Rotterdam : ”Les maisons à bricoler”

Une politique de lutte contre l'habitat privé dégradé et contre l'insécurité

'Les maisons à bricoler'...voici une idée mise en oeuvre à Rotterdam (Pays-Bas) qui pourrait bien inspirer d'autres villes, dans d'autres pays, pour réhabiliter des quartiers 'sensibles'. Une solution qui présente l'avantage de permettre à la fois, à la ville de lutter contre l'habitat délaissé, lieu d'incubation pour la criminalité et à des particuliers de devenir propriétaires à moindres frais. Explications et visite guidée en compagnie de An Huitzing, responsable du programme 'Maisons à bricoler' de la ville de Rotterdam.



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Voir en Portfolio les images illustrant les principales étapes du Programme 'Maisons à bricoler' lancé par la ville de Rotterdam.

- L'inspecteur 'coach' vient aider et contrôler
- Des prix et des conditions
- Bricoler ou donner des ordres...comme vous voulez
- Le 'Renard bleu' avant les travaux
- Le 'Renard bleu' en transition
- Les 18 copropriétaires du 'Renard bleu'
- Appartement dans le 'Renard bleu'
- Maison à bricoler individuelle avant et après
- Même bâtiment à l'intérieur
- Des bons résultats
- Des jardins privés et communs
- La longue marche du quartier délaissé au quartier vivant
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Nous sommes à Rotterdam, à Spangen, un des quelques dix quartiers ouvriers datant des années 20/30. Connu il y a quelques années encore comme l'un des plus dégradés et dangereux de la ville, il présente aujourd'hui un aspect plus serein. Nous visitons l'ensemble de bâtiments du 'Renard bleu' en compagnie d'An Huitzing, responsable du programme 'Maisons à bricoler' de la ville. Sous nos yeux, des maisons en rénovation, dont certaines presque achevées, affichent un air pimpant, de même que les jardins privés et communs attenants aux habitations. A l'intérieur, salons et chambres confortables témoignent de l'ampleur des travaux de modernisation entrepris, sans compter les terrasses ouvertes sur les jardins intérieurs. A Spangen, plus que la simple rénovation de bâtiments, c'est toute la revitalisation du quartier qui s'opère.




Des quartiers ouvriers aux quartiers délaissés

Flash back. Au début du XXème siècle, Rotterdam est en pleine expansion. La ville connaît un fort afflux de population. Afin de loger ces nouveaux arrivants venus des Pays-Bas et de l'étranger pour y travailler, des maisons sont construites dans les années 20/30.

Bien entretenues jusque dans les années 60, ces locations privées le sont moins bien par la suite. Dans les années 70, beaucoup de jeunes les quittent, préférant s'installer dans les nouveaux quartiers hors de la ville où les logements leur paraissent plus adaptés à leurs besoins.

L'ambiance change dans les anciens quartiers ouvriers. 'De nouveaux groupes de population arrivaient, on ne se connaissait plus, on ne se comprenait plus. Les appartements étaient revendus à des propriétaires « vautours ». Ils se dégradaient. Squatters et marginaux y élisaient domicile. Et, progressivement, drogue et criminalité s'y installaient', explique An Huitzing.

De 2002 à 2006, après la victoire électorale de la droite locale, la ville de Rotterdam identifie neuf « hot spots », des points chauds où l'habitat délaissé est un lieu d'incubation pour la criminalité.
Elle décide que la rénovation est une condition nécessaire pour la sécurité. C'est également une façon de conserver un patrimoine, car malgré leur état, ces logements présentent un intérêt architectural. La Ville met en place un programme conçu selon une approche tant physique que sociale et économique.



Prix bas, règles strictes : Une liberté réglementée



Le programme engagé se déroule en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, la Ville force le propriétaire privé à réparer sa propriété dans un délai d'un an après son inspection.
S'il n'est pas disposé ou en mesure de le faire, la Ville rachète le bien et le vend. Mais pas n'importe comment. Elle propose des logements à bas prix à des particuliers à condition qu'ils les rénovent eux-mêmes.

Les prix sont bas, mais les règles sont strictes. L'acheteur ne doit ni vendre ni louer le bien pendant trois ans après son achat. Il faut qu'il fasse un plan des travaux avant l'achat définitif, qu'il prouve qu'il y a assez d'argent disponible ou à emprunter pour les exécuter et qu'ils seront réalisés selon certaines exigences (isolation, sécurité, balcon ou terrasse, etc.), et ce dans un délai d'un après achat. 'Bref, il s'agit d'une liberté réglementée', commente An Huitzing.

En revanche, la Ville met à la disposition de l'acquéreur une personne spécialisée qui le guide pendant l'achat, un architecte qui l'aide à faire un plan, un 'coach' pour déposer le permis de construire, donner des conseils et contrôler les travaux. Elle lui facilite le contact avec les banques pour un prêt immobilier.


Des projets gagnant-gagnant



Ainsi, de 2004 à 2011, 425 appartements ont été vendus à 200 ménages et ont été transformés en maisons de ville.

Trois raisons principales ont motivés les acquéreurs : le fait de devenir propriétaire à moindres frais, celui de décider eux-mêmes de l'aménagement de leur maison selon leurs goûts et la possibilité de s'en occuper eux-mêmes.


Un exemple ? Un jeune architecte a ainsi acheté une maison de 3 étages d'environ 120 m2 , comprenant deux vieux appartements (1 au rez-de-chaussé, l'autre à l'étage + le grenier) pour 60.000 € auxquels il faut ajouter 5000 € de frais d'achat. En matériel et travaux de rénovation réalisés par un artisan il a dépensé 70.000 €. Soit un coût total de 135.000 €. 'La valeur estimative de cette maison dans ce quartier établie par l'expert était à ce moment de 170.000 €. Si l'on ne tient pas compte des heures de travail de l'acheteur lui-même, pendant environ quatorze mois, le profit se monte donc à 35.000 € ' , explique An Huitzing.


Et de poursuivre 'En général, la ville de Rotterdam perd 30.000 euros/maison en réalisant des 'maisons à bricoler'. C'est à dire que entre le bénéfice et les coûts par maison

* (prix d'achat (la ville achète aux prix de la valeur estimative) + frais des examens (fondation, amiante, sol) + frais de l'équipe de projet (gestion et nettoyage, publicité, assistance etc)
, il y a une écart de 30.000 euros (en moyenne).


Mais, pour la responsable du programme 'Maisons à bricoler' , les bénéfices sont indirectes. 'Si on n'avait rien fait, la situation de dégradation aurait continué...à la fin, c'est dommageable pour la ville, ses habitants, son économie. Et d'ajouter : 'Les autres méthodes d'intervention sont aussi chères, sinon plus, comme acheter/démolir/construire ou acheter/rénover/vendre. De plus, elle n'auraient pas permis d'attirer des habitants 'positifs' et créatifs comme c'est le cas dans le cadre du Programme 'Maisons à bricoler'. Aujourd'hui nous avons des maisons ' à bricoler' rénovées et agrandies. Et c'est stimulant pour le quartier...'



Par Nicole Salez
Portrait de admin

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