”Avec Tolstoï”, de Dominique Fernandez

Dominique Fernandez a relu les livres de Tolstoï, d'un œ,il neuf, sans idée préconçue. Il nous invite à redécouvrir cet auteur qui en plaçant l'aventure humaine sous le double signe de la sexualité et de la mort, fait partie des plus grands romanciers de tous les temps.




Universellement célèbre, Tolstoï reste en même temps assez méconnu, dans la mesure où l'on a réduit son œ,uvre à quelques personnages ' romantiques ' : Natacha, le prince André, Anna Karénine, et ses innombrables thèmes à la seule passion amoureuse. Dominique Fernandez a relu ses livres, d'un œ,il neuf, sans idée préconçue, et découvert un écrivain de combat, un des premiers qui aient dénoncé les horreurs de la guerre (et en particulier de la guerre de Tchétchénie, déjà injuste et cruelle en 1850), critiqué le système judiciaire, carcéral, les scandales de l'injustice sociale, les abus du pouvoir étatique, les impostures de l'Eglise, etc. En face de son contemporain Dostoïevski, porté au paroxysme et à l'outrance, il garde toujours un ton juste et mesuré. Son style porte l'empreinte d'une perfection intemporelle.

Avec Dominique Fernandez, on parcourt librement le monde de Tolstoï, on y apprécie cette justesse de ton, ce calme, cette mesure à la fiévreuse frénésie de son rival. Ce livre s'efforce de tracer quelques avenues dans une œ,uvre immense. A côté des trois chefs-d'œ,uvre, Guerre et paix, Anna Karénine, Résurrection, des dizaines de nouvelles et d'essais explorent tous les aspects de l'aventure humaine. Tolstoï plaçant cette aventure sous le double signe de la sexualité et de la mort, celui qui est sans doute le plus grand romancier de tous les temps apparaît plus que jamais notre contemporain.

Biographie de Dominique Fernandez

Né le 25 août 1929 à Neuilly-sur-Seine, Dominique Fernandez est ancien élève de l'École normale supérieure et agrégé d'Italien (1955). Il devient en 1957, professeur à l'Institut Français de Naples. Il soutient sa thèse sur L'Échec de Pavese, et est nommé professeur d'italien à l'université de Haute-Bretagne.
Depuis 1958, il mène carrière d'écrivain et de critique littéraire, d'abord à la Quinzaine Littéraire, et à L'Express, puis au Nouvel Observateur.

En 1974, Porporino ou les Mystères de Naples est couronné par le Prix Médicis. Ce roman met en scène, un castrat napolitain au XVIIIe siècle. Une fresque colorée qui offre une pluralité de lectures, historique, idéologique et freudienne. De ce roman a été tiré un opéra, joué au festival d'Aix-en-Provence.

Dominique Fernandez a inventé la « psychobiographie » utilisée déjà en 1967 dans L'échec de Pavese.
Il obtient en 1982 le Prix Goncourt avec Dans la main de l'ange. Un roman qui puise dans la vie de Pasolini, écrivain et cinéaste italien assassiné à Ostie en 1975. Il a aussi publié Jérémie ! Jérémie ! en 2006, L'Art de raconter en 2007 et Ramon en 2009. Dominique Fernandez a été élu à l'Académie française, le 8 mars 2007. Il est Chevalier de la Légion d'honneur, Commandeur de l'ordre national du Mérite, Commandeur de l'ordre brésilien du Cruzeiro do Sul.

- Avec Tolstoï
- Auteur : Dominique Fernandez
- Editeur : Grasset
- Date de parution :12/02/2010
- 20,90 €


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Extrait de 'Avec Toltoï'

1. Sans répit, la quête

Les ' héritiers ', aujourd'hui, ont mauvaise presse. Qui a tout pour être heureux n'attire guère. On en veut, à l'homme comblé, de ses privilèges. Le comte Léon Tolstoï était un ' héritier ' type. A la tête d'un immense domaine, il menait la vie d'un seigneur. Cette image écarte de lui une certaine catégorie de lecteurs, en général les plus sérieux, les plus exigeants, ceux pour qui une œ,uvre présente moins d'intérêt si elle ne jaillit pas d'une souffrance intérieure, d'une privation, de ce que Gide appelait ' une épine dans la chair '. Que peut-on écrire de fort, de profond, si on a tout à sa disposition : titre, facilités matérielles, vie de famille, position dans le monde ? Et pourquoi faire l'effort de lire celui à qui rien n'a été refusé, celui qui n'a pris la peine que de naître ?

Une autre image de Tolstoï nuit à sa destinée posthume. On en a fait un ' monument ', une gloire nationale et internationale. Iasnaïa Poliana est devenu un lieu de pèlerinage. Les discours officiels, l'embaumement scolaire, le pédantisme des professeurs ont momifié le patriarche. Sa barbe s'étale partout, au détriment de son beau et fier visage de jeune homme. Comme Hugo, comme Verdi, on l'a statufié. La nation l'a pris en otage.
Or, rien n'est plus faux que cette double image. Comme Hugo, comme Verdi, Tolstoï était un mécontent, mécontent de lui-même, mécontent des autres, un insoumis, en lutte contre les pouvoirs, contre l'Etat, contre l'Eglise, en lutte d'abord contre lui-même , un homme assoiffé de perfectionnement intérieur , un errant toujours en quête : l'opposé, en somme, du pontife assis, qui a trouvé. Sans répit, la quête de Tolstoï : il cherchait le bien, la vérité, la justice, qui ne se tiennent jamais du côté des puissants. Et, de même que Hugo était du côté de Claude Gueux, cet ouvrier pauvre qui vole du pain pour nourrir sa famille, écope de cinq ans de prison, et, brimé, humilié par le directeur des ateliers, tue celui-ci à la hache et meurt sur l'échafaud, de même que Verdi était du côté du bossu, du bâtard, de la prostituée, de même Tolstoï, refusant de pactiser avec les gens de son milieu, se sentait solidaire de Platon Karataïev, le paysan de Guerre et Paix, des enfants pauvres de son village, solidaire des faibles, des vaincus, solidaire des Tchétchènes en rébellion contre l'autocratie russe.

Il a divisé lui-même, dans Souvenirs (texte tardif, après 1900), sa vie en quatre périodes. D'abord la période ' poétique, merveilleuse, innocente, radieuse ' de l'enfance jusqu'à quatorze ans - racontée dans les textes, en effet lumineux, qui composent la trilogie Enfance, Adolescence, Jeunesse. Puis, ' vingt années horribles, période de grossier libertinage, au service de l'ambition, de la vanité et surtout du vice ' : il dépense une partie de sa fortune au jeu, boit, s'encanaille avec les provocantes tziganes, court les ' filles ', s'engage dans l'armée, participe aux guerres du Caucase (Les Cosaques), se bat en Crimée (Récits de Sébastopol), sans réussir à s'amender, son seul progrès moral consistant à prendre en horreur la guerre et à en dénoncer la barbarie, avec un courage nouveau pour l'époque.
Ensuite il se range. C'est la période ' que du point de vue du monde on pourrait qualifier de morale '. Dix-huit ans de ' vie de famille honnête et réglée ', sans s'adonner ' à aucun des vices condamnés par l'opinion publique ', mais en bornant ses intérêts ' aux soucis égoïstes de [sa] famille, de l'accroissement de [sa] fortune, à l'acquisition du succès littéraire et de toutes espèces de satisfactions '. Après son mariage avec Sophie, il s'est installé à Iasnaïa Poliana, le domaine où il est né, trente-quatre ans plus tôt. C'est là que, pendant dix-huit ans, Tolstoï écrit Guerre et Paix et Anna Karénine, n'interrompant son labeur littéraire que pour administrer son domaine, parcourir à cheval ses forêts, enseigner aux enfants pauvres du village, dans une des pièces de sa demeure aménagée en école.

Vers 1880, enfin, ayant dépassé la cinquantaine, il a une sorte d'illumination, ce qu'il appelle ' une naissance spirituelle '. Il renonce à la littérature, à l'art, condamne la littérature et l'art comme étant des privilèges de riches, condamne le mariage comme étant un obstacle au perfectionnement intérieur, attaque les pouvoirs, prône la désobéissance militaire, critique la hiérarchie orthodoxe, se fait excommunier, préconise la chasteté dans la vie privée et, dans la vie publique, la non-violence, la non-résistance au mal, exalte une sorte de chistianisme primitif étranger à toute institution, se répand en prédications et en exhortations à cultiver les seules valeurs spirituelles. Il ne faut songer qu'au salut de son âme, répète-t-il sur tous les tons, et on ne peut faire son salut qu'en abjurant les goûts et les ambitions de l'homme moyen civilisé, en prenant conscience de l'imposture qu'est toute réussite sociale, en se confrontant au mystère de la mort. Tolstoï, devenu apôtre et entouré de la secte des ' tolstoïens ' dont il réprouve d'ailleurs la dévotion contraire au principe de la liberté intérieure, cesse de se considérer comme écrivain. Les textes littéraires de sa vieillesse, écrits par intermittences, débordent de volonté moralisante et d'esprit prophétique : Résurrection, Maître et Serviteur, Le Faux Billet, Le Père Serge, La Sonate à Kreutzer. Il lui arrive de revenir à la pure littérature, et c'est La Mort d'Ivan Ilitch, c'est Hadji Mourat, son dernier chef-d'œ,uvre, mais il l'écrit en cachette et le garde dans son tiroir, sans le publier.

Quatre périodes, donc, dans sa vie, mais qui se ramènent à deux, si on en considère la fracture médiane : jusqu'à cinquante ans, Tolstoï mène une carrière et acquiert une gloire d'écrivain. Après cinquante ans, cette sorte de gloire lui paraissant futile et amorale, il prend congé de la littérature et se consacre au salut de son âme. Ainsi, du moins, a-t-il fixé lui-même son profil biographique, pour le donner en exemple. En réalité, son idéal était défini dès la fin de son adolescence. A dix-neuf ans, il avait adopté la philosophie qu'il essaierait d'appliquer quelque trente ans plus tard. Efforts pour ' s'élever ', chutes, résolutions, rechutes : son existence n'a été qu'un long combat vers le but qu'il s'était choisi au sortir de l'enfance.
Pour constater la précocité de sa vocation, il n'est que de lire les quelque trois mille deux cents pages de ses Journaux et Carnets, un des journaux intimes les plus étonnants jamais écrits . Le premier cahier date de 1847. D'emblée, le jeune Tolstoï formule son credo. ' Forme ta raison, en sorte qu'elle soit conforme au tout, à la source du tout, et non à une partie, à la société des hommes , alors ta raison se fondra dans l'unité de ce tout, et alors la société, en tant que partie, n'aura pas d'influence sur toi. ' Le problème des rapports entre soi et la société a été le tourment continuel de Tolstoï : comment rester authentique, comment suivre la ligne qu'on s'est fixée, alors que les autres (et, dans son cas, le poids de la tradition, la force du lien conjugal, les avantages de l'aisance matérielle) vous obligent à vous dénaturer, à vous gauchir, à vous parjurer, à vous aliéner ? Rester soi-même, c'est se dégager des obstacles mis au perfectionnement intérieur par la naissance, la famille, la société, par sa propre lâcheté.

8 avril 1847 : ' Bien que j'aie beaucoup acquis depuis que j'ai commencé à m'intéresser à moi-même, cependant je suis encore très mécontent de moi. Plus on avance dans le perfectionnement de soi-même, plus on voit en soi de défauts, et Socrate a dit la vérité, que le plus haut degré de perfection de l'homme est de savoir qu'il ne sait rien. ' Autrement dit, en termes chrétiens : les riches n'entreront pas dans le royaume des cieux. S'intéresser à soi-même n'est pas une manifestation d'égoïsme. A travers lui-même, Tolstoï étudie la condition humaine et le moyen d'en racheter l'abaissement. Comme François d'Assise, comme Pascal, il a beaucoup ' vécu ' (le jeu, l'armée, les ' filles ') avant de se convertir à l'ascétisme. Cependant, du sein de ses désordres, de ses débauches, il aspirait déjà à trouver la force de s'en arracher. Mécontentement de soi, méfiance des obligations sociales, sentiment de vivre à côté de lui-même, doutes sur la validité de n'importe quel travail littéraire (' Où fuir le métier, grand Dieu ! ' 2 juin 1851) : ces thèmes nourrissent le journal d'un bout à l'autre. Le premier texte littéraire de l'écrivain, une nouvelle de quarante pages, Histoire de la journée d'hier (1851), raconte la journée d'un jeune homme de bonne famille : partie de cartes au cercle, flirt amoureux, retour en traîneau. Acuité de l'observation : les mœ,urs des cochers, le mouvement de la rue. Puis, réflexion sur sa propre vie : ' Peut-on parvenir au bien en s'abstenant seulement de ce qui est mauvais ? '

Le bien, le vrai, le juste, le salut : voilà donc l'obsession continue de Tolstoï. Il n'y a pas deux Tolstoï : un merveilleux conteur d'une part, un ennuyeux prédicateur d'autre part. Les deux Tolstoï ne sont qu'un seul, tourmenté, torturé, donnant tantôt libre essor à sa passion de raconter - et ce sont ses chefs-d'œ,uvre, la trilogie de l'enfance, Les Cosaques, Guerre et Paix, Anna Karénine, La Mort d'Ivan Ilitch, Hadji Mourat -, tantôt se reprenant pour faire part de son insatisfaction fondamentale. L'analyste aigu des âmes, l'exact psychologue se mue alors en prophète et en mage. De cet homme déchiré entre son génie littéraire et le sentiment de sa responsabilité morale, Melchior de Vogüé, l'introducteur de Tolstoï en France , disait joliment qu'il avait ' l'esprit d'un chimiste anglais dans l'âme d'un bouddhiste hindou '.
Aux yeux du bouddhiste, l'argent, le succès, la vanité littéraire comptent peu. Ce qui lui importe, c'est d'être un homme complet, ' ein Mensch ' comme il est dit dans La Flûte enchantée, un sauveur de soi-même et du genre humain. Les textes qu'il écrit alors, bien qu'imprégnés d'un moralisme que notre époque trouve pesant, ne sont ni sans valeur ni sans intérêt, et on a tort de ne plus les lire : Confession, L'Argent et le travail, Le Salut est en vous, La Vraie Vie, Quelle est ma foi ?, Qu'est-ce que l'art ?, La Famine, etc.

A la toute fin de sa vie, comme on sait, Tolstoï n'a plus supporté de vivre dans la contradiction entre ce qu'il était et ce qu'il voulait être. Ce qu'il était : le maître de Iasnaïa Poliana, deux mille hectares de terres, des dizaines de domestiques attachés au domaine, un mari secondé, soutenu par une femme dévouée, un père de famille entouré d'une progéniture nombreuse, un génie littéraire célèbre dans le monde entier. Ce qu'il voulait être : pauvre, inconnu, seul, nu en face de Dieu, de son Dieu.
Cette volonté, il l'a résumée dans une de ses dernières nouvelles et plus belles paraboles, commencée en 1890, terminée en 1904 : Le Père Serge, histoire du prince Stépane Kassatski, comblé de tous les dons, mais inquiet, dès sa jeunesse mondaine, de n'être pas, toujours et en toute circonstance, le premier. ' Extérieurement, Kassatski avait l'air d'un de ces jeunes et brillants officiers de la garde, qui savent se pousser dans la carrière. Mais dans son âme, depuis l'enfance, se passait un travail très complexe et très pénible, qui paraissait très varié, mais qui, en réalité, était toujours le même, et consistait à atteindre la perfection et la réussite en tout ce qu'il entreprenait et à mériter les louanges et l'admiration d'autrui. ' On reconnaît, dans ce désir d'excellence, le double aiguillon qui tourmentait Tolstoï : obtenir à la fois la perfection intérieure et la gloire littéraire.

Kassatski se prépare à épouser une jeune fille de la plus haute société, mais, quand il apprend qu'elle a été la maîtresse du tsar, et qu'il ne serait donc que le second, il rompt ses fiançailles et entre au monastère. Deux forces ennemies viennent mettre le moine à l'épreuve : d'abord le désir sexuel (vieux démon de Tolstoï), sous forme de visiteuses exaltées qu'il n'arrive pas toujours à repousser , mais surtout la vanité, que développe en lui la renommée qu'il a acquise à la suite de guérisons miraculeuses. Sa célébrité ne cesse de s'étendre , la foule des pèlerins assiège la grotte où il s'est retiré. Il sent que les conseils qu'il prodigue, les mains qu'il impose, les bénédictions qu'il distribue, tous ces gestes, tous ces mots tarissent en lui la source d'eau vive et lui composent une sainteté extérieure, aux dépens de sa vie intérieure qu'ils détruisent. Ici aussi, à l'évidence, dans ce constat qu'une réussite trop éclatante fausse le sens de la mission entreprise, Tolstoï transpose les scrupules d'un écrivain dont le prestige est devenu un obstacle au perfectionnement intérieur. Pour ses lecteurs également, le malentendu est complet : on l'admire pour sa gloire, sans se soucier d'étudier le contenu de ses livres, encore moins d'en suivre l'enseignement.
Le Père Serge médite de fausser compagnie aux dévots. ' Il avait résolu de s'en aller, de disparaître. Il avait tout combiné pour cela. Il s'était préparé une blouse de paysan, un pantalon, un caftan et un bonnet. Il avait expliqué que ces choses lui étaient nécessaires pour donner à ceux qui demandaient, et il les gardait dans sa cellule, réfléchissant comment il se vêtirait, se couperait les cheveux et s'en irait. ' On croit voir Tolstoï lui-même, songeant aux moyens de s'enfuir de Iasnaïa Poliana, l'ermitage de campagne devenu la vitrine de sa renommée. Mais comment mener à bien ce dessein ? La fiction anticipe ce que sera la réalité , comme beaucoup de créateurs, Tolstoï décrit à l'avance ce qui lui arrivera. Le Père Serge met au point le plan que l'auteur de la nouvelle mettra bientôt à exécution. ' D'abord, il prendrait le train, ferait en chemin de fer trois cents verstes, et ensuite il irait à pied et mendierait dans les villages. ' (Trad. Bienstock, Nelson.)

A quatre-vingt-deux ans, une nuit d'octobre, prenant enfin la décision arrêtée par son personnage, Tolstoï s'enfuit en cachette de Iasnaïa Poliana, se fit conduire par son cocher à la gare voisine, monta dans un train en direction du sud, avec l'intention de continuer à pied. Il tomba malade dans le wagon glacé, descendit en route et mourut dans la petite gare d'Astapovo. Son plus ancien désir était accompli. Le voilà sans attaches, affranchi de toute compromission, délivré du mensonge où son milieu, sa fortune, sa réussite littéraire l'avaient condamné à vivre.



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Par Nicole Salez

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