Hana Chidiac, commissaire de ”L’Orient des femmes” : Interview

Hana Chidiac est responsable de l'unité patrimoniale des collections Afrique du Nord et Proche-Orient au musée du quai Branly. Elle répond à nos questions à propos de l'exposition « L'Orient des femmes vu par Christian Lacroix », dont elle est commissaire et qui se tient du 8 février au 15 mai 2011 au musée du quai Branly, à Paris.

Comment vous êtes-vous partagés les rôles avec Christian Lacroix pour cette exposition ?

Le musée du quai Branly a confié à Christian Lacroix la mise en scène de l'exposition mais aussi la direction artistique du catalogue. J'ai assuré de mon côté le commissariat scientifique. Quoique venant d'univers différents, il s'est établi entre nous une relation de collaboration et de complicité enrichissante. Au cours des consultations dans les réserves, il n'hésitait pas à me questionner sur ces femmes, leurs traditions ou sur un détail vestimentaire.

D'où viennent les pièces présentées ?

Les costumes présentés dans l'exposition proviennent des collections du musée du quai Branly, que j'ai essayé d'enrichir au cours des deux dernières années grâce à de nouvelles acquisitions et d'une exceptionnelle collection privée —, celle de Madame Widad Kamel Kawar qui réside en Jordanie. Enfin, un prêt consenti par le musée national de Beyrouth : une émouvante robe de fillette du XIIIe siècle retrouvée dans une grotte au Liban.

Quels ont été vos critères de choix ?

J'ai sélectionné dans un premier temps une centaine de robes et de manteaux. Je souhaitais évoquer la richesse et l'étonnante variété des costumes des différentes régions du Proche-Orient. Mais il a fallu réduire le nombre des pièces pour des contraintes muséographiques. Ce n'était pas facile d'écarter telle robe ou tel manteau. Tous sont émouvants, attachants... C'est Christian Lacroix, guidé par ses coups de cœ,ur, qui a désigné les heureuses élues

Quelle est, selon vous, la plus exceptionnelle d'entre elles ?

Il est difficile de répondre à votre question. C'est comme si vous me demandiez lequel de mes enfants j'aime le plus ! Les costumes sont tous somptueux et différent les uns des autres. Comme le dit si bien Christian Lacroix : [...] chacune de ces pièces est unique. Non seulement parce qu'elle ne sera jamais dupliquée mais surtout parce qu'elle est en adéquation avec la femme qui va la porter [...]

A travers leurs costumes et leurs parures, que disent ces femmes d'Orient à une femme vivant dans une société moderne telle que vous ?

Je ne me lasse pas, depuis le début du projet, d'admirer ces costumes. Comment rester insensible à l'éclat de ces broderies, à ce mélange audacieux de couleurs vives, parfois violentes. Leur beauté me réjouit, me comble. Mais ces robes suscitent en moi des sentiments opposés, entre fierté et nostalgie - parce que ces robes, aujourd'hui largement abandonnées, prennent le chemin des musées.

Il y a des moments où j'envie ces femmes qui ont composé, avec goût et passion, chaque élément de leurs garde-robes et qui nous ont légué un patrimoine vestimentaire d'une grande richesse. Des femmes qui doivent sans doute me plaindre de vivre dans une société de consommation ou le prêt-à-porter est roi et où domine une mode standardisée !

Hana Chidiac : biographie

Hana Chidiac est née au Liban. Diplômée en histoire de l'art et archéologie, elle est responsable, depuis 2002, de l'unité patrimoniale des collections Afrique du Nord et Proche-Orient au musée du quai Branly.

Elle a réalisé de nombreuses expositions temporaires à l'Institut du Monde arabe où elle travailla de 1983 à 2000 (Yémen, au pays de la Reine Saba , Les ribats de Tunisie , Yémen, la parole révélée , Beyrouth, le temps retrouvé , Châteaux Omeyyades de Syrie...).

Par Nicole Salez