”Les Pères” au Forum des images

Du 10 février au 31 mars

« Les Pères ». Le pluriel s'impose tant le rôle et la place des pères ont changé, y compris au cinéma. Dans la première partie de ce cycle, des films et des rencontres témoignent de l'évolution de la figure paternelle, du Père majuscule d'antan aux pères d'aujourd'hui qui, tel le Nanni Moretti d'Aprile, se demandent comment le devenir. Jusqu'au 31 mars.




Les pères d'aujourd'hui ont peu à voir avec les pères d'autrefois, ceux que le cinéma et la littérature nous ont le plus souvent montrés, à travers des personnages masculins incarnant ce modèle autoritaire (À l'Est d'Eden) ou ne pouvant au contraire s'y conformer (Le Voleur de bicyclette). La psychanalyse a fortement contribué à cette construction d'un Père majuscule, porteur de l'ordre dans le foyer, chargé de séparer le couple fusionnel que la mère formerait avec son enfant. Cette vision monolithique était une continuation du modèle patriarcal féodal, mais qui faisait l'impasse sur un événement historique de taille : la Révolution française.


La part du père


Ces transformations de la paternité vont de pair avec une nouvelle répartition des rôles entre hommes et femmes dans la société et dans le cinéma. Dans Trois hommes et un couffin, fantaisie féministe, Coline Serreau s'amuse à redistribuer les rôles. De l'autre côté de l'Atlantique, Kramer contre Kramer, film en sympathie totale avec un père nouvelle manière, apprenant à concilier vie professionnelle et paternité, prenait en compte l'évolution de la société américaine. Ces nouveaux rapports de parentalité entre hommes et femmes ont modifié les fonctions réelles et symboliques attachées aux pères.


Une paternité à conquérir


La paternité ne va pas de soi. Les cinéastes filment désormais des pères qui osent l'émotion, avouent sans honte leurs doutes ou leurs faiblesses et envisagent leur paternité future comme un élément de leur travail créatif. Nanni Moretti explore avec humour cet entre-deux de l'attente de l'enfant avec Aprile, journal intime et anti-berlusconien d'un futur père, angoissé avant l'accouchement.


Choisir son père


Tout semble à réinventer aujourd'hui. Avoir un enfant devient un projet parental entre deux partenaires pas nécessairement de sexes différents. Quand et comment ? Pourquoi ? Préférant souvent l'intime au social, le cinéma excelle à montrer les relations, souvent filmées comme plus harmonieuses, que des enfants établissent avec des pères d'adoption, qui deviennent des passeurs plus compréhensifs qu'un père naturel (L'été de Kikujiro de Takeshi Kitano). Cette inversion romanesque du thème de l'adoption, où l'enfant choisit son père et non le contraire, illustre de manière originale les mutations actuelles non seulement du masculin mais du modèle familial classique.
« Le cinéma est le lieu du père », disait Serge Daney, le ciné-fils. Cette formule heureuse explicite la relation affective qui nous lie à ces films « qui ont regardé l'enfance ». Ce moment, comme l'a intuitivement senti Daney, où le cinéma devient une famille.


Les thèmes et les temps forts du mois de février


--Les pères ont une histoire : du mercredi 10 au jeudi 18 février
Les patriarches autoritaires imposant leur loi à leur famille sont nombreux au cinéma. Entre tragédie shakespearienne (Ran d'Akira Kurosawa) et récit biblique (À l'est d'Eden d'Elia Kazan), ces personnages quasi mythiques sont faits d'un bloc sans failles. Leur autorité semble incontestable et incontestée.

Mais ce modèle patriarcal symbolique s'est fissuré depuis longtemps. L'histoire des pères n'est plus faite de légendes mais de récits poignants, comme la figure paternelle, vouée à l'absence, qui hante le cinéma de Maurice Pialat (À nos amours).


--Les pères maléfiques : du vendredi 12 février au dimanche 21 février. Avatars du père tout-puissant, les pères maléfiques abusent de leur pouvoir. L'esprit du mal fait d'eux des monstres aveuglés par leurs expériences extrêmes : une fille trop aimée chez Georges Franju (Les Yeux sans visage) ou des enfants cobayes chez Brian de Palma (L'Esprit de Cain). La folie plane sur ces pères séquestreurs (Le Château de la pureté d'Arturo Ripstein), la haine aussi la plus radicale (Rois et reine d'Arnaud Desplechin).


-Devenir père : du mercredi 24 février au dimanche 28 février
L'arrivée de la paternité est source d'inquiétude face à une responsabilité nouvelle. Le lien paternel n'est pas donné d'emblée. Cette angoisse s'exprime de manière ludique et politique chez Nanni Moretti ou chez Jacques Demy, qui imagine L'Événement le plus important... : Mastroianni « enceint ». L'Attente des pères de Daniel Cling commence dès la maternité. Larry Cohen filme, lui, l'impensable, un nouveau-né mutant et un père prêt à le supprimer (Le Monstre est vivant). Avec L'Enfant, les frères Dardenne filment cette incapacité à être père. Toutes les paternités sont désormais possibles.


Les événements qui ponctuent le cycle

--Soirée d'ouverture


-Mercredi 10 février, à partir de 19h30, le Forum des images a choisi d'inaugurer ce cycle Les Pères avec une comédie méconnue de Dino Risi : Il Giovedi. Le cinéaste italien y filme avec humour et tendresse les retrouvailles d'un père divorcé avec son jeune fils.

--Conférence « Le père, une autorité mise en cause ? »
-Jeudi 18 février à 19h00, le psychanalyste Michel Tort propose une lecture critique des constructions symboliques de la figure du père en psychanalyse. Extraits de films à l'appui, il propose à travers cet état des lieux une histoire positive de la paternité, liée aux nouveaux rapports entre les sexes.

--Rencontre-débat « Devenir père, entre angoisse et jubilation »
-Impliqués dans l'attente, la naissance et l'éducation de l'enfant dès son plus jeune âge, comment les hommes d'aujourd'hui vivent-ils leur paternité ? Jeudi 25 février à 19h00, Christine Castelain-Meunier, sociologue, et Roger Teboul, anthropologue et pédopsychiatre donnent leur point de vue et tentent de répondre à cette question.

--Père et fils, un projet photographique de Grégoire Korganow
-Du 10 février au 31 mars, accompagnant le cycle, le photographe Grégoire Korganow expose les photos grand format de sa série Père et fils. Une approche intime, sensuelle, pour réconcilier pères et fils, unis dans un même élan d'affection.

Par Franck Moineau

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