Artiste photographe, Gaëtan Viaris s'attache, depuis 21 ans, à explorer le regard porté par le spectateur sur les œ,uvres d'art. En opérant des recadrages, en variant les angles de vue et en exploitant le répertoire stylistique du noir et blanc, il modifie radicalement le rapport à l'oeuvre, lui ajoutant une dimension temporelle presque insensible. Exposition 'Corps nu, corps dévoilés : créations de Gaëtan Viaris autour des collections du musée d'art Thomas-Henry', à Cherbourg, jusqu'au 22 mai 2011.

Du cadrage au montage
Neville Rowley
Des photographies présentées par Gaëtan Viaris au musée d'art Thomas-Henry de Cherbourg-Octeville, il est possible que le visiteur habituel s'en fasse d'abord un jeu. Reconnaître les œ,uvres originelles choisies par le photographe est certainement un test de mémoire auquel bien peu renonceront , il n'est pas dit que tous le réussiront.
Enfermer dans un tel jeu « l'anamorphose d'un regard » proposée par Gaëtan Viaris ne saurait pourtant rendre pleinement justice à sa démarche. Car il y a plus, bien sûr : comment, sinon, les œ,uvres photographiées pourraient-elles posséder un tel air de famille, au-delà des siècles, des écoles et même des techniques ? C'est le cas en premier lieu, et de manière spectaculaire, du majestueux et on ne peut plus viril Patrocle de David, rendu semblable à la frêle et lisse Jeune fille à l'épine de Lefèvre-Deslongchamps. Le cadrage, le grain, le noir et le blanc ne laissent de ces formes apparemment dissemblables que leur anatomie originelle, les faisant se répondre, véritablement, dos à dos. On peut en dire autant du Christ mort de la Pietà de Poussin et du cadavre au premier plan de l'Edith d'Horace Vernet, dont la disposition symétrique évoque un effet de miroir. Contrairement à la chronologie habituelle, c'est pourtant le Poussin et sa matière abîmée, devenue tellement moderne, qui semble le reflet trouble du trop net Vernet.
Cette « parenté par le cadrage » s'avère plus prégnante encore quand le photographe s'empare de ces peintres italiens des XVIe et XVIIe siècle qu'il affectionne tant et qui sont comme exaltés par sa propre technique. Ainsi de cet Isaac qui ressemble à un saint Sébastien en dépit des Ecritures et de la main bien différente qui les a peints —, Allori contre Schedoni. Si Isaac et Sébastien deviennent frères aux yeux du photographe, c'est par leur anatomie, bien entendu, mais aussi par ce drapé lumineux qui les couvre et les montre tout à la fois. Ainsi se dévoile, presque miraculeusement, un plan inaperçu d'une peinture que l'on croyait connaître, un pan d'autant plus évident que le dicte le format carré.
Le photographe ne s'arrête pourtant pas à ces vues figées, mais leur ajoute une dimension temporelle presque insensible. Les planches-contacts d'après l'Allori et le Schedoni montrent bien une prise identique tout au long d'un film 24x36 qui évoque les dimensions d'un écran. C'est toujours la même photo, mais c'en est pourtant toujours une autre. Subrepticement, le cadrage devient montage.
La même intention préside à l'élaboration du « triptyque » formé à partir du Patrocle de David, dans lequel la prise de vue varie légèrement, de gauche à droite, mettant le regard en mouvement. Ainsi également du Hyacinthe, peint par un suiveur de Caravage tellement méritoire qu'on a peine à le croire encore anonyme. Le cadrage bouge cette fois verticalement, soulignant le mouvement des quatre bras ballants : le « triptyque » ne pouvait que faire écho à cette ligne de tension et s'ordonne dans un sens identique à celui d'une pellicule de cinéma. Le montage prend forme.
Reste, dans l'exposition, une œ,uvre qui pourrait démentir une telle poétique du cadrage au sens cinématographique. Ce qui semble un tableau entier n'est pourtant qu'un photomontage, réalisé à partir d'un tableau de Palma le Jeune et d'un autre de Pignoni. Au même titre que toutes les autres, cette image est révélatrice d'un regard particulier. Un regard qui nous permet de voir les œ,uvres du musée Thomas-Henry avec une joie renouvelée.

- Gaëtan Viaris de Lesegno
- Corps révélés, corps dévoilés (
12 propositions photographiques noir et blanc grand format
à partir des collections de peintures du Musée d'art Thomas-Henry)
- jusqu'au 22 mai 2011
- Musée d'art Thomas-Henry
4 rue Vastel —, 50100 Cherbourg-Octeville
Contact : 02 33 23 39 30 —, musees@ville-cherbourg.fr
- Horaires :
Basse-saison : 1er octobre-30 avril
du mardi au dimanche de 14h à 18h
Fermé le lundi et les jours fériés /
Haute-saison : 2 mai-30 septembre
du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h
le dimanche de 14h à 18h
Fermé le lundi et les jours fériés
- Entrée libre
- Corps révélés, corps dévoilés (
12 propositions photographiques noir et blanc grand format
à partir des collections de peintures du Musée d'art Thomas-Henry)
- jusqu'au 22 mai 2011
- Musée d'art Thomas-Henry
4 rue Vastel —, 50100 Cherbourg-Octeville
Contact : 02 33 23 39 30 —, musees@ville-cherbourg.fr
- Horaires :
Basse-saison : 1er octobre-30 avril
du mardi au dimanche de 14h à 18h
Fermé le lundi et les jours fériés /
Haute-saison : 2 mai-30 septembre
du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h
le dimanche de 14h à 18h
Fermé le lundi et les jours fériés
- Entrée libre
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