talentueuses. Or ce type d'évolution n'est pas reconnu dans les politiques de ressources humaines. En tenir compte serait au contraire une vraie source de performances.

Faut-il des quotas pour forcer les habitudes ?

Le principe est en général très décrié. Personne n'en veut. Pourtant, la Norvège les a mis en place pour les conseils d'administration , l'Espagne le recommande. Si les quotas peuvent jouer le rôle d'un électrochoc, pourquoi pas ? C'est dans doute inéluctable en Europe continentale.

Comment la France se situe t'elle ?

En France, il y a un véritable paradoxe. D'un côté les politiques publiques, en faveur de la famille —, fiscalité, aides sociales, crèches - sont une réussite. 80% des femmes travaillent et elles ont des enfants. Le taux de natalité est parmi les plus élevés d'Europe. Les femmes ne sont pas culpabilisées parce qu'elles exercent une activité professionnelle. Elles constituent un énorme vivier de talents. Dans les grandes écoles de commerce —, qui leurs sont ouvertes depuis le milieu des années 1970 —, elles constituent au moins la moitié des effectifs.

De l'autre côté, il y a les entreprises qui sont restées en dehors de cette évolution. Dès lors que l'on grimpe vers les centres de décision, c'est le quasi désert. Les femmes « qui ont réussi » font figure d'exception.

Vous avez ou allez présenter votre livre dans de nombreux pays, notamment à Paris, à Londres, à New York et à Abu Dhabi. Pour quelle raison vous rendez-vous dans les Emirats peu réputés pour l'intérêt porté au rôle économique des femmes ?

Il faut aller au-delà des idées reçues et encourager les mouvements profonds qui se dessinent. De plus en plus de pays s'interrogent sur le coût de la non-utilisation des femmes dans leur économie. Savez vous que 52 % des diplômés de l'Université en Iran sont des femmes ? La condition de la femme est un bon baromètre de la santé économique et politique d'un pays.


« Womenomics, la croissance dépend aussi des femme » publié en France, Ed.Eyrolles.


Approche originale, la place, le rôle, l'importance des femmes dans nos contrées occidentales ne sont analysés ni sur le plan de la psychologie, ni sur celui de la sociologie. Mais sous l'angle de l'économie.
Les auteures : Avivah Wittemberg-Cox, consultante, est créatrice et présidente honoraire de European Professional Women's network, intervenante à l'INSEAD. Alison Maitland, journaliste indépendante, a travaillé pendant vingt ans au Financial Time. Elle est conférencière à la City University de Londres.

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Par Elsa Menanteau

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