Artistes au Collège des Bernardins

A l'occasion de l'exposition 'La Pesanteur et la Grâce', dont Éric de Chassey, directeur de la Villa Médicis, assure le commissariat, le Collège des Bernardins présente le travail de Marthe Wéry, Georges Tony Stoll, Callum Innes, Emmanuel Van der Meulen et Emanuele Becheri. Présentation de ces cinq artistes.





Marthe Wéry

Artiste belge (1930-2005), Marthe Wéry s'est fait connaître dans les années 1960/70 par des travaux dans la lignée de l'art construit. Son travail s'orientait vers l'analyse de la surface matérielle dans une recherche prosaïque sans aucune forme de transcendance. Elle expliquait en 1977 : « Tout mon travail est une recherche élémentaire de vivre la surface ».
Autour de 1994 s'opère un changement , elle abandonne le pinceau et élabore un nouveau principe de travail qu'elle va conserver jusqu'à sa mort en 2005. Marthe Wéry place alors des panneaux de bois ou d'aluminium dans un grand bac et déverse ensuite la peinture : elle se met ainsi dans une situation où, volontairement, elle ne contrôle que très peu la manière dont s'organise la matière. Dès 1997, elle a recours à des raclages à l'aide d'une spatule.
Il s'agit pour l'artiste de se vider de toute personnalité , elle intègre ainsi à sa pratique le processus d'auto annulation. Cela lui permet d'atteindre ce moment où le tableau permet un passage, une ouverture, moment où l'artiste s'est retiré pour laisser la place à quelque chose d'autre.

Dernières expositions personnelles :

2006 : Paris, Galerie Serge le Borgne ,
Munich, Barbara Gross Galerie

2004 : Marthe Wéry, les couleurs du monochrome, Tournai, Musée des Beaux-Arts ,

Marthe Wéry. Peintures, Stavelot, Galerie le Triangle Bleu
2003 : Amsterdam, Galerie Slewe

« [...] il ne s'est jamais agi pour Marthe Wéry de capter l'infini mais de laisser la peinture ouverte, non-finie elle-même , elle n'a pas eu à refuser d'être le peintre ultime mais n'a simplement pas cessé de créer des oeuvres qui soient accueillantes à autrui, qui ne s'imposent pas à lui, tout en lui proposant quand même quelque chose —, un sens, une direction. »
« [...] la beauté, la somptuosité même, de certains tableaux de Marthe Wéry n'est pas faite pour fermer l'attention sur elle-même, mais pour opérer un partage du sensible avec le spectateur —, et le plaisir ressenti dans l'acte de leur création, sur lequel Marthe Wéry n'a pas cessé de revenir, est ici l'un des premiers affects transmis au spectateur. »
Éric de Chassey, « Rigoureux, forts et ouverts —, Les tableaux de Marthe Wéry », in catalogue Marthe Wéry / Les couleurs du monochrome, 2005.

> Éric de Chassey a choisi de présenter dans l'exposition les oeuvres « Tours et Taxis », peintures monochromes sur panneaux d'aluminium, qui se présentent posés au sol. Ces panneaux sont installés dans la grande nef.





Emanuele Becheri

Emanuele Becheri, artiste italien né en 1973, vit et travaille à Prato.

Dans la série des Papiers Pliés (Carte Piegate), il laisse la main diriger une aiguille sur du papier carbone qui transmet le dessin à une feuille de papier blanc placée au-dessous.
Dans la série des Relâchements (Rilasci), le papier est froissé puis placé dans un caisson de verre et accroché à la verticale , la pesanteur, par son action, modifie imperceptiblement la perception du dessin.
Dans la série Shining, il place de grands panneaux de carton noir sur lesquels passent et déambulent des escargots. En résulte un dessin aux reflets gris et brillants.
L'apparence brillante et précieuse de ces dessins est en fait la conséquence directe d'une opération triviale.
En 2008, Emanuele Becheri avait réalisé une installation, Time out of joint, constitué de trois projections vidéo de grand format, montrant la combustion de trois briquets par leur propre flamme. Une flamme jaillit peu à peu de l'obscurité, puis éclaire
l'asphalte où elle est posée, avant de faire bouger l'objet qui la produit, jusqu'à l'extinction et le retour à la nuit. Après coup, 2009, reprend l'enregistrement sonore de cette combustion, donne à entendre en amplifié la combustion, les craquements, les explosions initiés par les briquets.

Dernières expositions personnelles :

2009 : Fankoo, Galerie Fabio Tiboni, Bologne ,
Après coup, Museo Marino Marini, Firenze

2008 : Time out of joint, Padiglione d'Arte Contemporanea, Ferrare,
Shuffling the same card, Galerie Enrico Fornelle, Prato

« L'ensemble de mon travail, de 2004 à aujourd'hui, est construit sur l'idée de dessins étendus. Je considère mes travaux, pas seulement les oeuvres sur papier mais aussi les sculptures, les vidéos, les photographies, les projets sonores et autres, comme autant de formes de dessin. Le lien avec cette discipline n'est pas technique, mais de sens. »
Emanuele Becheri.

> L'installation sonore d'Emanuele Becheri, intitulée « Après Coup », est présentée dans l'ancienne sacristie.



Georges Tony Stoll

Georges Tony Stoll, artiste plasticien né en 1955 à Marseille, vit et travaille à Paris.

Georges Tony Stoll invente et découvre ce qu'il appelle les « territoires de l'abstraction », qu'il explore avec les moyens les plus divers (peinture, dessin, photographie, roman, pièce sonore, sculpture...), mais qui tous tournent autour de ce « trou noir, situé entre la réalité et la fiction, dont il est impossible de décrire les limites, les formes, les échanges », ce lieu « où tous les phénomènes se rejoignent et forcent la création, la contradiction et ainsi l'invention ». Les oeuvres de Stoll semblent inachevées, non abouties.
Elles sont des espaces ouverts, ordinaires, qui s'inscrivent simplement dans le présent, ne racontent rien, pour laisser surgir quelque chose comme la beauté. Proches du regardeur et mystérieuses à la fois, impossibles à cerner, elles l'amènent à se mettre lui-même dans un état de disponibilité à ce qui peut surgir sans avoir été prévu. L'artiste invite le regardeur à voyager dans et autour de l'oeuvre Constellations anonymes. Cette construction ressemble à une maison mais n'en est pas vraiment une, est faite de panneaux de bois très ordinaires que l'artiste a cependant dorés, est close sur elle-même mais présente des ouvertures... Qu'est-elle ? Que n'est-elle pas ? Elle est ancrage dans le bas qui s'ouvre « à ce qui n'est pas en face de moi, autour de moi, au-delà de moi, au-dessous de moi », pesanteur des matériaux ordinaires, mal joints et grâce de ce qui surgit dans un éblouissement.

Dernières expositions personnelles :

2008 : Les Rencontres d'Arles - Photographie, Arles, commissaire : Christian Lacroix

2007 : FRAC Alsace, Sélestat, France ,
Constellations, Galerie cent8-serge le borgne, Paris, France

« Georges Tony Stoll parle lui-même de sa pratique artistique, dans toutes ses manifestations, comme d'une exploration d'un territoire, qu'il nomme « territoire de l'abstraction », présentant ce dernier comme « ce trou noir, que je peux situer entre la réalité et la fiction, mais dont il m'est impossible de décrire les limites, les formes, les échanges » ou comme ce lieu « où tous les phénomènes se rejoignent et forcent la réaction, la contradiction et ainsi l'invention ». [...]Il se conduit ainsi à puiser à l'intérieur de lui-même ce qu'il donne à voir dans ses images, non pas dans une hostilité au monde (...), mais dans une relation au monde où celui-ci a été digéré par sa propre subjectivité. »
Éric de Chassey, « Éblouissements », in Georges Tony Stoll —, Dessin infini, Septembre Éditions, Paris, 2007.

> L'oeuvre créée pour l'exposition, intitulée « Constellation anonyme », est une construction en bois et peinture, installée dans la grande nef.


Callum Innes


Callum Innes, peintre écossais né en 1962, vit et travaille à Edimbourg.
Il expose régulièrement à Londres, Edimbourg, New York, Dublin et en Suisse.
Ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques, notamment au Centre Pompidou, Paris , Kunsthalle Bern, Suisse , National Galleries of Australia, Canberra, Australie , Musée des Beaux Arts, Lausanne, Suisse , Irish Museum of Modern Art, Dublin, Ireland , Kunstmuseum, Nuremberg, Allemagne , Neuberger & Berman Collection, New York, USA...

Dernières expositions personnelles :

2009 : Ingleby Gallery, Edimbourg

2008 : Galerie Tschudi, Zuoz, Suisse ,
Kerlin Gallery, Dublin, Irelande ,
Jensen Gallery, Auckland, Nouvelle Zélande

« Dans la série Monologue, également commencée en 1991, une première couche homogène horizontale à dominante grise est passée, avant d'être diluée. La pesanteur oriente alors les flux de la térébenthine de telle sorte que naissent, sans contrôle préalable, des figures fantomatiques et grandioses à la fois, que les spectateurs peuvent éventuellement interpréter comme des images, mais des images sans stabilité et sans certitude. Celles-ci sont alors littéralement une résistance à la gravité et à la dilution ou au contraire un effet de ces deux actions non humaines , de même suggèrent-elles autant la montée que la descente. [...] Les tableaux de Callum Innes invitent à diverses interprétations, les Monologues se singularisant certainement par leur aspect plus volontiers suggestif, de même qu'ils suggèrent différents sentiments chez les spectateurs. Tous conduisent à privilégier telle ou telle signification possible en affirmant un premier état, une norme implicite pour ainsi dire, puis en contredisant cet état.
[...] Ce qui est exposé de cette façon —, pour reprendre le titre générique d'une série —, ce n'est pas la subjectivité personnelle de l'artiste mais, potentiellement, la subjectivité du spectateur, car si les tableaux pointent ce qui a été là (les couleurs qui ont été ensuite dissoutes) et qui a été là (le peintre), ils pointent surtout ce qui est ici (l'état final de l'oeuvre) et qui est ici (le spectateur, la spectatrice). Ils exposent la perte et la plénitude indissolublement mêlées. »
Éric de Chassey, « Pesanteur et Grâce » (édition Drago, 2010), catalogue de l'exposition.

> Les tableaux de Callum Innes sont accrochés dans la grande nef.






Emmanuel Van Der Meulen



Emmanuel Van der Meulen, peintre né en 1972, vit et travaille à Paris.

Son travail repose sur un principe stable qui est constitué de tableaux recouverts de couleur de façon homogène. Sur ces toiles, les irrégularités sont presque imperceptibles mais témoignent cependant du passage de la main de l'artiste et sont la preuve que ces oeuvres ne sont pas le fruit d'une action mécanique.
Selon Emmanuel Van der Meulen, une très grande importance est accordée à l'effet sur le spectateur, plus même qu'à l'intention de l'artiste. Il exprime sa volonté de manière claire : « J'essaie de ne pas peindre, tout en peignant».
Un système d'accrochage spécifique a été élaboré par l'artiste : il détermine une ligne d'horizon relativement haute. Cet accrochage offre aux spectateurs la possibilité d'un corps à corps avec les oeuvres.

Dernières expositions personnelles :

2010 : My eyes keep me in trouble, La Station, Nice 2009

2009 : Enten-Eller (Ou bien - Ou bien), galerie Jean Fournier, Paris

2007 : Carte Blanche à Éric de Chassey et Pierre Wat, galerie Jean Fournier, Paris

2006 : La force de l'art 01, Grand Palais, Paris

2005 : Chambre de peinture, Bétonsalon, Paris

« Dans le partage formel avec le spectateur, ces quelques formes simples (des aplats de couleurs quadrangulaires) sont le minimum reconnaissable. Elles se donnent à voir d'emblée et on peut passer à autre chose. On peut aller au-delà de la reconnaissance de ce qu'il y a à voir sur le tableau et en venir à l'expérience du tableau proprement dit. Je conçois l'expérience de la peinture comme une expérience partagée, même si celui ou celle qui va venir devant le tableau s'y confronte seulement dans un second temps. J'ai en tête que ma position et celle du regardeur sont interchangeables. Si je me pose ainsi devant chaque tableau, c'est pour que d'autres puissent le faire à leur tour. »Emmanuel Van der Meulen

> Emmanuel Van der Meulen présente quatre tableaux inédits parmi ses plus récentes créations dont certaines sont réalisées spécialement pour l'exposition. Ils sont exposés dans l'ancienne sacristie.


- Exposition « La Pesanteur et la Grâce »
- Du 23 avril au 10 septembre 2010
- Collège des Bernardins
- 20 rue de Poissy 75005 Paris
- Entrée libre
- Ouvert tous les jours de 10h à 18h et le dimanche de 14h à 18h
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Par Nicole Salez

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