Madeleine Vionnet, puriste de la mode

Musée des Arts Décoratifs /24 juin 2009 - 31 janvier 2010

Avec 'Madeleine Vionnet, puriste de la Mode', le musée des Arts Décoratifs rend hommage à l'une des plus grandes couturières françaises du XXe siècle. Cette pionnière dans la maîtrise de la coupe en biais fut, dit-on, aussi attentive au bien-être de celles qui portaient ses robes qu'à celui de ses employées.




La première rétrospective parisienne autour de Madeleine Vionnet met en scène cent trente modèles de la couturière, de 1912 à 1939, conservés aux Arts Décoratifs. Pionnière dans la maîtrise de la coupe en biais et de l'art du drapé, elle a su mettre son génie au service des femmes et de leur bien-être. Madeleine Vionnet a permis une véritable transformation de la silhouette et de l'esthétique, marquant ainsi l'évolution de l'émancipation du corps féminin. Figure phare de la haute-couture de l'entre-deux guerres, Madeleine Vionnet est considérée comme « le couturier des couturiers ».


Le parcours de l'exposition.

L'exposition retrace de façon chronologique, la carrière exceptionnelle de Madeleine Vionnet de 1912 à 1939. Le premier étage, dont les modèles datent des années 1910 aux années 1920, met l'accent sur les caractéristiques propres aux créations de la couturière que sont : la structure et le décor du vêtement. Technicienne hors pair, elle pousse le raffinement à l'extrême pour atteindre une pureté absolue des lignes, grâce à une parfaite maîtrise des propriétés intrinsèques du textile, de la coupe du vêtement et de son placement sur le corps. Elle puise son inspiration à la source des civilisations. Fascinée par la Grèce antique, elle tente de réinventer le drapé libre en réduisant les coutures et les attaches. Avec le biais, qu'elle systématise et généralise à l'ensemble de la robe, le tissu s'échappe et flotte, moulant ainsi souplement le corps des femmes sans le contraindre ou s'enroule en drapé. C'est à cette époque aussi qu'elle oriente ses recherches autour des formes géométriques que sont le carré et le rectangle, qu'elle expérimente sur une poupée de bois de taille réduite qui lui permet d'agencer plus aisément ces formes avant de faire confectionner le modèle en grandeur nature. Perméable aux idées modernistes de son époque, Madeleine Vionnet modifie ainsi la conception traditionnelle du vêtement. Ses préoccupations intellectuelles l'apparentent à celles des peintres puristes, Amédée Ozenfant ou Le Corbusier qui refusent toute anecdote pour ne garder que l'essence des formes géométriques aux vertus plus architecturales que picturales. Le décor vient agrémenter la structure des pièces avec des motifs floraux —, telle la rose qu'elle affectionne tout particulièrement - brodés, coupés, tressés ou incisés sur des matières comme le tulle, la laine mais aussi la fourrure. Elle utilise une gamme de couleurs réduites : le rouge, le jaune et chaque collection comporte systématiquement des modèles en blanc et en noir. En 1929, maniant à la perfection le carré et le rectangle, Madeleine Vionnet introduit le cercle permettant à la robe d'être plus près du corps.

Photographie de dépôt de modèle, collection hiver 1938 - Les Arts Décoratifs, UFAC© DR


Au second étage, le visiteur découvre les créations des années 30, présentées année par année. Au centre de l'ensemble du parcours, des vitrines thématiques explorent le travail de la couturière en soulignant certaines particularités telles les franges, l'introduction du cercle, l'étiquette comportant sa griffe. La collaboration avec des décorateurs ou dessinateurs tels Georges de Feure ou Thayaht est également révélée dans le parcours.

La scénographie. Andrée Putman, signe la scénographie de cette exposition. Figure incontournable de la scène internationale du design contemporain, elle a contribué à faire connaître dans les années 80 les architectes et créateurs contemporains de Madeleine Vionnet : Jean Michel Frank, Eileen Gray, Pierre Chareau, Robert Mallet Stevens dont elle a réédité les objets les plus emblématiques.

Le catalogue de l'exposition. Il met en parallèle les chefs-d'œ,uvre de la collection des Arts Décoratifs, photographiés par Patrick Gries, avec le regard des plus grands photographes de mode des années 1920-1930 et de précieux documents d'archives. Les textes retracent le parcours de Madeleine Vionnet, analysent la spécificité de ses créations et étudient sa relation avec les artistes décorateurs de l'époque.

Robe du soir, été 1937 - Les Arts Décoratifs, UFAC © Patrick Gries



Madeleine Vionnet

Née dans le Loiret en 1876, d'une famille modeste, Madeleine Vionnet s'installe avec son père nommé receveur d'octroi à Aubervilliers, en région parisienne, à l'âge de cinq ans. Bien que brillante élève, elle quitte l'école à 12 ans pour travailler et apprendre la couture chez la femme du garde champêtre. A 18 ans, elle décide d'apprendre l'anglais et se rend outre Manche où elle est employée comme lingère. En 1896, elle est engagée chez Kate Reily, maison de couture londonienne, où elle débute véritablement son apprentissage de la couture. De retour à Paris, cinq ans plus tard, elle entre chez les sœ,urs Callot, une des maisons de couture les plus prestigieuses où elle fait ses armes.

En 1906, Jacques Doucet fait appel à elle et lui confie le soin de « rajeunir » sa maison. Mais en proposant aux mannequins de marcher pieds-nus, vêtues de robes souples qu'elles portent à même le corps sans s'appuyer sur l'incontournable carcan de rigueur à l'époque qu'est le corset, elle se heurte aux réticences de la maison et décide alors de voler de ses propres ailes.

C'est en 1912 qu'elle ouvre sa propre maison de couture, au 222 rue de Rivoli, mais la Grande guerre la contraint de la fermer en 1914. Dès sa réouverture en 1918, elle impose sa modernité et connaît le succès. En 1923, sa maison de couture se trouvant à l'étroit, elle aménage un hôtel particulier, situé au 50 Avenue Montaigne. Elle confie au décorateur Georges de Feure l'aménagement de ses salons dans le style Art déco, faisant de ce lieu un véritable temple de la mode à la conquête d'une clientèle internationale des plus raffinées.

Un esprit d'avant-garde.
L'organisation de la maison de couture fait preuve d'un réel esprit d'avant-garde. En femme engagée, Madeleine Vionnet dirige sa maison de couture comme une entreprise moderne emprunte d'un esprit social peu courant pour l'époque. Soucieuse du bien-être de ses employées, la nouvelle installation offre différents services sanitaires et sociaux : une cantine, un cabinet médical et dentaire gratuits pour le personnel et leur famille ainsi qu'une crèche. Enfin, elle accorde des congés payés et des congés de maternité plus avantageux que ne l'imposent les lois sociales de l'époque.

En visionnaire éclairée, elle soutient « l'Association pour la défense des Arts Plastiques et Appliqués » dont l'objectif principal est de protéger les intérêts de l'industrie de la Haute Couture en s'opposant à la contre-façon. Elle ferme sa maison de couture en 1939 lorsque la guerre éclate, elle est alors âgée de 63 ans.

En 1952, Madeleine Vionnet fait une donation exceptionnelle à l'Union Française des Arts du Costume qui rassemble 122 robes, 750 toiles patrons, 75 albums photographiques de copyrights, des livres de comptes et des ouvrages issus de sa bibliothèque personnelle. Par cette démarche, elle fut la première couturière à avoir conscience de la nécessité de conservation de son patrimoine relevant de l'intérêt collectif, ce fonds est désormais conservé par Les Arts Décoratifs.


- Musée des arts décoratifs
- 107, rue de Rivoli, 75001 Paris
- Tél. : 01 44 55 57 50
- M° Palais-Royal, Pyramides, Tuileries - Bus 21, 27, 39, 48, 68, 69, 72, 81, 95
- Ouvert du mardi au vendredi de 11 h à 18 h (nocturne le jeudi jusqu'à 21 h) - samedi et dimanche de 10 h à 18 h
- Tarifs : 8 € - 6,5 €



Par Nicole Salez

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