Interview de Françoise Fillon, Déléguée Générale de ”Retravailler”

L'association 'Retravailler' aide les femmes à retrouver un emploi, après une plus ou moins longue interruption d'activité.

- Retravailler a été créé en 1974 par Evelyne Sullerot, sociologue du travail, pour oeuvrer à l'émancipation des femmes. Quelles sont les principales évolutions de Retravailler depuis cette date ?

A l'origine Retravailler a été créé par Évelyne Sullerot, pour permettre aux femmes qui avaient arrêté de travailler longtemps pour élever leurs enfants, de reprendre une activité professionnelle dans les meilleures conditions. Retravailler a ainsi participé à la généralisation du travail des femmes.

Aujourd'hui Retravailler accompagne encore des femmes dans ce cas de figure mais elles sont de moins en moins nombreuses et cette activité, fondatrice, est devenue marginale. Par contre les femmes ont à gérer des trajectoires professionnelles de moins en moins linéaires et préprogrammées et encore entravées par des stéréotypes qui pèsent spécifiquement sur le travail des femmes.

Retravailler intervient en conséquence sur un ensemble de problématiques professionnelles : insertion, réinsertion, reclassement, évolution, mobilité, validation des acquis de l'expérience, seconde et troisième partie de carrière, professionnalisation, formation aux savoirs de bases... en prenant en compte les freins spécifiques aux carrières des femmes pour les neutraliser autant que faire se peut. Retravailler œ,uvre donc dans le contexte actuel à l'orientation professionnelle tout au long de la vie, dans le souci de l'égalité professionnelle.

- Comment Retravailler est-il organisé ? Quels sont les rôles des différentes entités ?

Le réseau Retravailler est structuré en Associations Territoriales qui, sauf exception, ont un périmètre régional. Les 110 antennes réparties sur le territoire accompagnent entre 25 et 30000 personnes chaque année dont 70% de femmes : insertion, réinsertion, reclassement, mobilité, évolution, seconde et troisième parties de carrières, VAE, professionnalisation, formation aux savoirs de base...

Son Union Nationale, anime, alimente et capitalise l'ingénierie technique et pédagogique mise en œ,uvre sur le terrain et assure la formation des consultants/tes formateurs/trices. Elle conduit également des études, enquêtes, programmes européens centrés sur l'orientation, la formation et l'égalité professionnelle. Elle sensibilise, forme, outille, conseille à l'externe les acteurs en matière de mixité et d'égalité professionnelle.

Françoise Fillon

- Aujourd'hui, quelles sont les aides que les femmes, et plus particulièrement les femmes seniors, peuvent attendre de Retravailler pour retrouver un emploi ?


Retravailler met à la disposition des femmes une gamme de services adaptés à l'ensemble des situations socioprofessionnelles : exemple, le Bilan de Compétences pour les femmes salariées, le Bilan de Compétences Approfondi pour les femmes en recherche d'emploi.

Le second est prescrit par l'ANPE comme un certain nombre de prestations assurées par Retravailler : «Cible», prestation centrée sur l'accès au travail et à l'emploi, ou «STR» centrée elle sur les techniques et outils de la recherche d'emploi.

D'autres prestations existent en réponse à d'autres commanditaires : Conseils Régionaux, Généraux, État, Agefiph, Fasild, Entreprises, OPACIF, OPCA...

Chaque femme mobilise telle ou telle prestation en fonction de sa situation de référence.

Quelque soit la prestation mobilisée, Retravailler la personnalisera pour répondre au mieux aux besoins de la personne concernée.

Concernant les femmes seniors par exemple, l'action de Retravailler se centrera sur le paramètre de l'âge en termes de freins, de ressources et d'opportunités de façon à construire la stratégie la plus adaptée possible (cibles, atouts, arguments).

Ce contexte a priori défavorable aura dû d'abord être objectivé, pour pouvoir échapper à son déterminisme et ouvrir de nouvelles dynamiques.

Tel est l'enjeu du travail d'orientation avec les femmes seniors.

Pour les hommes l'enjeu est le même, mais les freins ne sont pas exactement du même ordre. Notons que c'est après 50 ans qu'il y a parité entre le nombre d'hommes et de femmes qui sollicitent Retravailler, notons aussi que les stéréotypes de sexe qui affectent la situation professionnelle des femmes ont tendance à se retourner aussi contre les hommes à cet âge là.

Françoise Fillon


- Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Concrètement il faut prendre contact avec le Retravailler le plus proche de son domicile, exposer sa demande, solliciter les dispositifs de prise en charge administrative et financière adaptés.

Ces questions réglées, une première séance va permettre de décider des besoins et des moyens mobilisables pour atteindre l'objectif visé. C'est à partir de cette feuille de route que le travail va se faire, sur des durées et à des rythmes qui varient selon les situations de référence.

- Quelles leçons tirez-vous pour l'avenir de vos actions récentes, quant à votre méthodologie et, plus largement, votre approche des problèmes ?

L'évolution récente des appels d'offres de la commande publique privilégie une logique de placement, dans le cadre de prestations dont les modalités de réalisation sont difficilement compatibles avec un travail qui met en chantier les conduites d'orientation et de carrière des femmes.

Devant cette évolution Retravailler revoit ses ingénieries en conséquence.

Reste qu'un de ses enjeux majeurs consiste à convaincre les décideurs que l'action de Retravailler a une réelle utilité sociale.

En effet les objectifs poursuivis par Retravailler prennent plus de temps que ceux aujourd'hui consentis par la plupart des cahiers de charges mais il est utile à double titre et participe d'une logique d'investissement : il participe à la sécurisation des parcours professionnels des femmes et il œ,uvre à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, objectif réglementaire, économique, social et sociétal.

Par Nicole Salez