Une talentueuse Marianne Soumoy dans ”La femme qui frappe”

Avez-vous déjà vu, dans l'intimité d'un modeste logis, une femme bouillir devant un travail ennuyeux et sans fin, commandé dans l'urgence par un homme sans scrupules, et qui plus est, rechigne à payer ce labeur ? Courez voir Marianne Soumoy. Elle nous fait vivre les transes de 'La femme qui frappe', un monologue écrit par Victor Haïm, où elle excelle par la variété de son jeu entre émotion, drôlerie, fantaisie et sens de la montée dramatique.


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Dans son modeste logis, Agathe écoute Radio rêve. Un intermède avant de se remettre à taper frénétiquement un texte abscons qui n'en finit pas. Un texte laborieux comme « la Bible racontée par un bègue à un mec dur de la feuille »... Au centre, une table sur laquelle trône sa machine à écrire. Derrière : une étagère chargée de mille petite choses. A droite : un lit sur lequel on aperçoit le bout des jambes d'un homme en pantalon et chaussé. A gauche, la porte d'entrée.

Déjà près de 7000 pages dactylographiées...Les nuits, les jours s'écoulent. 'Courrier !', chaque matin, derrière la porte d'entrée, le concierge annonce bruyamment 'la ration quotidienne' de manuscrits envoyée par l'auteur. Ensevelissement.

Un jour, intriguée par une virgule mal placée, Agathe se lance. Elle ose appeler au téléphone ce patron inconnu. Faut-il conserver cette virgule ou l'enlever ? Mais de quoi se mêle-t-elle pour poser une telle question !

Agathe reprend sa tâche tout en essayant d'y trouver un sens. Elle tente aussi de percer l'obscurité du texte, 'du bleu, du bleu foncé !'. Comme on met du linge à sécher, Agathe épingle les feuillets le long de son étagère. Un rien désespérée, mais résolue à poursuivre. Elle lutte bec et ongles pour gagner un peu d'argent et préserver sa dignité. Mais l'autre résiste à payer son dû.

Après tout, s'y prend-t-elle comme il faut avec ce 'patron' du bout du fil ? Peut-être est-ce 'une question de doigté'. Agathe-Marianne Soumoy se livre alors à un réjouissant exercice de styles d'approches pour le spectateur.


Tension

Peu à peu le meuble se couvre. La tension monte. Pour Agathe et sa machine, c'est une course folle pour absorber ce chapelet sans fin. Qu'importe, on s'accroche. Un autre petit verre, et hop c'est reparti !

Cliquetis de la machine et monologue de la dactylo. Seule échappatoire à cette solitude laborieuse : le téléphone. Au fil de ses appels, pour demander une explication, proposer la suppression ou le remplacement d'un mot, on découvre l'interlocuteur d'Agathe : un écrivain tortionnaire et égocentrique, manipulateur, méprisant, dominateur, obsédé «textuel» et adepte du coït téléphonique. Rien que çà !

Tout à coup, la cocotte minute qui déjà donnait des signes de très forte pression, explose. Agathe jette le manuscrit à travers la pièce et détruit l'unique exemplaire...

Nous ne vous en dirons pas plus sur ce drame drolatique de Victor Haïm, si ce n'est qu'il est très bien servi par une Marianne Soumoy pleine d'énergie, de talent et de virtuosité. La comédienne nous offre une grande variété de jeu entre émotion et humour. Passant avec aisance d'un sentiment à un autre, elle ménage avec finesse la progression dramatique de la pièce. Bref : une belle performance !


En filigrane

Qui a dit 'on perd sa vie à la gagner' ? En particulier les femmes, il faut bien le dire, souvent contraintes d'accepter des petits boulots, peu valorisants, mal payés - quand ils le sont !-, pour survivre, elles et leur entourage. Mais point de pathos, ici on s'amuse !

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- 'La femme qui frappe', du 7 septembre au 15 octobre 2011 au CINE 13 Théâtre (75018 Paris).
- Une comédie déjantée de Victor Haïm, mise en scène par l'auteur (Molière 2002 du meilleur auteur), avec Marianne Soumoy. Scénographie de Alice Leconte. Création lumières : Mohamed Mokaddemini. Costumes : Milly Blue. A2R Compagnie
- CINE 13 Théâtre, 1 avenue Junot (75018 Paris)
- 21h30 du mercredi au samedi - 15h30 dimanche
- Location : 01 42 54 15 12 ou www.cine13-theatre.com
- Tarifs 20 € / 15 €
- Durée : 1h10

- Accès : Métro Lamarck-Caulaincourt

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Par Nicole Salez

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