La femme en sept états - Dominique Abel

Alternant roman poétique et réflexions sociologiques, la Femme héroïne de ce livre voyage à travers sept histoires, sept corps. Dépassant les images qu'on lui impose, elle cherche son être au milieu des émotions qui la submergent.


La femme en sept états de Dominique Abel


Prisonnière d'une domination masculine qui l'avait bridée pendant plusieurs siècles, elle s'efforce de faire jaillir la liberté qu'elle porte en elle, cette femme se construit, neuve, non pas contre les hommes, non pas selon leurs désirs, mais avec eux, d'égale à égal. Elle veut simplement ETRE en harmonisant féminin et masculin.


'Ce livre est d'abord un remerciement envers toutes ces femmes qui m'ont ouvert leur coeur, il est aussi une reconnaissance, celle de la condition féminine qui est encore empreinte de la domination masculine, il est enfin un kaléidoscope de ces tranches de vie où chacune retrouvera quelques traces de son vécu.'
Dominique Abel


Dominique Abel

De formation initiale scientifique, enseignante pendant vingt ans, Dominique Abel est également titulaire d'un DEA de sociologie. Femme d'aujourd'hui, éclectique, elle est mère de quatre enfants.


Extraits de 'La femme en sept états'

Ce sont toutes ces femmes que je choisis de raconter, elles ne me sont pas étrangères, elles ne sont pas réellement « autres », elles sont aussi « moi », enfin une partie de moi, des parties de moi dont je n'avais pas toujours conscience. C'est pourquoi, j'ai pris la liberté de reprendre tous ces récits à la première personne. (prologue p.9)
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Nous sommes tous esclaves de quelque chose : de nos passions, de nos désirs, de ... de notre culpabilité. Comment s'en débarrasser ? Pour la poussière, on a l'aspirateur, pour nettoyer notre corps, il y a la diète, mais comment purge-t-on son esprit ? Personne n'a encore inventé le laxatif de l'esprit, alors comment annihiler cette culpabilité qui me ronge ? Quand je n'ai pas fini la lessive, quand le courrier s'accumule, quand les factures sont en retard, quand mon fils n'a toujours pas son crayon vert pour l'école, quand ... et cet esprit ressasse en moi tous ces non-faits, comme s'ils m'appartenaient, comme s'ils étaient un trou dans mon emploi du temps ! Et pourquoi ne l'ai-je pas fait ? J'ai traîné : j'ai lu un bouquin, j'ai regardé un film à la télé, j'ai bavardé avec une amie, j'ai rêvassé ... Mais est-ce que j'ai le temps de m'accorder du temps ? Ne suis-je pas responsable du bon fonctionnement de mon « foyer » ? (chapitre 1 pp. 28-29)
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Le corps de la femme « honnête » ne peut se situer qu'entre deux extrêmes : celui de la pucelle assimilé à la pureté et celui de la génitrice assimilé à la reproduction de l'espèce. Par la virginité, la Femme développe ses capacités naturelles d'intuition, de mysticisme, autrement dit, d'union avec le divin , elle assure la liaison verticale qui permet à l'Homme de reconnaître sa nature divine , c'est la fonction de la Pythie chez les grecs, des Vestales qui entretiennent le feu sacré, des nonnes qui « rachètent » par la prière le péché d'Ève la tentatrice. Quand le corps de la femme est autorisé à une union charnelle, c'est pour accéder à la plénitude de la maternité, pour créer et perpétuer l'humain. (chapitre 3 pp. 52-53)
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Alors, je cherche, je cherche à comprendre, j'achète et j'entasse des dizaines de livres , je passe des soirées voire des parties de nuit à surfer sur le net : yahoo ou google affichent pour moi des centaines de sites concernant la stérilité, l'AMP, les gamètes ... Je « dévore » les recherches en cours, les articles du quotidien du médecin, ... je passe au crible les pourcentages indiqués, je me laisse glisser dans les statistiques de réussite, je fais naviguer mon esprit sur tous les chemins qui se rattachent à ma protestation continuelle, ininterrompue, celle que j'ai envie de crier à la face du monde, d'inscrire en lettres rouges sur tous les murs que je longe : « JE VEUX UN BÉBÉ. » Je veux câliner, bercer, embrasser, sentir contre mon corps ce petit corps innocent issu de ma chair , (chapitre 4 p.66)
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Et puis qu'est-ce qu'ils en savent de ma vie ces médecins, est-ce qu'ils sont à ma place, est-ce que eux ils ont un jour arrêté de manger, comme ça, pour voir ce que ça donnait ? Que connaissent-ils de mon expérience, que savent-ils d'un corps qui cesse de s'alimenter, que savent-ils d'un esprit qui a sans cesse soif de nouvelles connaissances, qui veut savoir les réponses à tous les pourquoi, que savent-ils du bonheur de tout ce que j'ai acquis ? Enfin, au nom de quelle autorité ou même de quel savoir peuvent-ils décider de ce qui est le mieux pour moi ? Ils ne sont pas à ma place, ils ne sont pas dans mon corps ni dans mon esprit, ils ne font pas partie de ma vie et souvent une bouffée de haine m'envahit à leur approche. (chapitre 5 p.80)
______________________________________________________________________Que vient faire une femme politique au milieu de ce vaste théâtre ? Elle sème d'abord le trouble : parce qu'elle ne sépare pas sa vie quotidienne de sa vie publique , parce qu'elle n'élève pas de cloisons étanches entre vie privée et vie professionnelle. La femme n'est spécialiste en « rien », elle fonctionne dans une gestion entrelacée où les tâches et les pensées s'intercalent bien souvent dans une optimisation du temps et des déplacements. Cette habitude féminine quotidienne de la gestion croisée s'applique aussi à la femme politique. (chapitre 6 p.87)
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Eh bien, aujourd'hui, je me révolte contre cette tradition et je voudrais associer à cette révolte toutes les femmes qui représentent tout de même la moitié de l'électorat de chaque pays. Aujourd'hui, je choisis de crier mon indignation, non seulement contre cette mise à l'écart qui n'a que trop duré mais aussi contre cet immobilisme qui ne traduit que la peur des hommes d'abandonner une partie de leurs prérogatives. Leurs discours ne parlent que de changements, de réformes mais quelles sont les modifications qu'ils sont prêts à apporter dans leur mode de fonctionnement ? Quelle place sont-ils prêts à céder, quel espace offrent-ils à celles qu'ils considèrent toujours comme « le deuxième sexe » ? Comment osent-ils regarder en souriant la femme politique que je suis, supporter les insultes, les mots orduriers, les sarcasmes des médias et parfois même en rajouter ! (chapitre 6 pp.100-101)
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Nous avons cru en la « virilité », au fait qu'elle incarnait le pouvoir, et donc à l'incapacité et à la fragilité des femmes , nous avons cru à l'égalité : d'abord à l'égalité des classes sociales puis à l'égalité des sexes , nous avons cru au progrès, nous avons même projeté un monde où les savants remplaceraient les politiques , enfin nous avons cru à la communication avec le développement des nouvelles technologies, nous avons cru alors à la fraternité, à la possibilité de tisser des liens « virtuels », de connaître l'autre ou plutôt une multitude d'autres. Et quand aujourd'hui nous ouvrons les yeux sur le monde qui nous entoure, quand aujourd'hui au soir de cette semaine que j'ai partagé avec vous, j'observe autour de moi les fluctuations que nous avons créées, je ne retrouve plus aucune des croyances auxquelles j'ai pourtant adhéré. Elles se sont diluées, elles se sont envolées, et pourtant je sais qu'elles sont toujours présentes en moi, dans l'un ou l'autre de ces multiples moi où j'habite encore parfois. Leurs formes ont considérablement vieilli, tout comme moi, et il m'arrive de m'y accrocher comme à mon vieux peignoir de bain tout râpé que je n'ai pas pu jeter. Toutes ces vieilles habitudes sont comme les rhumatismes de l'âge, on n'arrive pas à s'en défaire complètement. (conclusion pp.123-124)
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Aujourd'hui, toutes les mesures ont changé. Les idéaux qu'a portés le XXème siècle que j'ai traversé avec passion, avec enthousiasme, sont à bout de souffle. La fin du monde est-elle proche, comme l'annoncent régulièrement certains groupes en manque de notoriété ? Il suffit de scruter l'histoire pour avoir une réponse, il suffit même de scruter sa propre histoire, toute civilisation même la plus grandiose a eu une fin, tout ce qui vit s'éteint, en apparence seulement, puisqu'une nouvelle forme renaît et reconstruit l'histoire. A chaque fois que tout paraissait perdu, désespéré, des hommes et des femmes ont œ,uvré. Beaucoup sont restés dans l'ombre, leurs noms ne figurent pas dans les manuels d'histoire mais ils se sont simplement levés avec leur conviction, avec leurs croyances. Ces individus existent dans chaque famille, ils sont la preuve que la capacité d'acteur est en chacun de nous, que la force d'agir est en chacun de nous, qu'elle n'est pas « réservée » à une élite. Elle n'est pas non plus dépendante du sexe ou d'un statut social, elle est inscrite dans nos gênes et dans nos coeurs. (conclusion pp.124-125)

- La femme en sept états
- Auteur : Dominique Abel
- Editeur : Publibook (Collection Essai)
- Date de parution : novembre 2009
- 16 €

Par Nicole Salez

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